0
100

Mokhtar Amoudi – Les conditions idéales

Mokhtar Amoudi, Les conditions idéales, Gallimard, 24/08/2023, 1 vol. (245 p.), 21€

Nous t’offrirons, comme d’habitude, les conditions idéales à ta réussite ». Pourtant, de conditions idéales, le jeune Skander, n’en a pas beaucoup été doté depuis sa naissance. Cet enfant d’origine algérienne est ballotté entre des familles d’accueil par les services de l’aide sociale à l’enfance. Il navigue dans les banlieues parisiennes, celles des grandes barres d’immeubles, des trafics en tout genre et des émeutes entre quartiers voisins. Ces banlieues dont on ne parle jamais positivement dans les médias, nourrissant les stéréotypes que l’on a sur elles sans y avoir jamais mis les pieds. Cependant, son regard d’enfant nous ramène à ces mêmes clichés :

Le Grand Quartier de Courseine était immense, composé de douzaine de tours et de dix barres aux fenêtres fleuries d’antennes paraboliques. Des terrains vagues et de petits stades de football espaçaient le tout. Par la fenêtre de ma chambre, je voyais ces anciens horizons se rapprocher.

Un enfant atypique

Mais Skander est différent : il aime se cultiver, lire et poser des questions pour comprendre. Il peut réussir à l’école. Il voudrait d’emblée être autre, s’extirper de son milieu social si défavorisé, oublier la vie déviante de sa mère, éviter la violence pourtant bien réelle et permanente de la rue. Il aurait selon ses propos « donné beaucoup pour naître ailleurs. » Le jeune garçon vit une crise identitaire qui fait obstacle à son adaptation parmi les habitants de Courseine : « En voyant ces têtes mal finies, balafrées au rasoir, toute cette humanité dérangeante, je maudissais mes origines, les pires qu’on puisse avoir. » Cependant, il évolue bon gré mal gré dans cet univers hostile à la réussite scolaire et sociale, dans un monde changé par les attentats du 11 septembre 2001.
Le lecteur suit les pas de Skander dans la rue, le RER, au collège puis au lycée, dans les services sociaux et publics. Au fil de ses pérégrinations, il apprend, observe et nourrit ses réflexions sur son environnement éloigné de ses rêves d’enfance. Son regard naïf de petit garçon au début du roman devient davantage incisif et comparable à celui d’un sociologue à mesure qu’il grandit. À l’image de Lucien Rubempré chez Honoré de Balzac, Skander perd peu à peu ses illusions face à sa famille, ses fréquentations, aux différents personnels de l’ASE. Mais Skander ne peut pas être qu’un observateur, il vit constamment sur une ligne de crête périlleuse. D’un côté il peut basculer dans la délinquance et compromettre une ascension sociale prometteuse, de l’autre cette dernière lui tend les bras, portant l’espoir d’un avenir meilleur.
Mokhtar Amoudi nous offre avec Les conditions idéales un premier roman bien rythmé, teinté d’humour malgré son sujet. Le jeune Skander est en effet un porte-étendard d’une jeunesse des banlieues pour qui l’intégration est un Graal trop souvent inaccessible. Par son caractère touchant, le lecteur souhaite jusqu’au bout sa réussite.

NOS PARTENAIRES







Précédent
Suivant

Soutenez notre cause - Soutenez notre cause - Soutenez notre cause

Pour que vive la critique littéraire indépendante.

Nos articles vous inspirent ou vous éclairent ? C’est notre mission quotidienne. Mare Nostrum est un média associatif qui a fait un choix radical : un accès entièrement libre, sans paywall, et sans aucune publicité. Nous préservons un espace où la culture reste accessible à tous.

Cette liberté a un coût. Nous ne dépendons ni de revenus publicitaires ni de grands mécènes :
nous ne dépendons que de vous.

Pour continuer à vous offrir des analyses de qualité, votre soutien est crucial. Il n’y a pas de petit don : même une contribution modeste – l’équivalent d’un livre de poche – est l’assurance de notre avenir.

Et si un roman pouvait faire vaciller un régime avant même d’avoir été écrit ?

Dans Amin, Samir Toumi signe une plongée hallucinée au cœur du pouvoir algérien. Dans une Alger saturée de secrets, un écrivain se laisse happer par l’invitation d’un homme de l’ombre : écrire un roman à partir de lui. Très vite, la fiction dépasse la réalité, et ce projet devient un fantasme collectif, un virus politique. Entre manipulation, surveillance et autocensure, Amin raconte l’Algérie du soupçon, où un mot peut déclencher une tempête. Un thriller littéraire, mais aussi une radiographie lucide d’un pays au bord du vertige.

Un roman sur la peur d’un roman – et c’est précisément ce qui le rend inoubliable.

À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE
autres critiques
Days :
Hours :
Minutes :
Seconds