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Au moment où la réconciliation entre la France est l’Algérie semble à l’ordre du jour, il est unanimement admis que l’une des conditions nécessaires à la réussite de ce processus est que chacun connaisse son histoire. Dans ce contexte, l’ouvrage de Kamel Lakhdar Chaouche, en apportant un éclairage sur l’histoire du côté algérien, est complètement d’actualité.
Kamel Lakhdar Chaouche est un journaliste d’investigation algérien. Il est aussi un militant des droits de l’homme. Après avoir travaillé dans la presse algérienne francophone, il a publié des centaines de dossiers, d’analyses, d’entretiens, d’enquêtes et de reportages de terrain. Son parcours en fait un témoin privilégié des évènements qui ont secoué l’Algérie depuis qu’elle est devenue indépendante.
De l’indépendance arrachée à la France au début du Hirak, Kamel Lakhdar Chaouche trace une fresque qui couvre toute l’histoire de l’Algérie indépendante C’est un travail considérable, de journaliste, mais aussi d’historien.
D’historien engagé, car il affirme que l’Algérie a été confisquée par un clan qui s’est perpétué, utilisant la terreur et la corruption au détriment de la population. Pour étayer sa thèse, l’auteur nous fournit des faits, des dates, des noms, des témoignages. C’est précis, documenté. Mais l’objectivité impose de dire que c’est un travail uniquement à charge, celui d’un militant. Les propos contenus dans ce livre engagent la seule responsabilité de leur auteur et, dans le cadre de notre neutralité face à un sujet aussi sensible, nous sommes tout à fait disposés à publier la recension d’un ouvrage abordant des thèses opposées.
Kamel Lakhdar Chaouche nous livre sa vérité. Celle-ci semble être partagée par la multitude de manifestants pacifiques qui, depuis plus d’un an, occupent les rues partout dans le pays chaque vendredi.
Tous les évènements dramatiques de la décennie noire sont analysés au travers de ce filtre. Cela fait apparaître la responsabilité du clan au pouvoir dans les difficultés que connaît le pays et pour les malheurs subis par les Algériens.
Il nous raconte comment le pouvoir et les ressources du pays ont été confisqués par un clan composé des cadres de l’armée. En l’occurrence, celle de l’extérieur dont les soldats avaient attendu la fin de la guerre, à l’abri au-delà des frontières, pour rentrer au pays. Leurs officiers prirent en main les destinées du pays après avoir neutralisé, par la force, les combattants de l’intérieur, véritables héros de la révolution algérienne aux yeux de l’auteur. En effet ce sont eux qui ont mené les combats contre l’armée française, dans les maquis, dans les villes. Ce ne sera pas la première fois que ceux qui ont fait une révolution ne profitent pas des bienfaits de celle-ci. Dans des conditions très dures, les opposants sont éliminés ou écartés. Les présidents successifs, choisis par le système, sont des sortes de « potiches », manipulables et manipulées. Ils sont remplacés dès qu’ils manifestent la moindre velléité d’autonomie. Et lorsque l’un d’eux revendique, comme Mohamed Boudiaf, une totale liberté pour imposer des réformes, il est très rapidement assassiné dans des conditions qui demeurent mystérieuses. Les rapports ambigus entre les terroristes islamiques et les services secrets algériens sont révélés. Les manipulations font partie des méthodes utilisées pour conserver le pouvoir. Ce livre intéressera tous ceux qui veulent connaître l’histoire de ce pays, mais aussi ceux qui souhaitent comprendre pourquoi l’accession à l’indépendance n’est pas synonyme de naissance d’une démocratie. L’avènement d’une nation ne peut se faire sans soubresauts. Nous devons nous rappeler qu’après la Révolution française de 1789, il fallut une longue période pour qu’un régime républicain apaisé s’installe de façon pérenne. Kamel Lakhdar Chaouche a fait un travail considérable qui sera, à coup sûr, une référence pour les générations futures, à charge pour elles de se documenter pour analyser des points de vue différents.
Ce livre nous semble rempli de colère, de respect, de reconnaissance et d’amour : colère contre les clans qui, selon l’auteur, sont responsables des malheurs subis par le peuple algérien ; respect et reconnaissance pour ces combattants de l’intérieur qui se sont sacrifiés pour l’indépendance de leur pays, et enfin amour pour cette terre d’Algérie dont l’histoire fut si tourmentée.

Robert MAZZIOTTA
contact@marenostrum.pm

Chaouche, Kamel Lakhdar, « Algérie, procès d’un système militaire : l’armée appartient-elle au peuple ou est-ce le peuple qui appartient à l’armée ? », VA Editions, »Arcana imperii », 03/01/2020, 1 vol. (301 p.), 25,00€

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