Jean-Philippe de Tonnac, Éloge de la vulnérabilité des hommes : du masculin blessé au masculin sacré, Guy Trédaniel, 08/09/2022, 21€
Ce livre voudrait inviter les hommes à s’asseoir quelque part sous un arbre et leur donner envie de découvrir au-dedans d’eux-mêmes la sauvage et inaliénable beauté. Quand suffisamment d’hommes aimeront parler comme se taire, pénétrer comme accueillir, agir comme ne pas agir, performer comme rêver, changer le monde comme se changer au-dedans, guérir, en somme, alors nous pourrons commencer à parler d’avenir.
Un homme, ça s’empêche
Pourquoi faire l’éloge de la vulnérabilité des hommes ? Quel titre étrange et quel risque littéraire ! Quel gâchis de papier ! La vulnérabilité se résume au fait de pouvoir être blessé. C’est une grande faiblesse. Un homme vulnérable est fragile, honteusement fragile. Pour ne prendre que le seul exemple de l’Amour, un homme qui souffre d’un chagrin et qui en pleure est pitoyable. En amour, l’homme moderne périra de sa sensibilité, et il ne suffit pas de s’abstenir de pleurer, car les femmes savent voir les larmes invisibles, et – croyez-en mon expérience – elles se sentent bien plus fortes de cette faiblesse cachée. Chez un homme, la vulnérabilité émotionnelle ne devrait pas exister ou être, à la limite, réservée à la littérature afin d’émouvoir les femmes. Parce que ce sont des personnages de romans ou de contes, on feint de s’apitoyer devant le Petit Prince qui pleure après avoir perdu son ami le renard ; on se gausse devant les larmes de Jean Valjean lorsqu’il se rend compte de la misère et de la souffrance des personnes qu’il rencontre ; quelle niaiserie d’Hamlet pleurant sur lui-même et de son impuissance face aux événements qui se déroulent autour de lui ; on a envie de gifler Werther, affligeant d’idéalisme, croyant en l’amour et en l’harmonie parfaite ; lamentable est Dmitri Karamazov en proie à ses conflits internes et sa lutte pour trouver sa place dans le monde ; grotesque est Holden Caulfield, affreusement vulnérable en raison de son désir de protéger les personnes qu’il aime et de sa peur de devenir adulte ; enfin, quelle hypocrisie chez Meursault qui pleure à l’enterrement de sa mère, ému par sa propre indifférence face à la mort de celle-ci. Ridicule ! Comme l’a dit Albert Camus : « Un homme ça s’empêche. »
Vous êtes un homme et vous avez été horrifié par ce paragraphe, alors l’ouvrage sublime et réparateur de Jean-Philippe de Tonnac est fait pour vous. Vous êtes un surhomme nietzschéen épris de volonté de puissance, vous pensez que – vulnérables –, les hommes auront beaucoup de mal à se débêtir, alors l’ouvrage sublime et fascinant de Jean-Philippe de Tonnac est encore plus fait pour vous. Votre carapace va enfin exploser, comme cette société patriarcale au sein de laquelle vous pensez être au sommet. Pauvres fous que vous êtes. Depuis le commencement du monde, votre virilité l’a rendu malade, et ce qui se dégage de votre fourmilière, c’est un brouhaha de haine et de violence. Les violents ne sont que des faibles qui jouent à être forts. Ce monde que vos ancêtres mâles ont construit devient le réceptacle de vos fuites, et la galaxie des mensonges que vous vous faites. Vous n’avez toujours pas pris conscience que vous étiez rentré dans votre vie d’homme à reculons. Vous êtes des anti-Homère. On vous a malheureusement enseigné que vous deviez être des Achille épris de force, de prouesses sociales, de folies et de multiplications éjaculatoires, sinon vous seriez abattu par votre vulnérabilité symbolisée par votre talon. C’est tout le contraire. Qui n’est pas vulnérable n’est pas digne d’aimer. Une âme étrangère habite chaque homme en le rendant étranger à son corps. Les yogis l’appellent : personnalité seconde ou samsara. Platon, le tyran intérieur. Pascal, la seconde nature. Hegel, Marx, l’aliénation. Heidegger, l’inauthenticité. Sartre, la mauvaise foi. Tous ces penseurs ont démontré qu’il existe souvent chez les hommes une personnalité qui a pris possession d’eux, bien qu’elle ne soit pas eux. Il s’agit de l’homme extérieur. L’homme qui n’est jamais lui-même, l’homme qui n’a jamais su se vaincre. À force d’être miné de l’intérieur, on agresse l’extérieur. Dans ce livre, les vainqueurs ne sont pas ceux que l’on croit, et les vaincus aussi. Bienvenue au pays des hommes vulnérables, des vrais surhommes…
Quatorze portraits pour enfin trouver sa vraie place
« Devenir un homme est un art », disait Friedrich Novalis. La problématique, posée avec beaucoup d’attendrissement et de réalisme par Jean-Philippe de Tonnac, nous ramène – sous l’autorité parentale – au passage du garçonnet à celui de l’homme adulte. Si votre enfance d’homme n’a rien eu de sombre ; si vous n’avez pas été plongé comme Job dans le malheur ; si votre enfance n’a eu d’autres sources que des souvenirs familiaux délicieux ou qu’elle a été un perpétuel enchantement ; si elle fut la seule période de votre existence durant laquelle vous eûtes la faculté et l’audace de vous étonner, alors ce livre va vous bouleverser. En effet, en vous inspirant de l’expérience de ces quatorze hommes au courage immense, si vous êtes père, vous aurez alors en main le plus beau des outils pour une transmission réussie, car en vous, vos enfants tireront cette lumière qui ne trompe pas, et qui répandra dans leur âme une tranquille certitude.
A contrario, si jamais vous êtes un homme brisé, victime d’une mauvaise transmission des valeurs paternelles, ou plutôt de l’absence de transmission ; si vous mourez de l’absence ou de l’éloignement de votre père ; si vous êtes brisé par une mère castratrice à laquelle – à cause de l’absence ou du renoncement du père – vous avez trop demandé au point de la rendre affreusement malheureuse ; si, en étouffant dans votre condition masculine, vous ne trouvez pas votre place dans votre couple, dans votre famille ou dans la société ; si – parce que vous êtes défaillant – vous comprenez peu à peu qu’à la sexualité performative il est impératif de substituer l’immensité de votre tendresse ; enfin si vous faites partie de ceux qui pensent que le plus grand des dangers est à nos portes, car les bonimenteurs (presque exclusivement masculins) qui dirigent cette planète meurtrie ne parviennent pas à se connecter à leur intériorité ou à la nature, alors cet ouvrage va vous mettre sur la véritable voie : celle de la transcendance, de l’élévation et du salut. L’adage qui dit : « lorsque le disciple est prêt, alors le maître apparaît » s’applique merveilleusement à chacune des pages de ce livre dont on ne peut pas ressortir indemne, à chacun de ces hommes qui – parce qu’ils ont chu et ce sont relevés – sont désormais des maîtres, nos maîtres. Mais attention au chemin que l’on découvre en soi-même ; tous ne mènent pas à Dieu, tous ne mènent pas à l’Homme…
Certains de ces portraits vont vous émouvoir jusqu’aux larmes. Ne craignez pas cette expression de votre vulnérabilité. Il y a en vous celui qui a peur, et il y a celui qui aime. Guérir son âme et son corps consiste à passer de l’un à l’autre, en se revêtant du manteau de l’être aimant comme d’un vêtement de lumière. Osez, pendant la lecture ou en refermant cet ouvrage, pleurer comme je n’ai cessé de la faire. Alors vous aurez compris que vous être un Homme qui – parce qu’il a été blessé et parce qu’il a enfin osé afficher sa vulnérabilité – appartient à la race du masculin sacré qui en est la partie noble.
Le dernier homme
On ne peut pas, dans l’exiguïté d’une chronique, portraiturer chacun de ces êtres de lumière qui ont traversé l’existence avec la blessure originelle, la blessure d’amour d’un père défaillant. Il en est toutefois – et ils ne sont pas expressément évoqués dans cet ouvrage – qui sont nés de père inconnu et qui, leur vie entière, ne sont que la moitié d’eux-mêmes. La beauté de ces hommes-là, qui meurent à jamais du poids de l’absence et du secret, est peut-être encore plus forte. Mais c’est une beauté invisible. Ils portent cette blessure en pensant que jamais elle ne se refermera. C’est une erreur. Il existe pourtant une thérapie possible : celle d’envisager d’être à la fois son propre fils, ou son propre père. Une façon de jouer ce rôle qui, à jamais, leur est interdit.
Nonobstant, je voudrais brièvement m’attarder sur le « dernier homme », qui dans la hiérarchie est le premier : l’auteur. Si ces quatorze hommes ont pu se confier avec un tel courage, déposer sur ces pages leur souffrance sans attendre de jugement, c’est qu’en Jean-Philippe de Tonnac – le quinzième – ils ont reconnu l’un des leurs et, de toute évidence, le plus vulnérable d’entre eux.
Mon parcours d’homme est assez discret. J’ai été un fils raté, n’ayant pas eu de père à mes côtés et j’ai été un père raté, n’ayant pas su garder mes enfants suffisamment près de moi, pas su leur dire que la vie sans eux avait eu tendance à claudiquer. Sur l’échiquier social, je n’ai pas été non plus bien courageux ni bien glorieux, pâle figure rasant les murs, la plupart du temps invisible, préoccupé seulement de peindre, dessiner, lire et écrire, m’étant trouvé bientôt tout entier absorbé par la tâche de réparer les dégâts causés par la longue épreuve d’une anorexie restrictive commencée au sortir de l’adolescence et couvée déjà dans l’enfance. Pour dire que j’ai manqué de répondant et à peu près dans tous les domaines. Si j’ai fini par trouver un moyen de redresser en moi l’homme Pise, l’homme penché, je crois que c’est aux mots que je le dois, à ces chemins qu’ils dessinent et qui donnent à la vie l’élan de marcher.
C’est à l’Homme Pise que je voudrais m’adresser. Par ce livre confession, qui s’efforce de dire ce que nous sommes incapables de penser, et qui fait suite à celui sur les guérisseuses, il nous offre son extraordinaire parcours de réparation et de guérison. Je n’imaginais pas qu’il puisse être aussi cabossé, et j’en suis profondément affligé. Il ne peut que forcer notre admiration. Je salue son courage car – de son immense souffrance et de sa honte primitive d’être un homme – il a su en retirer une œuvre littéraire exceptionnelle, et un immense avantage : celui de la connaissance des mondes invisibles. Le monde visible est une grande maladie. Dans cette vie, nous sommes malades, et ne pas l’être est encore plus inquiétant. Car la maladie est salutaire. À son contact, on découvre ses faiblesses, et surtout on découvre, ou on redécouvre, ses forces. « On ne naît pas homme, on le devient », nous dit Jean-Philippe de Tonnac. Dans cette existence, tous n’ont pas la chance de devenir Homme, et encore faudrait-il modérer de tels propos, car on ne peut mesurer cette chance que le dernier jour de notre vie. Doit-on blâmer les hommes dont la conscience a fait faillite, parce qu’a contrario des femmes, ils ont exclusivement consacré leur existence à porter leurs efforts vers un domaine patriarcal dominant, en ne laissant derrière eux qu’un champ de ruines ? Ces hommes, qui sont-ils ?
Ils sont simplement les victimes d’un système qui ne leur apprend que la conquête, la carrière, le gain, le profit, la compétition, le mérite, la puissance, les honneurs, la performance, etc. Le jour où leur petit monde s’écroule, ils sont sans aucune ressource et livrés au désespoir le mieux fermé.
La fin du monde est imminente. Nous le savons. La sixième extinction de masse a déjà commencé, et le temps est proche ou la Nature expulsera l’homme de son sein. Antoine de Saint-Exupéry, dans Terre des Hommes, l’a poétiquement exprimé – alors qu’à l’époque – il n’était pas encore question de réchauffement climatique ou d’écocide. Jean-Philippe de Tonnac le dit de la même façon : la reconnexion à la nature est un passage initiatique impérieux afin de réparer l’homme blessé ; un lien sacré que nous avons déjà largement commencé à briser. Jusqu’à cette minute du parfait triomphe de la science occidentale, cet aboutissement que l’intelligence artificielle s’apprête à nous offrir et qu’il sera illusoire de trouver splendide, les guerres amèneront d’autres guerres, la haine enfantera la haine, et nous devrons assumer l’horreur de nos actes. Car c’est une juste loi que le mal vienne tôt ou tard frapper lorsque nous l’accomplissons et le seul progrès qui vaille est celui que nous réalisons au sein de la vie intérieure. Comme l’écrit Maurice Magre en 1931 : « S’il y a une intelligence collective des hommes qui est consciente d’elle-même, cette intelligence a décrété que la laideur couvrirait la terre et elle est en train de réaliser ce projet avec habileté et précipitation ». Ce mal que nous faisons à la nature, malgré la longueur du détour de la destinée, nous l’accomplissons contre nous-mêmes. Il faut que les hommes changent, et particulièrement ceux qui prétendent diriger notre destinée, parce que s’ils ne changent pas, il sera illusoire d’espérer un monde meilleur. Ce salut ne pourra se réaliser que par le Masculin authentique, le Masculin brisé. Il doit devenir la cause première de l’humanité. Mais pour que cette dernière puisse éclore comme une frêle et innocente fleur à qui un papillon fait la cour, nous devons impérativement appeler de nos vœux à la révolution par les femmes.
Le salut par les femmes
Elles paraissent étonnamment absentes de ce livre. On pourrait penser que Jean-Philippe de Tonnac est un homme qui parle exclusivement à d’autres hommes, et pourtant Éloge de la vulnérabilité des hommes est le plus beau message d’Amour que l’on puisse offrir aux femmes, mais avant tout à celles qui acceptent d’être la canne sur laquelle on pourrait se reposer. Les femmes sont aussi puissantes que les hommes sont impuissants :
Si on est homme et si on prend la mesure de ce que nos sociétés patriarcales ont fait aux femmes, on en oublie souvent qu’en blessant son féminin, notre humanité s’est tiré une flèche ou une balle dans les deux pieds. Dans quelques régions du monde, les femmes font entendre l’urgence qu’on les respecte, qu’on ne décide rien pour elles, à leur place, qu’on leur laisse le temps de ramener à la surface ce qu’elles sont, de si profond, de si beau, ce qu’elles avaient envie de chanter, de crier, de vibrer et depuis si longtemps, depuis la fondation du monde, notre monde qui les a tenues et les tient encore muettes.
Il y a bien longtemps que les femmes ont entamé le chemin vers la guérison, vers la perfection, et ce sont-elles – comme l’auteur l’a démontré dans son précédent et ensorcelant ouvrage – qui détiennent le pouvoir dans le monde de l’intérieur, dans le monde de l’invisible. Car elles accouchent de nous deux fois : la première lors de notre naissance, et la seconde lorsqu’elles ouvrent leurs bras à l’incommensurable étendue de notre vulnérabilité. Nous sommes à un carrefour où hommes et femmes doivent réinventer leur relation. L’homme doit accueillir l’être aimé avec une immense humilité et toute la tendresse de l’homme blessé. Il doit enfin accepter que sa virilité et ses performances puissent passer au second plan. Recevoir l’amour, c’est renoncer à être homme, c’est admettre que le piège sexuel puisse mener à la régression :
Le sexe de l’homme se fait dur, invasif, presque tranchant comme un couteau, tandis que le sexe de la femme reçoit, se fait pour recevoir humide et chaud, accueille la fougue et la violence, parfois, offre un calice à la semence. Il faut apprendre aux hommes que leur sexe est trait d’union vers la femme et pas moyen de pouvoir, de possession. La sexualité n’a rien à voir avec la performance, le nombre de coups de reins, la taille du sexe, la durée du rapport. La sexualité a à voir avec la présence à soi et à l’autre. La découverte à travers la pornographie de la sexualité par des gamins de 12 ans revêt une dimension éminemment tragique.
L’amour qui consume deux âmes est le plus grand des mystères, la plus grande des richesses. Il est un chemin afin de parvenir au divin. L’Amour absolu entre une femme et un homme, entre deux êtres du même sexe, entre les hommes et la nature, est le signe des élus. Afin d’en atteindre le plus haut des degrés, il est impérieux, pour l’homme, d’afficher sa vulnérabilité. La puissance du lien qui unit deux êtres est intimement liée au rapport secret de leur avancement dans le domaine spirituel. On ne connaît pas de plus bel amour que celui entre Héloïse et Abélard. L’union mystique ne requiert pas de s’étendre sur l’emplacement qui sert généralement au sommeil. Elle est ailée comme la parole. Elle se transporte dans des lieux ou auprès d’êtres dont nous n’aurions jamais imaginé l’existence et, surtout, elle est indépendante de ce que Lamartine a pudiquement nommé « l’océan des âges ». La passion a toujours des ailes, et elle ne s’unit qu’au plus haut des cieux. Un cœur qui palpite d’amour et d’admiration communique dans l’éther des vibrations qui ne peuvent être perçues que par un autre être à l’âme blessée, et toujours dans un lieu où l’erreur et le mensonge n’existent pas.
Oser détruire l’ignorance
Le moine Roger Bacon, dont on fit l’un des précurseurs de la Réforme, fut l’un des plus grands savant, linguiste, et visionnaire du Moyen-Âge. Il a professé toutes les idées qui triompheront à la Renaissance. Parce qu’il fut persécuté et décrié, comme avant lui toute la chaîne ininterrompue des apôtres de la vérité, l’influence qu’il eut sur ses contemporains fut quasi nulle. Du fond de sa prison Roger Bacon, surnommé le « docteur admirable », a finir par se repentir de s’être donné tant de mal pour avoir osé espérer détruire l’ignorance. Souhaitons que Jean-Philippe de Tonnac ne soit pas dans ce même paradigme avec ce livre essentiel qui ambitionne de transformer l’homme Pise en homme redressé. J’ai bien peur que la cause ne soit à jamais perdue. J’ai bien peur que Jean-Philippe demeure incompris. À la Renaissance, il aurait subi le même sort que Giordano Bruno. L’homme, par ses défauts, est d’une ignorance extrême, et même dans une ignorance qui s’ignore. Nos ignorances nous vieillissent avant l’âge. Ce sont les rides de l’âme.
Parmi ces quatorze hommes redressés, on trouve chez Yann Lemonnier une parole essentielle et qui ouvre des horizons que l’on ne soupçonnait pas :
Mes parents ont fait ce qu’ils ont pu. Si nous venons sur Terre pour accomplir une certaine mission réparatrice, alors j’ai choisi les parents dont j’avais besoin et eux ont choisi leurs enfants. Grâce à eux, j’ai pu travailler sur moi, laisser émerger progressivement l’homme que je suis, quitter le fameux triangle de Karpman qui stigmatise la relation entre la victime, le persécuteur et le sauveur.
Dans notre court séjour terrestre, il est bon de laisser quelque trace de notre passage et de remplir une mission, qui est un feu sacré que nous devons entretenir jusqu’à ce que d’aucuns appelleraient Dieu l’éteigne en nous. Si notre mission n’est pas remplie, sommes-nous condamnés à entrer dans le cycle des réincarnations sa fin ? Peut-être. Il est sûrement nécessaire d’avoir plusieurs existences afin de se redresser. La vie est folie : « Si nous n’étions pas fous avant de naître, nous ne sortirions pas du ventre de notre mère » a écrit Maurice Maeterlinck dans L’Ombre des ailes. Yann Lemonnier a raison : c’est nous qui choisissons nos géniteurs. Trop nombreux sont ceux qui persistent à être ignorants de leurs propres erreurs. La vie les a déçus, et ils n’attendent plus rien, même de la mort.
À ceux-là, à ces hommes Pise, il reste un espoir : l’oubli, qui est une chance de s’élever, de se réparer dans une vie future. Ce n’est pas en vain que les anciens enseignaient que tous les morts, sans exception, devaient boire l’eau du Léthé, le fleuve qui coule sans bruit et qui efface les joies et les peines.
Chroniqueur : Jean-Jacques Bedu
Auteur de nombreux essai courronés par plusieurs prix littéraires, Jean-Jacques Bedu est le fondateur de "Mare Nostrum - Une Méditerranée autrement" et secrétaire-général des Prix Mare Nostrum.
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