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Joseph Bialot, C’est en hiver que les jours rallongent. Ed. Pocket, 10/04/2025, 240 pages, 8,70€

Joseph Bialobroda, dit Joseph Bialot, est né à Varsovie le 10 août 1923. Il cumule en sa personne ce qui est perçu comme un danger à éradiquer tant par les nazis que par le Régime de Vichy : Juif, Résistant et Communiste… Il est arrêté par la Gestapo. À 21 ans, il est transféré à Auschwitz. Il y est interné d’août 1944 à janvier 1945. L’auteur est un rescapé. Soixante ans après être revenu de l’enfer des camps, il interroge l’Humanité. L’humour noir et ironique parfois nous désarçonne. Cet humour juif à “la Woody Allen” qui parce que décalé ne peut être dit et raconté par un Juif lui-même… Il n’y a plus humour féroce qu’un juif sur lui-même et sur sa condition rendant ce qu’il raconte attachant, vrai et cinglant. Il y a là une vérité redoutable incomparable. L’auteur nous raconte l’indicible et pose en réalité une question centrale : où est l’Homme à Auschwitz ? sa question est celle d’un athée, apparemment non croyant tandis que d’autres, comme Hans Jonas, André Neher, Elie Wiesel ou Primo Levi poseront la question de la présence de Dieu et de son silence dans l’enfer concentrationnaire.

En 2002, il décide de raconter sa captivité. L’écriture de ce petit livre C’est en hiver que les jours rallongent est fluide, poétique, plein de pudeur, de tendresse, facile d’accès et d’une sensibilité rare. Il sait mettre de la poésie là où pourtant il n’y a eu que des ombres et de la laideur. Un texte sobre et terriblement bouleversant. Le texte peut sembler parfois un peu “décalé” avec les faits reportés ; et l’habitude que nous avons de lire les narrations autour de cette page dramatique de l’Histoire contemporaine. Joseph Bialot nous présente les faits relatifs à janvier 1945 au moment où le Camp d’Auschwitz a été libéré par les Russes. Son récit est particulièrement attachant, et retrace tout simplement sa volonté de s’accrocher, sa résilience, et l’espoir de pouvoir à nouveau espérer vivre, et se reconstruire. Il voudrait pouvoir vivre comme n’importe quel tout jeune homme… sauf que c’est maintenant un homme mûr qui regarde celui qu’il a été. Le chemin du retour est long et difficile. C’est aussi l’épreuve auprès des siens. Raconter ou se taire. Dire ou ne pas tout dire. Comment dire ? Il faut pourtant parler pour que la vérité soit dite, et pour faire ce travail nécessaire de mémoire pour les générations futures. Les retrouvailles avec sa famille, rendre compte de ce passé dans l’horreur du Camp, où la dignité des personnes n’était plus une réalité du quotidien parce que déshumanisées, et rendues à l’aspect de “stück” (de “morceaux”). Les questions existentielles sont omniprésentes ; et parmi elles celles tournant autour de la mort, du deuil, de la mémoire, du Mal, et de l’universalité. Les conséquences émotionnelles des personnes affectées par ce régime terrible impactent forcément les chemins de la résilience pour essayer de guérir à la fois la mémoire, ses démons intérieurs, les nuits où les souvenirs remontent à la surface comme une anamnèse toujours difficile à supporter et à canaliser, le cœur, et les corps si durement malmenés. Et, malgré la terrible épreuve, au cœur de la nuit, il sait dépeindre des paysages hivernaux, s’émouvoir en pensant et en décrivant la Nature, les petits plaisirs de la vie que les déportés avaient oubliés ; tel par exemple que la cuisine dans un lieu où l’on a toujours faim… jusqu’à en mourir. C’est aussi la musique, et les conversations avec les amis qui font tellement défaut. Cela rappelle un dialogue dans le film “La liste de Schindler” de Steven Spielberg, quand un des personnages dit que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas parlé, dialogué et souri… oui, aussi difficile que cela soit possible de le dire un autre film sur cette période le rappelle “La vie est belle” ; et cela vient renforcer ce beau texte de Joseph Bialot. Toutefois, le livre ne serait pas ce qu’il est sans la mémoire de ces moments de partage, de solidarité face à la souffrance, des liens d’amitié, de soutien, de partage, d’accompagnement dans la vie comme dans la mort qui sont des étoiles et des lumières d’espérance donnant à l’amitié et à la fraternité au-delà des convictions de chacun ses lettres de noblesse. Des mots qui devraient toujours trouver du sens au cœur de nos sociétés trop encore traversées par le Mal, et la négation de la vie humaine. L’Homme le plus beau chemin de Dieu sur Terre. L’Homme cet Autre qui m’interpelle, et me convoque… À lire !

Image de Chroniqueur : Patrice Sabater

Chroniqueur : Patrice Sabater

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