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Dans ses entretiens au Figaro, ou récemment dans France-Catholique, Jean-Marie Rouart avait plusieurs fois déjà exprimé son inquiétude sur le vide spirituel de la société. Un danger majeur à ses yeux qu’il a éprouvé le besoin d’étayer et de disséquer sans complaisance aucune dans « Ce pays des hommes sans Dieu ». Car son cri d’alerte « n’est pas l’apanage du seul volet religieux mais empiète sur l’avenir même de notre civilisation », affirme-t-il.
Le constat certes, n’est pas nouveau. Depuis le fameux « France pays de mission ? » ouvrage des pères Godin et Daniel datant de… 1943, jusqu’au récent sondage dans lequel les personnes se déclarant « sans religion » sont aujourd’hui devenus majoritaires dans l’hexagone (27% en 1981, 58% en 2018), la chute, voir l’indifférence du religieux en France n’a jamais été aussi criarde.
Les causes, liées autant à un agnosticisme ambiant qu’à un manque de transmission familial ou à un matérialisme sans frein, l’Académicien les analyse implacablement lorsqu’il qualifie « nos Bossuet modernes de Ruquier ou Hanouna et nos Massillon d’Mbappé ou de Jean-Pierre Pernaut… »
Mais plus que le procès d’une nation apathique au spirituel, c’est le faux-semblant du compromis laissé à la laïcité et l’étiolement des racines judéo-chrétiennes que l’auteur s’efforce de fustiger. En comparant dès le premier chapitre l’inanité de l’imbroglio théologique auquel étaient confrontés les orthodoxes lors du schisme d’Orient face aux dangers que représentaient les Ottomans, l’auteur préfigure ainsi un sombre futur.
« Nous sommes la veille du 29 mai 1453, écrit-il. Constantinople tombera demain. Et nous, à la veille de quoi sommes-nous ? « 
Une façon d’agiter souvent la menace de l’Islam qui laisse cependant perplexe. Surtout quand il évoque la séduction spirituelle de cette religion monothéiste à partir du soufisme « auquel n’ont pu être sensibles des âmes tourmentées et éprises d’absolu comme Isabelle Eberhardt et Louis Massignon », commente-t-il.
C’est à notre avis faire peu de cas de l’élévation mystique et spirituelle contenue dans le soufisme. Car, si l’Islam dans sa grande partie modérée, propose un modèle de société différent du nôtre, pourquoi vouloir le rendre responsable des conséquences de l’incrédulité omniprésente et, partant, de la déchristianisation ?
Par trop excessif dans son appréhension de l’Islam, l’ex franc-maçon « curieux de la gnose et des rites initiatiques », est beaucoup plus persuasif lorsqu’il aborde les chapitres sur l’Église et ses difficultés à concilier les exigences spirituelles et les nécessités de l’État.
Comment concilier en effet le « Tu ne tueras point » de l’Évangile avec les guerres qui ensanglantent la planète ou les Béatitudes du sermon sur la montagne avec la vengeance et la répression, s’interroge-t-il ? Sans parler, comme il l’indique par ailleurs « d’une religion chrétienne qui en punissant le plaisir comme en imposant une morale rigide semble avoir été une conspiration contre le bonheur. « .
Si un sursaut est encore possible comme l’auteur le juge possible dans l’ultime chapitre, ce ne sera que par l’enseignement et la référence aux grands témoins qui ont donné leurs vies au message de l’Évangile.
Les moines de Tibhirine par exemple auxquels il fait allusion, ainsi qu’aux Léon Bloy, Georges Bernanos et François Mauriac dont les œuvres restent encore les meilleures exégèses d’une catéchèse chrétienne…

Rouart, Jean-Marie, « Ce pays des hommes sans Dieu », Bouquins, 06/05/2021, 1 vol. (167 p.), 19,00€.

Michel BOLASSELL
articles@marenostrum.pm

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