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De Bahia à Paris : une cartographie du racisme culturel

Michel Agier, Racisme et culture, explorations transnationales, Éditions du Seuil, 10/01/2025, 224 pages, 12€

C’est prioritairement, en qualité d’anthropologue et d’ethnographe que Michel Agier a choisi d’écrire son essai comme il l’affirme dans l’avant-propos. Et c’est cette démarche-là qui confère au récit son objectivité.

Ma propre expérience, celle d’un homme blanc et européen, m’a conduit vers l’Afrique et les Afriques dans le monde. Elle est donc essentiellement consacrée aux rapports entre personnes noires et blanches. C’est à partir de là que je parle, comme un des cadres exemplaires où peut s’étudier la relation entre le racisme et les performances culturelles qui lui répondent.

Le premier chapitre relatant l’ambiance d’un jour de carnaval à Bahia en 1975 donne d’emblée le ton. Puissante expression du corps et de l’âme, ce temps d’allégresse en dit bien plus long que le défoulement des protagonistes. Il peut être, selon la poésie populaire des sambas de l’Ilê Aiyê, un nouveau modèle inscrit pour les Noirs du Brésil soucieux d’affirmer leur présence et de la rendre socialement respectable. Ou encore, un mode d’adhésion au monde via le candombé, – religion afro-brésilienne mêlant croyances chrétiennes et rites africains — et la capoeira, une façon d’affirmer une spiritualité tout en s’africanisant. 

« Si tu savais la valeur du noir… »

C’est le monde noir qu’on est venu vous montrer. On est des créoles cinglés, bien sympas. On a les cheveux crépus. On est le pouvoir noir. Blanc, si tu savais la valeur du noir, tu prendrais un bain de goudron et tu deviendrais noir toi aussi.

Ébauché par le descriptif de spectacles de rue pour mettre en œuvre une autre définition de la négritude, l’essai n’obère pas pour autant l’origine de l’attitude raciste, produit d’une culture autocentrée sur le rejet de l’autre, tel qu’en attestent les travaux de Claude Lévi-Strauss, de Jean-Loup Amselle ou de la sociologue Colette Guillaumin.
De leurs différentes études et vécus en Afrique ou en Amérique Latine, un commun dénominateur de pensée demeure.

De Trump à Bolsonaro

Si la race n’est pas une vérité biologique, elle reste une réalité sociale. Car on a beau répéter que la race n’existe pas et qu’il faut la bannir du langage démocratique, l’expérience du racisme la fait nonobstant exister chez nombre de personnes. Ce que corrobore parfaitement l’auteur dans le prologue.

Bien sûr, le racisme n’existe pas dans l’absolu, c’est un fait social qui dépende de son contexte. Il peut être colonial, post-esclavage ou d’apartheid. Mais il est maintenant partout et de plus en plus global. Aussi surprenante que puisse paraître cette formulation, les ethno-nationalismes sont eux-mêmes mondialisés. Ils se font écho de Trump à Netanyahou, de Le Pen à Modi, de Meloni à Bolsonaro, relançant partout un réseau de discours racistes et xénophobes reliés entre eux.

Perspicace donc autant que documenté et expérimenté sur le terrain, cet essai retranscrit l’influence grandissante d’une odieuse lèpre tout en s’efforçant de souligner l’ébauche d’un avenir a-racial utopiquement prometteur pour les futures générations…

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Certains mensonges sont si brillants qu’on choisit d’y croire.

Olivier Cariguel retrace ici l’une des manipulations les plus stupéfiantes du XXᵉ siècle : la création d’un fakir imaginaire devenu vedette parisienne. Son enquête, incisive et implacable, révèle la mécanique d’une imposture montée avec une audace déconcertante. Chaque révélation expose la facilité avec laquelle une société peut être séduite, dupée et entraînée dans un récit qui dépasse la raison. Rarement la manipulation aura été décrite avec autant de précision et de force.


Une lecture qui rappelle que la vérité perd toujours contre le désir d’illusion.

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