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Dès la couverture, le titre nous transporte loin et – comme il l’indique – nous entrons dans un conte de style oriental. Le héros est lui-même un conteur talentueux.
Une remarque liminaire pourrait nous paraît pertinente. Le récit qui se déroule en Algérie est riche de références à l’histoire passée et actuelle de ce pays. Il décrit un destin utopique qui pourrait se réaliser, mais, les problèmes qui existent dans ce pays complexe apparaissent comme en miroir. On peut se demander si un non-Algérien a le droit de proposer une vision, même imaginaire, d’une possible organisation idéale de la société algérienne. Je dois avouer que, moi dont l’Algérie est la terre natale mais n’est plus le pays, je n’aurais pas pu écrire un tel ouvrage. Quelque chose d’assez indéfinissable m’aurait retenu.
On peut considérer que, dans un roman l’auteur est libre, dépourvu de la moindre contrainte face au pouvoir de son imagination. La qualité du récit, l’originalité de l’histoire, le plaisir de la lecture ont balayé les questions que je m’étais posées.
Le héros, Mohamed Bourrichi est un obscur archiviste d’une ville imaginaire du sud algérien, Alika. Ses recherches l’amènent à reconstituer l’histoire d’une caravane de marchands entre la Tunisie et l’Algérie, au moment de la conquête de cette dernière par la France. Il met en évidence le rôle particulier qu’ont joué les femmes dans une société dominé par les hommes. Il découvre des faits qui font vaciller les notions de pureté ethnique ou religieuse.
Grâce à ses talents de conteur, l’archiviste devient une célébrité et certains responsables, qui espéraient en tirer profit en le manipulant, le lancent dans le circuit politique et diplomatique.
Par une série de circonstances exceptionnelles, il est propulsé en situation de décideur, et les mesures qu’il préconise sont révolutionnaires.
La première d’entre elles est d’accorder aux Pieds-noirs le droit de retour au pays natal. Cela donne lieu à des scènes de retrouvailles et de fraternisation. Le passé est revu avec la prise en compte des souffrances de tous.
“Les adversaires d’hier allèrent jusqu’à évoquer le souvenir de leurs morts, comme s’ils appartenaient désormais au même ciel d’où l’on aurait célébré ce jour-là, l’instauration de la fraternité algérienne”.
Y a-t-il un seul Pied-noir qui n’a pas au fond de lui ce désir, souvent caché, de retrouver sa terre natale ?
Parmi les autres décisions prises par Mohamed : la paix et la normalisation des relations avec Israël auront d’importantes conséquences géostratégiques et économiques.
Par ailleurs, une recomposition des frontières, en supprimant les causes d’affrontements au sein de certaines zones qui seraient déclarées communes à plusieurs états les revendiquant, aura des effets dominos sur l’ensemble de la planète.
Dans la vision de Mohamed, les États-Unis de la Méditerranée deviennent prospères et cela inverse le sens des phénomènes migratoires. Le domaine du spirituel est concerné avec la religion qui reste au premier rang, mais en ne prônant que l’amour du prochain.
Franck Renevier, influencé par ses racines pied noires, semble être à la recherche d’un pays perdu qui aurait pu être le sien, une Algérie indépendante, multiconfessionnelle, égalitaire et fraternelle. Je le comprends tout à fait.
Ce roman est un conte utopique, mais aussi philosophique parce qu’il aborde – dans une forme légère – des thèmes profonds comme la diversité des origines avec les mixages géographiques, culturels et religieux qui se sont produits ou encore la réconciliation des mémoires entre les Français et les Algériens.
Dans cette réflexion, Zoubida, l’épouse de Mohamed, l’accompagne lorsqu’elle souhaite :
“Que la Méditerranée puisse rassembler un jour sous un même drapeau toutes les nations qui la bordent. Que les pays riverains de cette mer s’unissent pour former les États-Unis de cette mer. Que ses citoyens juifs, chrétiens, musulmans travaillent à propager sa lumière, qu’ils reprennent ensemble cette fois, leur œuvre de civilisation, en direction des peuples barbares du nord, aujourd’hui nantis et industriels.”

Encore une société idéale à son tour fort bien imaginée par le talentueux Franck Renevier. Depuis “Utopia” de Thomas More, presque toutes les anticipations scientifiques imaginées au sein de ces sociétés idéales ce sont réalisées. Comme l’a justement souligné Georges Minois, il est regrettable de constater que, au sein de ces utopies, seules : “les anticipations morales et politiques sont restées à l’état de rêves.” (Histoire de l’avenir, Fayard, Paris, 1996)

Robert MAZZIOTTA
articles@marenostrum.pm

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