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Pour avoir exhumé l’antique Sérapéum des sables de Saqqarah dans la haute vallée du Nil, Auguste Mariette, avait acquis une stature suffisante pour être reconnu parmi les plus réputés des égyptologues. Un ton en dessous, certes, sur le plan de la notoriété archéologique qu’un Jean-François Champollion, mais de façon plus conséquente, au gré de l’ensemble de sa passionnante existence.

C’est la raison d’être de l’admirable enquête effectuée par Amandine Marshall. Car, si celle-ci détaille et s’attarde sur les hauts faits de ce chercheur Boulonnais en matière archéologique, elle n’en divulgue pas moins les autres facettes. Celles d’un apprenti archéologue, tour à tour contrebandier d’art, directeur de musée et scénariste d’opéra qui font de lui un personnage hors du commun.

D’où sa dénomination “d’aventurier-égyptologue” selon le titre de l’ouvrage que l’auteure a le mérite de scinder en trois grands volets. Un premier consacré à la somme de ses travaux, un troisième évoquant sa carrière artistique, et un second, curieusement inséré entre les deux, qui nous dévoile les traits caractéristiques de sa personnalité.
Quand bien même le premier chapitre nous informe sur l’environnement de l’enfance d’Auguste, ce sont les ressentis des proches qui nous font percevoir sa singularité.
Un mince blondin d’une physionomie très animée, fort actif, fort remuant, fort espiègle et d’une originalité tranchée“», tel que le décrit un ami dans seizième année. Ou encore l’opinion explicite d’un autre ami, Ernest Desjardins : “tous ceux qui ont connu Mariette savent qu’il était doué d’une vigueur physique extraordinaire. Mais il avait quelque chose de plus que la volonté… Il avait un courage héroïque et on peut affirmer qu’il n’a jamais eu peur de rien.»

L’originalité, le courage, un caractère entier et obstiné ainsi qu’une volonté sans faille, autant de perceptions accolées à son adolescence qui vont en fait caractériser le reste de son existence.
Fût-il adoubé par un certain nombre d’enseignants du musée du Louvre, Auguste Mariette ne va devoir cesser de convaincre et rivaliser de hardiesse pour embarquer de Marseille pour Alexandrie, le 4 septembre 1850 et camper au pied des pyramides de Gizeh obnubilé par un secret dessein. Une ténacité qui, nonobstant, le lot d’entraves provoquées par les marchands d’art et bédouins locaux, lui fera mettre à jour la légendaire nécropole des taureaux sacrés Apis puis en continuité la non moins convoitée galerie du Sérapéum.

Une découverte qui en moins de quatre ans, lui conférera l’admiration de ses pairs et le fera passer du rôle d’aspirant-chercheur à celui de conservateur adjoint du Département égyptien du Musée du Louvre.
Ce qui ne l’empêchera pas de s’exprimer dans divers autres secteurs, artistiques pour l’essentiel, où il excellera tant dans le portrait et le croquis comme dans le dessin humoristique et d’architecture. Éclectisme qui s’étendra même jusqu’à la musique, lorsqu’il écrira le somptueux scénario d’Aïda, opéra mis en scène par Verdi.

C’est cette pluralité de talents qu’Amandine Marshall va mettre en exergue avec un luxe de détails qui n’a d’égal que son objectivité. Car si l’éminent égyptologue faisait montre de ténacité autant que de loyauté dans son travail, son caractère irascible et son intransigeance le desservirent souvent.
Par ailleurs adepte du spiritisme et original au point de posséder un mini-zoo, le grand homme avait un côté atypique, marqué cependant par un destin contrarié. Au plan physique d’abord, par des problèmes d’ophtalmie et de diabète qui ne cesseront de l’handicaper et à l’échelon familial surtout, puisque après le décès de son épouse à l’âge de 38 ans, il assistera à la mort de sept de ses enfants !

Anéanti par un sort implacable Auguste Mariette très affaibli, trouvera néanmoins la force de repartir pour l’Égypte, une ultime fois pour y décéder peu de temps après au Caire, à la suite d’une longue agonie. Une fin d’existence tragique pour ce touche à tout de génie, considéré comme l’un des pères fondateurs de l’Égyptologie qu’Amandine Marshall nous fait sciemment découvrir dans sa complexité

Michel BOLASELL
articles@marenostrum.pm

Marshall, Amandine, “Auguste Mariette : un aventurier-égyptologue”, Mondes antiques, 10/02/2021, 1 vol. (209 p.), 25€

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