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Hyper ! Hyper ! Un roman saccadé avec une bande son 100% Nineties

Olivier Amiel, Hyper ! Hyper ! : juste à côté du cœur, Les Presses littéraires, 27/07/2023,1 vol. (153 p.), 14€.

Hyper ! Hyper ! Comme un hypermarché,
comme hyper-violent,
comme hyper-paumé,
comme un hyper roman d’Olivier Amiel

En 2014, dans La France périphérique, Christophe Guilluy étudiait en géographe social la fracture entre les yuppies hors sol multiculturels Hi-Tech et les enracinés socialement fragilisés, une fracture qui a remplacé la traditionnelle opposition ruraux/urbains.
Dans Hyper Hyper ! Juste à côté du cœur, Olivier Amiel fait le même constat, mais son microscope fictionnel est centré sur une petite plaque de banlieue où s’agitent quatre anti-héros, dont le narrateur, qui a pris une classe « d’enfants de bourges«  en otage.
Flashback : il décrit avec une froideur brûlante cette « génération de parents coincés entre deux, pas encore timbrés comme ceux d’aujourd’hui qui pensent pouvoir tenir des conversations philosophiques sur le choix de genre avec des mioches de cinq ans, mais esquissant déjà le règne de l’enfant-roi. »
Cette génération de parents coincés a engendré des enfants coincés dans une colère impuissante.
L’enfant-roi, on comprend vite que ni ses potes, l’Arabe Karim et le raciste Marc, ni leur égérie Do, ne le croiseront.
Le narrateur, si, mais un pistolet à la main.
Leurs ambitions se réduisaient à un blouson Chevignon et à des Doc Martens cloquées, leurs besoins à des bières et des joints, leurs opinions à des clichés homophobes et complotistes : « Ils veulent nous baiser par tous les moyens : le fric, mais aussi la santé. C’est clair.« 

Rien n’est clair, en réalité : tout est sombre, le passé imparfait, le présent fait d’expédients, les lendemains qui ne chanteront que des fausses notes.
Ce qui sonne juste, c’est la distance désabusée du narrateur vis-à-vis des projets improbables et toujours avortés des trois Pieds Nickelés aux ambitions médiocres. C’est aussi son regard acéré sur la société qui l’entoure et dont il semble le seul à percevoir combien elle est factice : « Fallait voir le dédain de classe sociale qu’il y a eu contre ces pauvres gosses – certes, un peu ridicules, mais surtout trop blancs, trop périphériques, qui ont lancé la mode de la Tecktonik en 2006. »

 L’Histoire majuscule s’infiltre autour d’eux comme une fumée, mais elle n’est pas assez dense pour les ancrer. Même quand les deux orbites se rencontrent, elles ne se mélangent jamais. Une « imitation hilarante par Antoine de Caunes et José Garcia«  voisine avec des attentats et habite sept ans plus tôt que « les gosses victimes du « FIS de pute » de Merah dans le collège Ozar Hatorah (qui) auront moins de chance. On n’échappe pas – comme la gamine de huit ans à qui il a agrippé les cheveux – à des tirs à bout portant. »
Des trois inséparables amis du narrateur, l’un lancera un fanzine sur la musique, qui parlera de tout sauf de musique, l’autre vidéastera des Gilets Jaunes et la troisième fera le choix du conformisme : « Même si je ne l’envie pas à Do dans son trip pavillonnaire qui se veut faussement petit-bourgeois, mais vraiment nouveau prolétariat. »
Le narrateur critique « les gauchos (qui en 1995) trouvaient déjà des excuses à la radicalisation de ces jeunes musulmans : Discriminés et auxquels la société française ne faisait pas de place, n’acceptait pas la différence… Poussés dans le terrorisme finalement contre leur gré. »
Mais entre la critique de l’hôpital et l’usage de la charité, il n’y a parfois qu’un point-virgule : « Dans notre groupe, je vois cette période comme un traumatisme et une justification de ce que nous sommes devenus. »

Olivier Amiel a publié, en 2021, Voir le pire, L’altérité dans l’œuvre de Bret Easton Ellis, un essai littéraire sur l’auteur du très violent et très best-sellers American Psycho. Ce roman noir avait servi à l’Américain, en 1991, de défouloir pour exprimer son dégoût du reaganisme triomphant.
On ne fera pas à l’exégète l’insulte de jouer au psy de comptoir en jonglant avec ses choix littéraires, mais on ne peut occulter le fait que son propre roman, témoin de la même époque, est une version française du même désespoir. Pas un remake, pas un doublage. Un hommage ? Heureusement, il y a la musique. Ringarde et décalée, comme les anti-héros, mais dont chaque morceau est décrit et analysé aussi rigoureusement qu’une composition de Pierre Boulez sur France Musique : « Never le Nkemise 2, du groupe d’Afrique du Sud Die Antwoorde… Il adore ce son de barbare. Une musique qui va de la Techno Hardcore de fêtes foraines jusqu’au Hip-Hop, un mélange de langues Afrikaans et Zoulou qu’on appelle Tsotsitaal, surtout utilisée par les voyous et les criminels »

La bande originale du livre devrait figurer en annexe du roman, des extraits seront indispensables pour la version audiolivre et le film sera une tragédie musicale, l’équivalent XXIe siècle de West Side Story, intitulé North of Eden, bien que Paris soit tout sauf un Paradis…

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