Compiler et rendre visuellement accessible les structures et les données chiffrées de l’antiquité romaine, c’est la gageure largement relevée par John Scheid et Nicolas Guillerat dans cette « Infographie de la Rome antique ».
Tous les lecteurs le savent, quand dans les librairies ils flânent à la recherche du nouveau livre qui supplantera leur pile à lire : il y a des livres que l’on aime d’instinct. Comment parler de ces livres-là, ces livres qui, au premier regard, sans même les ouvrir, ni lire la quatrième de couverture, dévoilent un autre monde et dissolvent le temps ? Comment parler de ce livre dont on est instinctivement certain qu’il viendra enrichir notre bibliothèque personnelle ? « Infographie de la Rome antique » est un titre programmatique : il dit tout et pourtant, ces cinq mots donnent le vertige.
L’antiquité, d’accord, mais quelle Rome ? La Rome mythique fondée en 753 av. J.-C. ? Celle en 50 av. J.-C., lorsque « toute la Gaule était conquise » ? Ou encore la Rome d’Hadrien du IIe siècle, à l’apogée de ce que l’on appelle l’Empire ? Les sources pour les premiers siècles après la fondation sont insuffisantes. Mais, même en bornant cette présentation au Ve siècle av. J.-C. jusqu’à la chute de l’Empire romain d’Occident en 476, la période reste longue, limitée par le nombre de sources et une fiabilité relative des chiffres. Mettre en graphiques, en schémas, les données dont disposent les historiens est un défi fièrement relevé par John Scheid, historien et archéologue, professeur émérite au Collège de France (avec la collaboration de Milan Melocco, Normalien) et du graphiste Nicolas Guillerat. Défi remporté dès la couverture : le cimier coloré du marron au jaune indique, au lecteur attentif qui observe le rabat de la couverture, la composition d’une légion romaine !
Divisé en trois parties (I. Territoires et populations de l’Empire ; II. Gouverner, vénérer les dieux, pourvoir aux besoins ; III. La puissance militaire romaine), l’ouvrage balaye les époques et les thèmes. Des textes courts introduisent chaque sujet et facilitent la compréhension des différentes figures. Les diagrammes ne sont pas là pour illustrer mais se lisent pour eux-mêmes. Les professeurs de latin et d’histoire puiseront dans ce livre une mine de documents pour leurs élèves. Le lecteur curieux retrouvera la fascination qu’enfant il avait sans doute devant les schémas légendés du dictionnaire.
Chaque dessin s’étudie avec minutie tant la richesse des informations qu’il apporte est importante. La simplification du dessin ne fait que souligner la complexité des structures qu’il représente. La carte sur « Les voies de communication et les ressources de l’Empire » captive et laisse l’esprit rêveur devant ce monde méditerranéen qui dessine cette « culture tendancielle », identifiée par Louis-Jean Calvet (« La Méditerranée, mer de nos langues« , CNRS éditions, 2016). On passerait des heures à relire, à comprendre, les graphiques sur l’économie, les organigrammes sur l’organisation du pouvoir ou les structures sociales, ou les plans de quelques-unes des batailles durant les guerres puniques et celle de la conquête des Gaules.
On plonge dans ces pages comme l’esthète dans un tableau, avec un plaisir et une curiosité qui se renouvellent d’eux-mêmes. Notre seul regret ? Que cet ouvrage ne soit pas (encore ?) le début d’une collection qui procéderait de cette manière pour d’autres périodes : l’Égypte dynastique des pharaons, l’empire Perse, le Siècle d’or d’Athènes… S’esquisserait alors une nouvelle façon d’appréhender l’espace et l’histoire.
Marc DECOUDUN
contact@marenostrum.pm
Scheid, John & Milan Melocco & Guillerat, Nicolas, « Infographie de la Rome antique », Passés composés, 07/10/2020, 1 vol. (129 p.), 27,00€
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