Temps de lecture approximatif : 2 minutes

Guillaume Nail, On ne se baigne pas dans la Loire, Denoël, 04/01/2023, 16€.

Guillaume Nail a de multiples cordes à son arc. Traducteur, journaliste et comédien, il est surtout connu pour ses livres à destination de la jeunesse qui abordent avec justesse et sensibilité les thématiques du deuil (Tracer, Rouergue, 2020), de l’homosexualité (Ton absence, Rouergue, 2022) ou encore de la protection de l’environnement (Le cri du homard, Glénat, 2020). Avec On ne se baigne pas dans la Loire, il signe son premier roman pour adultes. Pour les adultes certes, mais où ce sont les adolescents qui tiennent une fois encore le premier rôle. Un sujet qu’il maîtrise à la perfection.

Dépasser le fait divers

L’histoire tient en quelques lignes. 31 août, dernier jour des vacances pour une bande de lycéens après six semaines de vie en commun. Les garçons – la colonie n’étant pas mixte – veulent profiter à fond de leur ultime excursion avant la séparation et le retour dans les familles. Une panne dans la climatisation du minibus les contraint de s’arrêter avant la destination prévue. Qu’à cela ne tienne ! On s’arrête près d’un bras du fleuve pour pique-niquer. Mais la baignade improvisée vire au drame. Comme le veut la maxime qui donne son titre au roman : « Cette vérité connue intimement, règle sacrée que nul n’oserait questionner. Que chacun porte en chœur. On ne se baigne pas dans la Loire. Ni printemps, ni été, ni même un doigt de pied ». Guillaume Nail a trouvé sa source d’inspiration dans le drame de Juigné-sur-Loire qui en 1969, a coûté la vie à dix-neuf enfants. Mais, loin d’en proposer une restitution fidèle, il adapte et transpose ce fait divers à l’époque actuelle, tout en offrant à ses protagonistes une aura tragique et universelle.

Un tableau sensible et cruel de l’adolescence

La fatale journée du 31 août et la soirée qui l’a précédée se dévoilent par bribes à travers les points de vue croisés des différents personnages. Il y a Benoît, le directeur de la colo, qui cultive d’inavouables penchants pour ses jeunes pensionnaires, dont il dérobe caleçons et T-shirts afin de les renifler en cachette.  « Il n’est pas le seul, il l’a lu. Le fétichisme olfactif, ça s’appelle ». À ses côtés, on trouve Pauline, la monitrice à peine plus âgée que ceux qu’elle a pour mission d’encadrer et qui n’est pas insensible au charme de Gus, le bout en train de la bande. Ce dernier, par ses pitreries et bravades cherche à faire oublier les fêlures d’une famille dysfonctionnelle. Dans le groupe, il y a aussi Totof, qui profite d’un ballon envolé par-dessus un mur, pour échapper à la « meute » immature et profiter de la solitude du parc d’un mystérieux château. Il y a enfin Pierre, complexé par son corps, qui garde le souvenir cuisant du harcèlement vécu lors de sa première colo, à l’âge de sept ans, et son ami Farid, son partenaire de crapette pour lequel il sent naître ses premiers émois…

L’écriture de Guillaume Nail, nerveuse et rythmée offre une grande place aux images. L’auteur esquisse un tableau trash et tendre de l’adolescence, de ses contradictions et de la difficulté d’affirmer sa personnalité dans un théâtre de stéréotypes et de postures viriles. Faisant parfois penser au cinéma de Xavier Dolan ou de Gregg Araki, On ne se baigne pas dans la Loire par son mélange d’envolées lyriques et de mots crus, est un roman percutant, qui ne laisse pas indifférent.

Image de Chroniqueur : Jean-Philippe Guirado

Chroniqueur : Jean-Philippe Guirado

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