Jordan Bardella, Ce que je cherche, 09/11/2024, 316 pages, 22,90€
En cette douce période de Noël, où les guirlandes scintillent et où les chants résonnent, Marine Le Pen, en excellente stratège, n’a pas trouvé mieux que de proposer à ses affidés de glisser sous le sapin un cadeau pour le moins… surprenant : Ce que je cherche, de Jordan Bardella. Un titre qui, à lui seul, résume à merveille l’inanité du projet politique de l’auteur : Ce que je cherche… Visiblement rien dans ce livre !
Sous l’écorce, le vide sidéral
Dès le titre, tout est dit. Ce que je cherche. On croirait entendre un adolescent en pleine crise existentielle, ou un client égaré dans les rayons d’un supermarché un 24 décembre au soir. Ce que je cherche, voyons… Ah oui, un peu de fond de teint pour masquer mon absence d’idées, une pincée de démagogie pour séduire l’électorat, et un soupçon de narcissisme pour me convaincre que je suis l’homme de la situation. Jordan Bardella aurait pu titrer Ce que je trouve, mais il n’y avait visiblement rien à rapporter.
Le lecteur assiste donc à une quête vaine, oscillant entre un ego démesuré, digne d’un candidat de téléréalité en mal de notoriété, et une prose d’une affligeante platitude, qui ferait passer un discours d’Édouard Balladur pour un modèle de verve et d’inspiration. Entre deux citations ronflantes, qu’il attribue sans sourciller à des figures historiques (comme si ces dernières n’avaient attendu que lui pour être enfin comprises), Jordan Bardella s’égare dans des méandres où même ses propres idées, si tant est qu’il en eût, semblent se perdre. On imagine ses électeurs, cherchant désespérément une once de substance dans ce dédale de banalités, et finissant par se demander s’ils ne se sont pas trompés de rayon.
À travers ses pages, Jordan Bardella disserte sur la « fierté nationale » avec la même conviction qu’un influenceur vante les mérites d’une crème amincissante. Une ferveur déroutante, presque touchante, qui, malheureusement, ne trouve aucun écho dans des arguments solides. En lieu et place d’une réflexion de fond, l’auteur nous sert une accumulation d’anecdotes insipides, à mi-chemin entre la leçon de morale à deux euros et le mémoire d’un stagiaire de troisième en quête de validation.
Bardella, ou l’art de transformer des anecdotes en épopée nationale
Dans une de ses envolées lyriques, Jordan Bardella nous confie : « Régulièrement, j’entendais le récit d’une agression ou d’un vol. La violence était omniprésente. J’ai décidé d’agir. Le virus du militantisme est inoculé ; il ne me quittera plus. » Ah, le virus… Une façon assez singulière de justifier une vocation politique, comme si un vol de scooter était à l’origine de son aspiration à Matignon, ou même l’Élysée.. On imagine presque Jordan transformé en un Jean Valjean inversé, non pas volant du pain, mais délivrant des tracts, convaincu que chaque agression entendue le désigne comme le héros des cités. Capé d’un costume de super-héros tricolore et armé de sa morale à trois sous, il s’élance, non pas pour sauver Cosette, mais pour conquérir le pouvoir. Et dire que tout cela n’est qu’un point de départ… Peut-être aurait-il été plus crédible de parler d’engagement sincère, mais non : il préfère une fable mélodramatique où le virus devient héroïne. Le lecteur, lui, reste à distance, navré par cette sincérité de pacotille et cette humilité d’opérette. On plaint la France profonde, fantasmée par l’auteur, qui n’a pas mérité d’être ainsi caricaturée.
L’ambition démesurée d’un « produit » marketing
Car Ce que je cherche est avant tout, comme son prétendu auteur, un produit politique, un objet marketing savamment calibré pour cocher toutes les cases de l’électoralisme le plus rampant. Jordan Bardella s’y présente en « jeune homme du peuple », modeste et accessible, tout en prenant soin de flatter les bas instincts d’un électorat en quête de solutions simplistes et de boucs émissaires. L’immigration ? La faute aux étrangers. L’insécurité ? La faute aux juges. Le chômage ? La faute à l’Europe. Circulez, il n’y a rien à voir.
Et pendant ce temps, Marine Le Pen, les yeux rivés sur le calendrier, attend avec fébrilité le 31 mars prochain, date fatidique où l’épée de Damoclès judiciaire pourrait la catapulter dans les oubliettes de la politique. Un boulevard pour le jeune ambitieux qui, en coulisses, polit déjà ses bottes, aiguise ses dents et peaufine son sourire carnassier, prêt à transformer le Rassemblement National en une machine à gagner, sans autre programme que celui de conquérir le pouvoir, coûte que coûte. On frémit à l’idée d’un candidat à la présidence de la République qui n’a pour seul bagage que l’adulation de midinettes, et une absence de diplômes qu’il compense par une ambition démesurée.
Une aubaine pour les cerveaux fatigués
Selon une étude récente du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC), publiée le 10 décembre 2023, environ 30 % des Français adultes présentent un niveau de compétences inférieur à celui attendu d’un élève en fin de primaire. 30 % des adultes français avec des difficultés de compréhension ? Rien de grave ! Ce que je cherche est une aubaine pour les cerveaux fatigués qui souhaiteraient accéder aux « subtilités » de la politique sans l’effort de les comprendre. Pour nos concitoyens souffrant des contraintes scolaires d’un État qu’ils honnissent au point de voter RN, voici enfin le cadeau idéal pour « s’éclater le ciboulot » sans douleur. Avec son style simpliste et ses arguments prémâchés, Jordan Bardella leur offre un véritable buffet à volonté d’idées creuses, présenté comme une réflexion. Entre deux flash-back de vie dans la cité et de vagues envolées lyriques sur la grandeur de la France, le lecteur peut s’auto-congratuler d’avoir lu un livre tout en évitant soigneusement de penser.
Un cadeau empoisonné à glisser sous le sapin… ou à jeter au feu
En cette période de fêtes, où les sapins croulent sous les cadeaux, Ce que je cherche pourrait faire office de farce ultime, de mauvaise blague à offrir à ses ennemis. Ce livre est aussi utile qu’un couteau à beurre pour couper du béton armé. À moins que… l’auteur ne nous surprenne dans un prochain volume, en nous révélant la recette secrète d’une béchamel inratable ou l’équation de la flexibilité des queues de vaches entre les barreaux de chaise ? Après tout, en politique comme en cuisine, il faut savoir se renouveler pour ne pas finir aux oubliettes de l’Histoire. Ou, pire encore, sur l’étagère des livres oubliés, entre un manuel de tricot et un guide pratique pour élever des escargots en appartement. Qui sait, avec un peu de chance, et beaucoup de patience, il finira peut-être par trouver… ce qu’il cherche !
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