François Liberti, Au service de l’humain. Éditions Arcane 17, 20/02/2025. 160 pages. 15€
François Liberti, ancien Maire communiste de Sète, livre des mémoires vibrantes et profondément ancrées dans une ville-port qui l’a façonné. La ville est ouverte sur la Méditerranée, à l’international, à l’Afrique, au Proche-Orient et à l’Europe du Sud. Un port de moyenne importance, mais actif et réactif dirigé il y a encore quelques années en arrière par un autre Communiste, ancien Député et ancien Ministre ; Jean-Claude Gayssot.
Ce récit autobiographique, rédigé avec le concours de la journaliste Caroline Constant, dépasse le témoignage. C’est à la fois une méditation sur l’engagement, la mémoire et la solidarité, une chronique de « l’île singulière », comme le Sétois Paul Valéry aimait à appeler « Cette » ; devenue Sète en 1927). La petite histoire des quartiers rencontre la grande Histoire des luttes sociales.
L’ancien Député-Maire de Sète nous livre un portrait de Sète à travers un destin… le sien ; et forcément celui de cette ville née en 1666. L’auteur raconte d’abord une enfance sétoise marquée par la mer, l’immigration et le monde du travail. Marin, syndicaliste, puis élu du Parti Communiste français, François Liberti évoque son parcours d’action continue : la participation au Comité pour la paix en Algérie à 13 ans, les combats syndicaux dès les années 1960, la création de la coopérative des « Cinq Ports » pendant les événements de mai 1968, puis ses mandats de Maire (1996-2001) et de Député (1997-2007), mise en place d’un Comité consultatif pour associer la population aux décisions parlementaires, combats contre la bétonisation du littoral. Le port apparaît comme un espace de brassage culturel et d’apprentissage politique : « un port n’est pas seulement un lieu d’échanges de marchandises, mais aussi d’échanges humains ».
Il insiste tour particulièrement sur l’importance de l’union des forces de Gauche – condition des victoires municipales, et défend une conception participative de la démocratie, illustrée par le comité consultatif de circonscription qu’il avait mis en place pour associer directement les habitants aux débats parlementaires. Cette conviction est toujours d’actualité dans la préparation des prochaines élections municipales en 2026 où l’union de la Gauche et la proximité avec des Collectifs citoyens semblent être le chemin, selon lui, de la reconquête de cette ville qui fut communiste sous les mandats de Pierre Arraut (1945-1947, 1959-1973) et de Gilbert Martelli (1973-1983). Il rappelle que les défaites ont illustré les conséquences de la désunion ; et qu’il faudrait s’en souvenir à courtes échéances… Faire participer le maximum de citoyens et de Sétois natifs ou venus d’ailleurs. La population de Sète est bigarrée depuis les débuts de sa fondation : locaux, Aveyronnais, Lozériens, Audois, Italiens de Gaète… et d’ailleurs, Espagnols et Catalans, Pieds-noirs, Maghrébins… L’ancien Élu met l’accent sur la richesse née des vagues migratoires qui ont façonné Sète et rappelle l’actualité de ce message face aux discours xénophobes, ce qui va à l’encontre des discours identitaires actuels en France…, et à Sète également.
Une ville-monde qui parle au travers des différentes cultures, qui se raconte sur les terrasses des cafés, au bar, lors des fêtes locales, avec une gouaille et une « tchatche » bien sétoise. François Liberti la revendique. Quand on l’entend, et on le voit… On comprend. C’est un fils de Sète. Il se fait proche ; et de fait il l’est. On l’appelle facilement « François »… ; et ça lui plaît ! Il incarne ce style d’élu direct, fraternel, à l’écoute, et proche des gens et des réalités. Il habite depuis de très nombreuses années un quartier populaire dans une Cité HLM ; et cela était déjà vrai lorsqu’il était Maire de la ville. Le style est oral, direct, chaleureux, nourri d’anecdotes attaché à un vocabulaire de la pêche, réunions de quartier, batailles municipales. Cette langue vivante restitue la chaleur méditerranéenne.
À travers ses souvenirs, l’auteur relie passé et présent. Les luttes de pêcheurs de mai 1968, l’accueil des vagues d’immigration italienne, espagnole ou maghrébine résonnent face aux débats contemporains sur le droit du sol et la montée de l’extrême droite. Son récit, empreint d’humanisme, rappelle que la diversité est une richesse fondatrice de Sète et de la Méditerranée. Le livre devient ainsi un acte politique : un appel à la solidarité, à la lutte contre le racisme et à la défense des services publics. Outre les présentations locales dans les librairies et autres lieux où il a été appelé, « il est monté » à Paris en septembre dernier pour présenter son autobiographie à la Fête de l’Humanité où il a également participé à des débats politiques sur la ville. Le livre conserve une certaine spontanéité de la parole militante « Au service de l’humain ».
Son témoignage nous renseigne sur un demi-siècle de luttes sociales et de vie municipale. On peut aussi y lire une leçon de démocratie participative et de fidélité à la « cause populaire » et des Quartiers de Sète. C’est un véritable plaidoyer pour la fraternité face aux replis identitaires, un réquisitoire indirect aux récentes municipalités moins populaires, plus libérales, moins démocratiques, et forcément moins participatives.
Le livre ne serait pas ce qu’il est, s’il n’associait pas à ses souvenirs familiaux le souvenir de l’arrivée de ses grands-parents italiens, les métiers de la pêche, les solidarités des gens de la Mer donnent de l’épaisseur à son récit et à son engagement Cette dimension militante est portée par une conviction : « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu » (Bertolt Brecht). Anita et François : deux histoires, deux destinées liées à l’histoire de deux pays pauvres à l’époque (l’Espagne et l’Italie) confrontés au fascisme. C’est une quête qui trouve (presque) aujourd’hui son achèvement. Avec son épouse ils se sont donnés de retisser, de renouer avec l’histoire de leurs familles. Son épouse vient de recouvrer la nationalité espagnole en mémoire de ses parents Républicains… Cette quête a permis de mieux comprendre ce qui les a construits, et ce qui leur a permis d’être ce qu’ils sont aujourd’hui.
François Liberti signe un livre à la fois intime et politique, où l’amour d’une ville, de son histoire, du Bassin de Thau, la passion de la mer et l’idéal de justice sociale sont présents d’un bout à l’autre de l’ouvrage offrant un souffle d’humanité et d’espérance dans le souci affiché d’un désir de transmission pour préserver la mémoire des luttes locales. Donner des repères lui semble plus que nécessaire. C’est ce qu’il manque aujourd’hui aux Sétois et aux Sétoises. Un ouvrage avec une force d’authenticité évidente qui s’intéresse à l’histoire sociale, à la culture méditerranéenne, à la ville de Sète, et à la vitalité de la Gauche locale et des mouvements progressistes. Le livre n’a aucune ambition sinon de vouloir permettre de lire un passé pour éclairer le présent et l’avenir, et permettre aux Sétois et ceux qui viennent visiter la ville de regarder au loin à partir du Quai d’Alger les larges horizons en donnant à tous et à chacun d’espérer et de vouloir agir pour le Bien commun. Un livre à recommander pour ceux qui s’intéressent à la vie locale et aux à l’engagement des Élus de terrain loin de la Capitale…

Chroniqueur : Patrice Sabater
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