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Gabriel Saillard, Haut les têtes, Éditions Intervalles, 15/01/25, 256 pages, 19 €

Ancien avocat d’un cabinet anglais tournant auberge espagnole, juriste pointilleux et esprit curieux, Gabriel Saillard n’a pas froid aux yeux. La dédicace de son premier roman, Haut les têtes, aux éditions Intervalles, annonce fièrement « une histoire de liberté et de panache » quand la quatrième de couverture vante « un roman mordant et enlevé sur la liberté d’expression à l’heure de l’affaissement culturel ». Mordious, le gamin n’a pas du sang de navet dans les veines. Et le plus beau est que ce coup d’essai est bien un coup de maître et va même au-delà de ces espérances claironnées à la gasconne.

Son héros, Paul, « homme libre et démodé dans notre société du zapping et de l’instantané », est un avocat s’ennuyant dans son cabinet international – Mon Dieu, où va-t-il donc chercher tout ça ? – rêvant à une carrière littéraire qui s’ouvrirait sur une passe d’armes, « un soir d’hiver de 1928 ou 1929 », entre Georges Clemenceau et Winston Churchill, deux figures, deux caractères, deux destins d’un autre temps. Poursuivant sa chimère avec la détermination de ceux qui portent haut leur tête, Paul passe de l’autre côté du miroir, là où seules les âmes se reflètent, flanqué de son fidèle ami Wenceslas, rejeton d’une vieille famille fleurdelysée, plus récemment faucillée par son grand-père, héros du régiment de chasse Normandie-Niemen. Après s’être « progressivement recentrés sur l’essentiel : l’alcool et la philosophie de comptoir », ces arsouilles bourrés aux bons sentiments nous emportent dans une folle histoire passant par un débat coloré à l’Assemblée nationale sur l’avancement posthume du capitaine Dreyfus au rang de général de division, un hommage subtil à Samuel Paty qui : « avait rempli sa mission, tenant bon envers et contre tout. Oscillant entre couardise et pleutrerie, sa hiérarchie l’avait abandonné, seul, face aux islamistes et aux réseaux sociaux », quelques souvenirs de la première croisade, cracs Krak, et un dialogue savoureux avec le fameux aïeul, lequel, pour avoir affronté hier la tyrannie, les invite « à résister à la lâcheté contemporaine », à cette police de la pensée qui terrorise jusqu’aux éditeurs les plus indépendants : « j’avais sous-estimé la capacité de nuisance des Nouveaux Gardes Rouges. Citer Jacques Bainville, évoquer la colonisation de l’Afrique et des Indes, la chasse au rhinocéros blanc en Ouganda, ou le génie de Napoléon, rien n’était plus intolérable pour les tympans délicats de leurs chastes oreilles ». Saupoudré de saillies savoureuses : « si on ne trouve pas du temps pour Péguy à l’Éducation nationale, on est foutus » ou pleines de bon sens : « l’antisémitisme contemporain est un dragon à trois têtes », celui de droite, celui de gauche et le dernier, porté par « l’Islam radical », ce roman, à la fois iconoclaste et vivifiant, est un véritable bol de liberté et une leçon d’intelligence. Ajoutez-y, sirop sur les plaies de l’existence, une touche menthe à l’eau, en la personne de la pétillante Paola, montée sur talons aiguilles et à la tête à la fois bien pleine et bien faite, et le cocktail est prêt à exploser en bouche.

À ma suite, le lecteur, ravi, n’aura qu’un cri, celui du cœur : Ah, ce Saillard, quel gaillard !

Image de Chroniqueur : François Jonquères

Chroniqueur : François Jonquères

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