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Cuba… la patrie et la vie ! – Francis Mateo

Francis Matéo, Cuba… la patrie et la vie !, VA Editions, 05/01/2023, 1 vol. (209 p.), 20€.

Il y a deux ans, les 11 et 12 juillet 2021 : « Le peuple de Cuba s’est soulevé pour crier : “Liberté, Liberté, Liberté“. Pour remplacer le slogan “la patrie ou la mort“ par “la patrie et la vie“. ».
Le journaliste et grand reporter Francis Mateo livre ce qu’il nomme un récit « incarné », soit un roman composé de personnages bien réels, en reprenant leurs mots, dans leur désespoir et leur courage au quotidien.
Il en résulte un croisement de destins autour des manifestations et de leurs conséquences disproportionnées pour les mis en cause, et timides pour la réaction internationale…
Il y a donc déjà deux ans, un millier de personnes va être jugé, dont une majorité de jeunes pour avoir osé exprimer leur ras-le-bol, pour avoir seulement tenu une pancarte, fait un commentaire sur les réseaux sociaux, ou simplement eu le malheur de traîner pas loin des manifestations…
Les peines sont lourdes : de six à trente ans de prison !
La jeunesse du pays et tout ce que Cuba compte d’expatriés à travers le monde va faire du titre d’un morceau de rap « La patrie et la vie » son hymne de l’insurrection contre la répression de juillet 2021.
À lire certains témoignages on se croit dans un « 1984 » transposé aux Caraïbes…

D’ailleurs, on apprend avec Francis Mateo que Fidel Castro et ses successeurs ont interdit « 1984 » de 1959 à… 2016 ! La dictature Castriste devait trop se retrouver dans la fiction dépeinte par George Orwell. Avoir aussi tardivement autorisé la lecture de ces œuvres n’a pas fait changer les mauvaises habitudes de totalitarisme, de contrôle individuel, de police de la pensée, et de répressions violentes…
Comme dans « 1984 », à Cuba « La vérité c’est le mensonge« . Malheur à ceux qui dérivent de la propagande officielle basée sur les deux prétextes préférés du pouvoir, celui – historique et seulement partiellement vrai – du blocus américain, et plus récemment celui de la pandémie, pour justifier son incurie.

La réponse des autorités aux manifestations est donc essentiellement une vague d’arrestations massives et arbitraires, accompagnée d’une augmentation de trois livres de riz supplémentaires par mois pour les bénéficiaires des carnets de rationnement :
« Une poignée de riz contre les privations constantes, les coupures d’électricité chroniques, l’absence de médicaments, la pénurie généralisée d’aliments, et surtout le manque étouffant de liberté ! La carotte est un peu maigre. En revanche, le maniement du bâton promet d’être sévère de la part d’un régime aux abois ».
On se rend compte à la lecture de l’ouvrage de Francis Mateo que « La corruption et la peur sont aujourd’hui les deux principaux piliers (peut-être les seuls) d’un régime à bout de souffle« , mais bien aidé par les idiots utiles de la dictature…
Une classe dominante politico-militaire vit comme des milliardaires et : « parvient pourtant encore à faire vivre un mythe révolutionnaire ; ce romantisme rance – aussi désuet que les T-shirts à l’effigie de Che Guevara – que viennent chercher quelques touristes en manque de nostalgie« .

Au-delà du tourisme, le régime peut compter sur le déni des Occidentaux dans les rédactions et les chancelleries reprenant mot pour mot la propagande de la dictature sur les causes extérieures aux misères du peuple, et sur les prétendues réussites de la scolarité et santé pour tous alors qu’il ne s’agit que d’une fable bien loin de la réalité subie. L’échange entre l’auteur et le rédacteur en chef d’un magazine français est édifiant à ce propos…
Le peuple ne semble pouvoir compter que sur lui-même. Un des personnages du livre dont le fils et la belle-fille se font arbitrairement arrêter explique que :
« Le pouvoir réagit comme un animal mourant qui donne ses derniers coups de griffes de toutes parts, de façon totalement irrationnelle, cela démontre une certaine panique de sa part ; et cela conduit à une impasse. À ce rythme, ils devront arrêter toute la population, parce que nous n’allons pas nous taire ».
Pour un autre des personnages incarnés de Francis Mateo :  » Ce régime finira par tomber sous le poids de sa propre absurdité».

Mais ce peuple dont on vante l’humour, trouve que l’absurdité a assez duré, et que le baroud d’honneur des révolutionnaires d’opérette est un peu long depuis ces manifestations vieilles de deux ans, et dans une cruelle indifférence internationale…

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Dans Amin, Samir Toumi signe une plongée hallucinée au cœur du pouvoir algérien. Dans une Alger saturée de secrets, un écrivain se laisse happer par l’invitation d’un homme de l’ombre : écrire un roman à partir de lui. Très vite, la fiction dépasse la réalité, et ce projet devient un fantasme collectif, un virus politique. Entre manipulation, surveillance et autocensure, Amin raconte l’Algérie du soupçon, où un mot peut déclencher une tempête. Un thriller littéraire, mais aussi une radiographie lucide d’un pays au bord du vertige.

Un roman sur la peur d’un roman – et c’est précisément ce qui le rend inoubliable.

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