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Station vide, trouble affectif et quête de soi silencieuse

Basile Mulciba, Hors saison, Folio, 06/02/2025, 224 pages, 8,50 €

Chronique Mare nostrum Basile Mulciba, Hors saison

Un premier roman mélancolique et poétique sur l’attente, la fuite et le désir. Basile Mulciba, avec Hors saison, signe un premier roman d’une belle délicatesse, intimiste, où le silence des montagnes enneigées devient le théâtre intime d’une quête de soi. Le lecteur naviguera entre la forme d’un roman d’apprentissage, la fable écologique et le conte philosophique. Nous sommes comme suspendus à une atmosphère, à la fois réaliste et onirique.

Yann, étudiant en médecine, quitte brusquement sa vie rangée pour devenir saisonnier dans une station de ski désertée dans un cadre symbolique d’un désœuvrement en attente d’une neige qui ne tombe jamais. Il y découvre un microcosme fait de routines désœuvrées, de personnages en sursis, et d’un hôtel à l’agonie géré par Hans, figure paternelle, puis potentiellement amoureuse.

La langue de ce premier roman est épurée, poétique, minutieuse, et qui rend palpable l’atmosphère de cette station. L’auteur nous propose une belle description des paysages, des sensations, du temps qui s’étire : « Le temps n’avait plus de prise et la durée était redevenue une mesure floue et subjective. » L’attente de la neige devient métaphore : celle du désir, de l’identité incertaine, du monde en mutation. Le temps d’attente est fait de jours creux, sans événements, où les repères se brouillent. L’auteur suggère les enjeux climatiques et sociaux avec pudeur. La montagne sans neige devient un personnage à part entière, rude et splendide.

Basile Mucilba fait de ce roman une sorte d’éloge de la fuite et de révélation. Se révéler à soi-même, et que l’Autre se révèle aussi à mes yeux, à ma vie, à mon cœur au milieu de ce grand manteau blanc qui se fait attente, et bientôt désir… Yann ne cherche pas tant à trouver quelque chose qu’à fuir : ses études, sa compagne, sa famille. Son arrivée dans la station devient en quelque sorte un rite de passage, fait de doutes, de solitude et de rencontres. Le lien qui se tisse avec Hans, son employeur, glisse imperceptiblement de la complicité vers le trouble. Dans un autre univers et à des degrés moindres, on retrouve un peu cette dynamique dans le film « Le bleu du caftan » ou dans « Tu n’aimeras point ».

Le roman aborde le désir masculin avec une grande pudeur, sans étiquette ni discours identitaire. La sexualité, ici, est fluide, existentielle, sans posture. On avance dans l’histoire comme Yann dans la neige absente : à l’aveugle, à l’instinct. Cette relation ambiguë, pudique, traversée de désir et d’identification rejoint celle de beaucoup de jeunes qui découvrent une affectivité entre peur et avènement, entre émergence et accomplissement. Le roman aborde la découverte de soi, y compris dans sa dimension sexuelle, sans jamais appuyer : le désir y est une composante du parcours, non une revendication.

L’action est minime et les rebondissements sont rares. Le roman repose essentiellement sur l’ambiance plutôt que sur une construction dramatique. La lenteur et le flou sont assumés, loin des standards du roman psychologique ou du récit d’aventure ; et cela sans aucun doute peut désarçonner le lecteur.

Voici donc un premier roman audacieux. L’auteur propose un livre à la fois intime et universel où l’on entre dans un paysage de montagne avec lenteur en retenant notre souffle.  A sa sortie, ce premier roman de Basile Mulciba a été salué par la critique soulignant son caractère sensible et sensorielle plaçant la solitude, la fuite et les liens fragiles, qui nous relient aux autres et au monde, au centre du récit. Cela nous parle et nous convainc… Nous y voyons les pas dans la neige comme autant de traces qui sont la mémoire et l’espérance dans nos vies… Une trace et une attente toujours recommencée. En cette période estivale, un peu de fraîcheur, d’intimité et de beaux sentiments intérieurs nous rendrons sans doute heureux et paisibles… en attendant ce qui vient. A lire !

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Rarement un roman ne donne l’impression d’entrer à la fois dans une maison, un village et une mémoire comme Kaïssa, chronique d’une absence.

Dans les hauteurs de Kabylie, on suit Kaïssa, enfant puis femme, qui grandit avec un père parti  en France et une mère tisseuse dont le métier devient le vrai cœur battant de la maison. Autour d’elles, un village entier : les voix des femmes, les histoires murmurées, les départs sans retour, la rumeur politique qui gronde en sourdine. L’autrice tisse magistralement l’intime et le collectif, la douleur de l’absence et la force de celles qui restent, jusqu’à faire de l’écriture elle-même un geste de survie et de transmission.

Si vous cherchez un roman qui vous serre le cœur, vous fait voir autrement l’exil, la filiation et la parole des femmes, ne passez pas à côté de Kaïssa.

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