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Dans son tableau, Jules Beaujoint nous dépeint la scène en place de grève, ce 22 septembre 1822. Bordé par une foule immense et recueillie, de laquelle fusent des « Grâce ! », se dresse le sinistre échafaud, surmonté de la guillotine. Quatre militaires au pantalon garance et à la chemise d’un blanc immaculé, comme l’innocence même, s’embrassent. Leur allure est martiale et le bourreau qui les accueille semble navré, tout comme le prêtre qui va accompagner leurs derniers instants. Sur leurs traits magnifiés se lisent la détermination et l’acceptation de leur fin. Comment en est-on donc arrivé là ?
Dans son dernier ouvrage, Jacques-Olivier Boudon nous propose de suivre avec force détails le destin de ces quatre jeunes exaltés – le plus âgé a 27 ans – qui croyaient pouvoir contribuer à faire vivre les femmes et les hommes dans un monde plus juste. Pour mener à bien sa mission, ou devrions-nous dire son sacerdoce, l’écrivain s’est mué en chercheur infatigable et s’est attelé à un travail de romain pour exhumer toute la documentation possible afin de conter par le menu ce qui a mené les futurs condamnés à subir la justice implacable d’un régime inflexible.
Au-delà de la personnalité des quatre sous-officiers, le narrateur nous entraîne dans les méandres des sociétés secrètes, et plus particulièrement dans la mouvance des « Carbonari » ou « Charbonniers », qui peuvent, au travers de ramifications multiples, cultiver le paradoxe entre des idées d’un juste libéralisme et ses violentes dérives sectaires. S’appuyant sur des documents d’une rare précision, il nous mène tambour battant sur le funeste chemin qu’ont pris, en toute bonne foi, les quatre sergents pour finir devant les juges.
Car à cette période de la Restauration, les duels interviennent à tous les étages : entre un roi désormais débonnaire et les « Ultras », entre les royalistes de pure souche et les nostalgiques de l’Empire, au milieu desquels les partisans d’une république ourdissent leurs propres complots. Les protagonistes, souvent haut placés, rêvent d’un ordre nouveau, plus humain, plus équitable. Il n’est cependant pas question pour eux de se dévoiler. Ils ont beaucoup trop à perdre !
Pourquoi ne pas se servir de ceux qui portent haut l’honneur ? Les sergents du 45e régiment d’infanterie de ligne feront l’affaire. Si ces petites mains de la Liberté réussissent leur coup d’éclat, à savoir aider à renverser le régime honni, il sera temps de sortir de l’ombre pour récolter les lauriers de la victoire. En cas d’échec, ces victimes expiatoires seront jetées en pâture à la vengeance des « Ultras ».
Comme souvent, les choses ne se passent pas comme prévu. Obéissant à leurs maîtres de la « vente » suprême de la « Carbonaria », les quatre sergents de La Rochelle se lancent dans cette aventure funeste où tout est déjà joué. De délations en trahisons, d’abandons en retournements de veste, les sergents se dirigent vers leur sort, librement consenti.
Si aujourd’hui leur destin a été complètement oublié, ils ont été durant plus d’un siècle les chantres d’un renouveau voulu par la plupart des Français. Cités dans de nombreux ouvrages, mis en avant lors des soubresauts du XIXe siècle, leur sacrifice, car il s’agît bien de cela, aura servi d’étendard à la Liberté.

Jacques-Olivier Boudon voulait, à l’aube du bicentenaire de l’exécution des quatre sergents de La Rochelle, nous rappeler que la recherche du bonheur passe aussi par le couperet. Avec son livre, il relance, nous l’espérons, la mémoire des sous-officiers.
Le lecteur aura de plus l’occasion de connaître tous les acteurs de cette histoire d’une manière originale, l’ouvrage dédiant une centaine de pages à la biographie de ceux qui ont compté dans cette affaire.

Renaud MARTINEZ
contact@marenostrum.pm

Boudon, Jacques-Olivier, « Les quatre sergents de La Rochelle : le dernier crime de la monarchie », Passés composés, 03/03/2021, 1 vol. (283 p.), 22,00€

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