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Ferran Guallar, La part sauvage, Gallmeister, 06/06/2024, 1 vol. (320 p.), 23,50€

La Part Sauvage de Ferran Guallar, un premier roman coup de poing de l’écrivain catalan, nous plonge dans les méandres de l’âme humaine et de ses parts d’ombre, sur fond de lutte pour la survie des chimpanzés en Afrique. À travers le destin tragique de Paul Murray, anthropologue idéaliste hanté par un passé sanglant au Congo, l’auteur interroge avec une lucidité glaçante les limites de notre humanité face aux instincts primitifs qui sommeillent en nous. Un récit d’une puissance rare, porté par une écriture ciselée et des personnages inoubliables, qui nous confronte à notre propre part sauvage.

Il est des romans qui vous happent dès les premières pages pour ne plus vous lâcher, vous entraînant dans les tréfonds de la noirceur humaine. Servi par la plume incisive et le regard acéré de son auteur, ce récit coup de poing nous entraîne au cœur d’une Afrique meurtrie, sur les traces de Paul Murray, un anthropologue idéaliste qui se retrouve pris dans une spirale tragique.

Figure ambiguë s’il en est, Paul Murray n’a rien du héros lisse et sans aspérités. Hanté par un passé trouble au Congo, cet homme brisé tente de se racheter une conduite en dirigeant depuis quinze ans un programme de protection des chimpanzés dans une réserve africaine. Mais tel un vase fêlé, les fissures de son âme ne tardent pas à ressurgir quand il devient la cible d’un odieux complot orchestré par son propre camp. “Nous ignorons l’issue de la poursuite d’hier. Celle-ci a vu Seejo blesser César. Nous ignorons dans quel état se trouve Seejo“, note-t-il dans un carnet de terrain, en référence au vieux singe qu’il s’est donné pour mission de sauver. Une lutte perdue d’avance, à l’image de son propre combat.

Au fil des pages, Ferran Guallar excelle à dépeindre la lente déchéance de son anti-héros, cette “descente aux enfers d’une noirceur abyssale” qui le verra basculer dans la folie meurtrière. Du petit chef mesquin incarné par Fred, ancien ami de Paul devenu son pire ennemi, à la belle et insaisissable Jeni, en passant par la fragile Layla, chaque personnage est une pièce de ce sinistre puzzle où les masques finissent par tomber. “Un sentiment général de perte de contrôle“, diagnostique Fred pour justifier l’éviction de Paul. Un jugement sans appel qui précipitera le drame.

Mais plus qu’une simple étude de caractères, La Part Sauvage se veut une exploration sans concession des pulsions humaines les plus primitives. En choisissant pour décor une jungle aussi fascinante qu’hostile, Ferran Guallar dresse le parallèle saisissant entre la loi implacable qui régit le monde animal et les instincts de survie qui sommeillent au fond de chaque homme. “Entre la mort et l’insignifiance, que choisirais-tu ?“, semble demander Seejo à Paul. Un dilemme cornélien auquel ce dernier apportera une réponse glaçante.

Au cœur d’une Afrique sauvage et impitoyable, La Part Sauvage nous entraîne dans le sillage de Paul Murray, un anthropologue désabusé qui se retrouve malgré lui au centre d’une machination infernale. Ancien idéaliste reconverti dans la protection des chimpanzés, cet anti-héros complexe va se heurter à la corruption et à la violence d’un monde où tous les coups sont permis.

Lorsqu’une mystérieuse compagnie minière commence à raser la forêt qu’il s’est juré de défendre, Paul n’a d’autre choix que d’entrer en résistance. Mais c’est sans compter sur la trahison de ses proches, à commencer par Fred, son ancien ami devenu son pire ennemi. Pris dans une spirale infernale qui le dépasse, il devra affronter ses propres démons s’il veut espérer s’en sortir vivant. Au fil des pages, le lecteur se retrouve happé par les enjeux ne cessent de s’élever. À mesure que Paul Murray s’enfonce dans les méandres d’un complot, c’est toute l’étendue de la corruption et de la violence d’un système qu’il découvre malgré lui. Ferran Guallar excelle à distiller les révélations au compte-gouttes, chaque nouveau rebondissement venant ébranler un peu plus les certitudes de son anti-héros. De la luxuriante jungle africaine aux couloirs feutrés des multinationales sans scrupule, Ferran Guallar nous propose une expérience de lecture intense et déstabilisante, portée par une écriture d’une précision clinique. Chaque page est comme une plongée en eaux troubles, chaque phrase un scalpel qui tranche dans le vif pour mettre à nu la noirceur de l’âme humaine.

Véritable voyage au bout de la nuit, La Part Sauvage interroge avec une lucidité glaçante la frontière ténue qui sépare l’homme de la bête. Un constat amer magistralement porté par un récit haletant, où les métaphores assassines se mêlent aux fusillades bien réelles. Car ici, l’auteur manie la langue avec la même dextérité que son personnage une arme à feu – “un Mamba, ni plus ni moins“.
Dépouillé de tout artifice, le style de Ferran Guallar n’est pas sans rappeler celui d’un Joseph Conrad, dont Au Cœur des Ténèbres reste la référence absolue en matière de périple au bout de la nuit. Car c’est bien de cela qu’il s’agit ici : en dynamitant le vernis de l’humanisme, l’auteur dresse le constat amer d’une civilisation qui ne serait qu’une vaste imposture. “L’éthique et la justice, ces deux grandes inventions de la raison humaine, n’arrivent que très rarement à suspendre l’instinct, nous faisant seulement passer pour stupides et hypocrites“, note ainsi Paul dans ses derniers carnets.

Servi par une construction ample et maîtrisée, qui alterne scènes d’action coup de poing et épisodes plus introspectifs, La Part Sauvage n’est pas de ces livres qui ne saurait nous rendre indifférent. Bien au contraire, il agit comme un électrochoc, une déflagration sourde qui vient ébranler nos certitudes les plus ancrées sur ce que signifie “être humain”. En cela, il s’agit d’une œuvre aussi dérangeante que nécessaire, qui ose regarder en face la bête tapie en chacun de nous.

Aux confins du polar, de l’étude psychologique et du roman d’aventures, Ferran Guallar signe avec La Part Sauvage une belle œuvre. Porté par un souffle épique et une tension qui va crescendo jusqu’à la scène finale, ce texte coup de poing est aussi une réflexion salutaire sur les limites de l’humain. Une lecture exigeante mais ô combien stimulante, à réserver aux âmes bien trempées, celles qui n’ont pas peur de se confronter à leurs propres parts d’ombre. Car comme le dit si justement Paul dans les dernières lignes : “Je miserais sur la garantie qu’à la fin, l’animalité prévaudra sur toutes les autres considérations“. Un pari audacieux, à l’image de ce roman qui nous incline à penser que lorsqu’on décide de suivre un avenir incertain, c’est la part sauvage qui triomphe toujours en nous.

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