Sophie-Anne Bisiaux, En finir avec les idées fausses sur les migrations. Éditions de l’Atelier, 02/09/2025, 244 pages. 12,50€
Dans En finir avec les idées fausses sur les migrations, Sophie-Anne Bisiaux propose un ouvrage de vulgarisation critique consacré aux représentations erronées qui entourent les migrations contemporaines. Un essai engagé qui revisite de façon approfondie le débat public sur les migrations et déconstruit les principaux préjugés qui l’entourent. Elle est diplômée en Sciences politiques, en Droit et en Philosophie. Journaliste spécialisée dans les questions migratoires, membre du réseau Migreurop l’auteure s’inscrit dans une démarche pédagogique visant à déconstruire les discours simplificateurs et anxiogènes largement diffusés dans le débat public et médiatique. La nouvelle édition intègre des événements récents tels que la guerre en Ukraine, les évolutions des politiques migratoires en Europe… La Préface est signée par le démographe François Héran, sociologue et démographe spécialiste renommé des questions migratoires. Cela donne au texte un cadre scientifique sérieux tout en restant accessible à un large public.
Le livre est structuré autour d’une série d’« idées fausses » ou assertions courantes qui sont décryptées et déconstruites une par une : l’idée d’une invasion migratoire, le lien supposé entre migration et insécurité, le coût économique des migrants, ou encore l’argument selon lequel les migrations seraient principalement motivées par l’assistanat. Chaque affirmation est examinée à partir de données statistiques, de rapports institutionnels et de travaux de chercheurs, ce qui permet à l’auteure de rétablir des faits souvent occultés ou déformés. L’objectif est de montrer qu’une partie importante des idées largement partagées dans les médias ou dans le débat politique ne repose pas sur des faits solides mais sert souvent à justifier des politiques migratoires plus strictes, coûteuses ou inhumaines. Chaque chapitre prend une idée fausse du type « la France est trop accueillante, cela crée un appel d’air » ou « fermer les frontières arrêterait la migration ». Elle examine l’origine de cette représentation, la confronte à des données statistiques et sociales, puis démontre pourquoi elle est trompeuse ou simplificatrice.
Le livre se distingue par son positionnement engagé, assumé mais argumenté en faveur d’une politique d’accueil respectueuse des droits humains.
L’engagement marqué et le ton militant de l’auteure ne font aucun doute. Le but est de permettre au lecteur de comprendre ou défendre une approche humaniste des migrations ; il ne changera pas forcément l’avis de celles et ceux qui ont des convictions opposées. La lecture permet de dépasser les idées reçues et comprendre les migrations sous un angle factuel et critique. Son ambition est de déconstruire les stéréotypes tout en offrant des pistes pour repenser les politiques migratoires de manière plus juste et solidaire. Sophie-Anne Bisiaux ne prétend pas à une neutralité absolue : elle revendique un travail de déconstruction des discours politiques et médiatiques qui alimentent la peur de l’« étranger ». Cet engagement renforce la portée citoyenne de l’ouvrage, mais peut aussi être perçu comme une limite par des lecteurs en quête d’une distance analytique plus marquée. Elle montre comment ces idées sont utilisées politiquement pour restreindre la liberté de circulation ou justifier des mesures répressives. Elle donne de nombreux arguments (chiffres, faits, études) pour alimenter le débat. L’ouvrage est donc un essai qui s’attaque aux discours dominants sur la migration, souvent porteurs de peur, de rejet ou de simplifications abusives. L’auteure propose une lecture argumentée et documentée des phénomènes migratoires, en s’appuyant sur des données, des faits et des travaux scientifiques récents.
Le style est pédagogique et accessible et didactique.
Sophie-Anne Bisiaux parvient à rendre lisibles des données complexes et à replacer les migrations dans une perspective historique et globale, rappelant notamment que les mobilités humaines sont anciennes, minoritaires à l’échelle mondiale et fortement encadrées par les États. Sur le plan critique, l’ouvrage privilégie la synthèse et la réfutation au détriment d’une analyse approfondie des causes structurelles des migrations (inégalités globales, politiques internationales, héritages coloniaux). De même, les expériences subjectives des migrants sont relativement peu développées, l’accent étant mis avant tout sur les chiffres et les discours publics. Sa méthode aide à décoder les mécanismes des préjugés.
Sa pédagogie est développée en cinq étapes principales :
Étape 1 — Définir précisément ce que signifie « appel d’air ». Étape 2 — Examiner les données factuelles. Étape 3 — Replacer les migrations dans leur logique réelle. Étape 4 — Montrer les effets pervers des politiques fondées sur l’« appel d’air ». Étape 5 — Identifier l’usage politique de l’idée fausse.
Quelques exemples concrets d’idées fausses abordées dans le livre suffiront à nous convaincre de sa pédagogie et de son objectif.
Elle déconstruit 60 idées reçues courantes sur les migrations en les confrontant à des données, à des faits et à des analyses sociologiques et politiques. Parmi celles que l’on retrouve explicitement dans les résumés et descriptions éditoriales :
« L’Europe vit une véritable crise migratoire ». Le livre remet en contexte cette affirmation en montrant que la mobilité humaine est un phénomène ancien et multidimensionnel, qui ne se réduit pas à un « pic » dramatique permanent alimenté par un fantasme de crise permanente.
« La France est trop accueillante, cela crée un appel d’air ». Cette idée reçue prétend qu’accueillir génère davantage d’arrivées. Le livre déconstruit ce lien causal direct, en montrant que d’autres facteurs (économiques, géopolitiques) sont déterminants pour les migrations, et que l’appel d’air n’est pas scientifiquement prouvé. C’est l’un des arguments les plus répandus dans le débat public, et aussi l’un des plus structurants des politiques restrictives.
Elle en fait un cas d’école.
Elle démontre que croire à l’appel d’air produit des effets contre-productifs : la fermeture des frontières n’empêche pas les migrations, mais : augmente les routes dangereuses, renforce les passeurs, et accroît la mortalité. Les politiques dissuasives créent plus de clandestinité, pas moins de migrations. Autrement dit : on ne supprime pas le phénomène, on le rend plus violent. Elle montre que l’« appel d’air » est surtout : un outil rhétorique, un argument simple, anxiogène, permettant de légitimer des politiques restrictives sans avoir à prouver leur efficacité. L’idée fausse fonctionne parce qu’elle : rassure (« on contrôle »), déplace la responsabilité vers les migrants, et évite de parler des causes profondes des déplacements. L’« appel d’air » n’est pas une loi sociale, mais un mythe politique. Selon elle, les migrations ne sont ni accidentelles ni manipulables à volonté ; elles relèvent de dynamiques globales complexes ; penser les migrations uniquement en termes de dissuasion conduit à des politiques inefficaces et inhumaines.
« Si on fermait vraiment les frontières, la migration finirait par se tarir ». Elle examine les politiques de fermeture des frontières (et leurs limites), soulignant que ces mesures n’arrêtent pas les migrations mais les rendent souvent plus dangereuses et plus clandestines.
« Les immigrés ne veulent pas s’intégrer » . Une idée reçue sociale qui est déconstruite par des analyses empiriques et des exemples qui montrent la diversité des parcours et des trajectoires d’intégration, souvent invisibilisés dans les discours publics.
« Les étrangers prennent les emplois des nationaux et participent au dumping social ». Le livre traite cette idée comme une construction qu’il confronte aux données économiques (sur l’emploi, la productivité, la création de valeur) qui montrent que la contribution des migrants à l’économie est complexe et souvent bénéfique.
« Ils vivent au crochet de la société et menacent les systèmes de Sécurité sociale ». Sophie-Anne Bisiaux déconstruit cette affirmation en analysant les faits sur les contributions fiscales et sociales des migrants, montrant que l’image du « fardeau » est largement exagérée ou déformée. Ces exemples ne sont pas isolés : le livre couvre aussi des idées reçues sur la criminalité, l’asile versus migrations économiques, la gestion des frontières, le rôle des passeurs, les femmes migrantes, les transferts de fonds vers les pays d’origine, etc.
C’est un travail de contre-discours contre les simplifications médiatiques qui réduit les mouvements migratoires à des schémas binaires ou alarmistes.
Ce que l’ouvrage cherche à déconstruire avec rigueur. Elle donne une quarantaine d’exemples concrets d’idées reçues, traitées de manière critique et argumentée à partir de données, d’analyses rigoureuses et de contextes historiques et politiques. Un outil pédagogique et un contre-discours face aux simplifications médiatiques et politiques sur les migrations. En définitive, l’ouvrage particulièrement adapté pour comprendre les enjeux migratoires contemporains. Sans prétendre à l’exhaustivité scientifique, le livre remplit pleinement son objectif : outiller le lecteur pour un débat plus rationnel, informé et apaisé sur les migrations. Ce débat est déjà au cœur des prochaines élections municipales, et le sera encore plus aux Présidentielles. Plutôt que de répéter ou que d’ânonner quelques lieux communs ou des thématiques que l’on ne maîtrise pas toujours voilà un bon livre pour entrer dans le débat avec des arguments forts et bien menés.