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Il est des citations en pages de garde d’un ouvrage qui en éclairent autant le sens que le contenu. Ainsi celles de Bachelard et de Nietzsche ajoutées au propos de Matisse campent, d’emblée, le ton du roman de Romain Arazm, dans lequel réflexion philosophique et fonction de l’art s’interpénètrent harmonieusement.
En référence à la trame fictionnelle, sans doute faudrait-il aussi y agréger le domaine littéraire qui parcourt les cinq cents pages du livre. Une grosse somme pour un premier roman qui n’a rien, cependant, d’un tiret à la ligne, tellement à l’instar d’un Proust qu’il affectionne, l’auteur se plaît à user de longues phrases où chaque mot témoigne d’une réalité sensible.
Telle cette perception d’une œuvre de Georges Braque :

Les petits éclats jaunes et rouges qui m’apparaissaient jusqu’alors comme une regrettable dégradation, quoique superficielle, de la couche picturale, s’étaient métamorphosés en vestiges d’une amputation sacrilège, d’une sauvage profanation.

Ou encore, cette analyse allégorique de l’œuvre picturale :

De la même manière que, pour un peintre impressionniste, la lumière modifie l’aspect de la matière pourtant inchangée d’une falaise de calcaire, les différences d’éclairage du salon selon l’heure de la journée, agissaient sur ma perception.

Comme ces extraits en attestent, on est ici en plein univers artistique. Et si la trame qui s’y rattache a l’apparence d’un simple fait divers, — celle du narrateur découvrant dans une poubelle les toiles de tableaux volées au Musée d’Art moderne de Paris — le contenu est bien plus composite.
Il y a, d’abord l’idylle avec une conservatrice à laquelle le jeune homme va faire partager son secret et ses appétences. Puis, concomitamment avec la chronologie de l’intrigue, succédera le cheminement initiatique du héros esthète. Exploration minutieuse d’une personnalité aux allures de biographie, tellement le narrateur offre bien des similitudes avec l’auteur, historien de l’art et conservateur d’exposition.
Tout autant que ses compétences en matière picturale, ses pérégrinations dans les galeries et musées prouvent, s’il en était besoin, que Romain Arazm et le Paul Mazar fictionnel, (anagramme de son patronyme) ne font qu’une seule et même personne.
« Sans en avoir dessiné le projet, un pas après l’autre, je rentrais à Passy en longeant la Seine. Je connaissais chaque recoin de cet itinéraire », souligne-t-il à cet égard.
Aussi fraîches qu’avenantes, ces déambulations dans un Paris culturel, écrites d’un rythme allègre avec un style éprouvé sont un petit bonheur de lecture.
Sans oublier, naturellement, sa dévotion pour la peinture, objet d’une méditation aussi réaliste que mystique, qui fait de cette « Pastorale retrouvée » une œuvre pleinement aboutie et assurément prometteuse…

Michel BOLASELL
contact@marenostrum.pm

Arazm, Romain, « La Pastorale retrouvée », Les Presses littéraires, 12/06/2020, 1 vol. (491 p.), 24,00€.

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