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Beatrice Salvioni, La Malnata, Albin Michel, 22/03/2023, 1 vol. (252 p.), 21,90€.

À l’enfant que j’étais. Et surtout à ceux qui m’ont appris à ne jamais cesser d’écouter sa voix.

Le roman de Beatrice Salvioni, La Malnata, joue sur la voix puissante de l’enfant que l’écrivaine a été, comme elle nous l’apprend avant le prologue. C’est cette voix qui nous guide sur le chemin de la protagoniste, Francesca, et de son amie, Maddalena.
Le temps et le lieu deviennent les coordonnées narratives où cette histoire de filles assume ses contours perturbants ; l’action se déroule dans une petite ville au nord de l’Italie, Monza, dans la période fasciste. C’est là que les deux filles découvrent l’importance de leur amitié ; l’adolescence et la différente classe sociale d’appartenance, une pauvre et l’autre bourgeoise, nous permettent de lire cette narration féminine à travers les yeux de Francesca et de son incroyable curiosité. Le regard de Francesca nous amène à la découverte d’une société machiste et fasciste, où la liberté n’est pas une possibilité. L’amitié entre Maddalena et Francesca naît par les impositions et les implications de cette société où la vérité n’est pas permise.
Ainsi être fille d’une bonne famille implique d’avoir des amitiés de bonne famille et Maddalena n’est pas une d’entre elles ; en fait, elle tenait ses jambes “nues et striées de boue jusqu’en haut des cuisses”. Si apparemment la protagoniste est Francesca, dès premières pages, il est évident que ce rôle est sans doute occupé par la Malnata. Beatrice Salvioni a totalement réussi à créer un personnage mémorable : au moment où notre lecture s’arrête, on reste avec elle. Maddalena sort du livre grâce au feu qui l’anime et qui la rend si différente des autres, si mal née. En tant que lecteur, on ne peut que faire confiance à Francesca et à son regard puissant qui caractérise, du début à la fin, cette narration si personnelle et passionnante. Le roman est construit par des images remarquables, la première, c’est le jour où Maddalena a posé ses yeux sur Francesca : dès ce moment-là, Francesca a voulu être son amie, mais pourquoi ? Pourquoi personne ne l’aimait ? À la fin du livre, les mots de Montaigne sur l’amitié, je les ai entendus plus vraies que jamais, quand il écrit :

Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu'en répondant : "Parce que c'était lui, parce que c'était moi."

Aussi, comme Francesca, nous aimons la Malnata sans savoir pourquoi. Dans le roman, l’amour et la vérité palpitent constamment, comme des animaux doux qui se cachent aux autres. Les personnages qui habitent la narration figurent dans une danse de mensonges et d’hypocrisie : la bourgeoisie au sein de laquelle Francesca appartient, révèle ses contradictions les plus intimes.

La Malnata est l’exorde de Beatrice Salvioni, vingt-six ans, dont le roman est publié dans plus de vingt-huit pays. Sur elle nous savons peu, sinon qu’elle est née à Varese, en Lombardie, et a étudié l’écriture créative à l’école Holden de Turin. Toutefois tout ce qu’on veut savoir, on peut lire parmi les pages de ce magnifique premier roman…

Chroniqueuse : Alice Semioli

Chroniqueuse : Alice Semioli

Titulaire d’une Licence en Littérature comparée à l'Université de Turin et d'Aix-Marseille et d’un Master en Littérature générale et comparée à l'Université Sorbonne Nouvelle de Paris, Alice Semioli est en train d'obtenir un Master en Écriture créative à l'Académie Molly Bloom de Rome

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