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Alain Corbin, Histoire du repos, Plon, 17/03/2022, 15€.

Alain Corbin, grand historien du sensible, spécialiste de l’histoire de notre société au XIXe siècle établit le constat du changement de sens du repos au fil des âges.

Car avant toute autre signification, le repos, celui qui a préoccupé les hommes pendant près de deux mille ans, c’était le repos éternel.  « Requiem » en latin c’est l’accusatif singulier de « requies », le repos. « Requiem aeternam dona eis, Domine ». Il fallait préparer son salut, échapper à la damnation éternelle. Cela a l’air dépassé en nos temps de peu de pratique, et pourtant les plus grands compositeurs, même contemporains ont créé des messes de Requiem et que l’on continue à célébrer de nos jours, pour que nos morts puissent « reposer en paix ».

On est encore très proche avec Pascal, redoutant et désirant le repos. N’écrit-il pas : « J’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre ». Mais la conclusion des Pensées que Pascal consacre au repos est qu’il « faut chercher Dieu ». Ce « repos en Dieu » débouchera sur la quiétude et l’on se souvient de la querelle du quiétisme qui a fait se disputer, au XVIIe siècle, théologiens, prélats, prédicateurs et dévots. Il s’agit là du repos de l’âme. Comme le disait si bien Thérèse d’Avila : « laissez l’âme reposer dans son repos, mettez le savoir de côté ».

Puis les philosophes débattront du retrait ou de la retraite, pas celle qui va être débattue à l’Assemble nationale, mais celle qui est l’art de savoir se mettre en retrait. Arrivé à un certain âge, l’homme accède à la sagesse et sait alors qu’il convient de cesser de s’agiter. Car en fait, le contraire de repos n’est pas la fatigue, mais l’agitation. Ce repos sera d’ailleurs perçu dans nos campagnes et encore très récemment comme de la paresse. Le citadin en short et sandalettes est à la fois regardé comme un privilégié et un bon à rien. Aux champs, il y a toujours quelque chose à faire, même pour les plus vieux, et bien sûr pour les femmes qui n’arrêtent jamais. La terre a le droit au repos, pas les hommes. Sauf le dimanche où le repos dominical, même atténué, garde encore son sens sacré.

C’est dans le monde industriel du XIXe et du début du XXe siècle que le repos commencera à prendre le sens qu’on lui connaît aujourd’hui. Il faut, pour contrebalancer des conditions de travail éprouvantes, instituer un repos pour que l’homme puisse reconstituer ses forces physiques. Ce sera le sujet de luttes ouvrières longues et déterminantes.

Il y a un long chemin du Salut Éternel au burn-out. C’est à ce cheminement que nous convie Alain Corbin. Il nous mène « au pré du repos » et comme il le dit : « Celui où s’arrête notre travail, pareil à un point final qui achève un livre ».

Lisez-le, vous n’en ressortirez peut-être pas reposé, mais certainement plus éclairé.      

Chroniqueur : Jean-Louis Authié

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