Christophe Oberlin, Chrétiens de Gaza, Éditions Erick Bonnier, 200 pages, 16/11/2017, 20€
La persécution des chrétiens à Gaza, bien que trop souvent éclipsée par d’autres crises dans la région, est un témoignage de l’urgence à défendre les minorités persécutées, où qu’elles se trouvent.
Cette réflexion d’un journaliste de Tribune chrétienne, résume parfaitement l’ouvrage des Chrétiens de Gaza. Un constat aux allures de cri d’alarme lancé par Christophe Oberlin dont la présence quasi-permanente d’activité de chirurgien sur ce même terrain en fait un interlocuteur privilégié.
L’auteur, médecin bénévole donc mais tout autant un parfait connaisseur du Proche-Orient, du Liban notamment, dont il a tiré un précieux document : La vallée des fleurs, mais surtout de Gaza, comme en attestent ces précédents essais Survivre à Gaza, Chronique de Gaza et Gaza, au carrefour de l’histoire.
Car c’est bien ce dernier volet d’histoire qui constitue la singularité et la trame majeure de cet ouvrage, tant dans l’imaginaire occidental ce minuscule territoire n’évoque que le péril islamiste.
Gaza, ce creuset ignoré de l’aube du Christianisme
Si la Palestine, et la bande de Gaza en particulier, constitue malheureusement la ligne de front du conflit ouvert entre l’Occident et le monde arabe et musulman, les Arabes chrétiens de Gaza nous racontent une tout autre histoire, comme explicité dans l’introduction : « Une histoire continue de deux mille ans en fait, pour ceux qui sont les descendants directs des premiers convertis, à moins de quatre-vingts kilomètres du lieu de la Révélation. »
Si cette enclave participe naturellement de l’épopée des premiers disciples du Christ dès le premier siècle de l’ère chrétienne, tel que le confirment les Dominicains de l’École Biblique de Jérusalem, Gaza va surtout marquer son temps dès la conversion de Constantin en 337. « C’est la fameuse époque des Pères du désert. Un désert qui se peuple d’anachorètes, ermites et cénobites, tout simplement des moines dont le mysticisme va s’ancrer dans un espace minéral somptueux, la beauté lancinante du sable et de la roche sous les étoiles. »
La véritable origine en fait du monachisme palestinien qui nous mène à un personnage central du terroir, Hilarion.
Cet Hilarion que Saint Jérôme présente comme étant issu d’un bourg nommé Tabata, sis du côté du midi, à cinq milles de Gaza, ville de Palestine.
Un pays où il faisait, jadis, bon vivre
Il n’avait alors que quinze ans, et s’étant dépouillé de toutes choses, armé de Jésus-Christ, il entra dans cette solitude qui, étant sur la main gauche lorsque l’on va en Égypte le long du rivage, est éloignée de sept milles de Mayoumas, où se fait le trafic de Gaza.
Cela pour Helarion, mais à sa suite, bien d’autres prophètes apparaîtront à l’instar de Porphyre, de Dorothée (un homme), puis de Procope, tous prénommés de Gaza, qui attestent s’il en est besoin, des racines chrétiennes de l’enclave palestinienne.
Poursuivant l’histoire de ce territoire entre le VII° et le XIX° siècle, Christophe Oberlin fait état de bonnes relations entre christianisme et islam, notamment pour les libertés de culte, et en mentionne le bien-être qui y prévalait.
« Globalement, Gaza reste un pays où il fait bon vivre : des habitants aux confessions diverses, des fêtes, des écoles ainsi qu’un rayonnement intellectuel qui attire l’étranger et surprend le voyageur. »
Telles sont les racines d’un territoire longtemps en paix autant qu’en osmose avec les diverses confessions, musulmane notamment, devenu aujourd’hui en proie aux souffrances et aux massacres liés aux tout récents conflits armés comme à l’impasse diplomatique qui entrave toute perspective de paix.
Ces chrétiens de Gaza, ambassadeurs oubliés d’un avenir politique imaginé hors de leur frontière, dont le témoignage est pourtant riche d’une fructueuse expérience de plus de seize siècles.
Précisons par ailleurs que cet essai de Christophe Oberlin est judicieusement complété par un cahier photo de Serge Nègre, accompagnateur de Jean-Louis Étienne dans ses séjours au Pôle et spécialiste de la Palestine.
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