Geneviève Heller a vraiment de multiples talents. Artiste peintre et sculpteur, déjà connue sous le nom de Gen Heller, elle rencontre Michel Llory, écrivain et essayiste catalan. Il l’amènera à fréquenter son atelier d’écriture de Bompas dès 2004. L’élan est donné.
Grâces lui en soient rendues d’avoir fait émerger une plume si talentueuse !
Après un premier roman, « Une coupable idéale ? » paru en 2018 aux « Presses littéraires », elle nous offre aujourd’hui un recueil de quinze nouvelles dont le titre, à lui seul, fait en un clin d’œil convivial, un appel aux lecteurs.
Par l’emploi d’une expression familière prolongée de trois points de suspension, il semble solliciter une réponse conjuguée à l’expression d’un sentiment qu’on pressent bienveillant, favorable, voire enthousiaste comme celle que reçoit un plat longuement mijoté ou la bonne bouteille débouchée pour des convives estimés.
Nous noterons au passage le goût de Geneviève Heller pour l’usage dans ses titres de signes de ponctuation forts, façon adroite d’amorcer un dialogue avec son lecteur.
Que nous promet donc cette couverture colorée, énigmatique, aux contrastes puissants ?
De lumineuses rencontres sur une route bien sombre où se déroule le fil de la vie ?
Ce qui frappe immédiatement, c’est la diversité des thématiques abordées ; les textes, d’inégales longueurs sont regroupées en trois parties :
« Nouvelles insolites » par le sujet abordé ou le style adopté.
« Nouvelles contestataires » abordant des sujets brûlants d’actualité : immigration, coronavirus, chômage ; elles témoignent de l’empathie de l’auteure pour les maltraités de la vie et de la société ;
« Nouvelles intimes », certainement plus autobiographiques. Ainsi dans « Deux amis », la narration de l’excursion en montagne ne laisse aucun doute. Elles ont des tonalités, à la fois, réalistes et sentimentales, mais restent toujours très pudiques dans l’expression…
Enfin, il est un plaisir auquel nous n’échappons pas, c’est d’être, au fil des textes et des saisons, promenés de la plage de Canet-en-Roussillon aux bords de l’étang de Salses, des rues pavées de Castelnou aux crêtes et aux cols des Pyrénées catalanes. Quelle justesse dans l’atmosphère ! Quelle précision dans les détails !
On sent, dans la qualité de l’écriture, à la fois toute l’imprégnation de la culture littéraire de l’auteure, et l’acuité du regard qu’elle pose sur notre département.
C’est simple à définir : ceux qui connaissent les lieux cités retrouvent, dans leur évocation, leurs propres sensations. Ceux qui les ignorent encore ont envie de les découvrir !
Il en est de même pour tous les autres décors de l’action, campés dans leur description avec une dextérité identique.
On est tout aussi impressionné par la diversité et la richesse des points de vue narratifs.
Geneviève Heller s’infiltre avec une facilité déconcertante dans la peau de ses personnages principaux, féminins ou masculins, que le récit soit écrit à la première ou à la troisième personne.
Mais la surprise réside dans les dernières lignes.
Et la toute première nouvelle indique une piste qui donne une unité au recueil : Un nouveau roman à écrire !
En effet, chacun de ces textes peut être considéré comme un incipit, car aucun ne s’achève par une situation vraiment définitive.
Il reste toujours une porte ouverte à un prolongement : rencontre, appel, rebondissement… Chaque final semble suspendu au hasard, à la surprise, à la vie même qui déroule le temps et les possibles.
Et l’étonnante richesse des genres auxquels s’essaie l’auteure, permet d’envisager aussi bien un roman policier ou sentimental, un récit fantastique ou social, pourquoi pas une autobiographie…
« Vous m’en direz des nouvelles… » sera-t-il une mine à exploiter pour les prochaines œuvres de Geneviève Heller ? Verrons-nous réapparaître le couple de « Une cueillette d’exception » ou celui de « Un mariage idéal » ou « Michèle », l’écrivaine de « Dédicaces » ? Présents, les trois points de suspension suggèrent l’attente d’une réponse dans ces trois récits. Mais Alex croisera-t-il, pendant l’été, la mystérieuse Laurence, rencontrée au printemps de « Une session particulière » ? Étienne et Moussa de « Une politique radicale » auront-ils un avenir au-delà du 15 mars 2040 ?
Peut-être appartient-il à l’imagination de Geneviève Heller d’assouvir notre curiosité en prolongeant l’existence de ses créatures fictives, ou à son vécu de nous permettre d’accéder plus encore à son univers personnel. Nous ne pouvons que le souhaiter tant notre plaisir à la découvrir dans sa diversité a été grand.
Et dans cette attente, reprenant le titre de la première nouvelle, nous pouvons considérer que : « C’est juste une question de mots ! »
Christiane SISTAC
contact@marenostrum.pm
Heller, Geneviève, « Vous m’en direz des nouvelles… : recueil de nouvelles », Les Presses littéraires, « Incisives nouvelles », 17/12/2020, 1 vol. (175 p.), 13,00€.
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