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Les Éditions Robert Laffont sont réputées pour leur publication de textes rares. La collection Bouquins  nous gratifie, depuis le 8 octobre, d’une réédition d’Octave Mirbeau qui précède – entre autres – celles de Julien Green, de Raymond Roussel, de Paul Morand, de Georges Bernanos, de Maurice Barrès, d’Alphonse Allais, de Pierre Loti, de Léon Bloy, de Charles Péguy, ou encore celles, “moins politiquement correctes” de Lucien Rebatet, Charles Maurras ou encore Léon Daudet… Une multitude de paris éditoriaux, et presque autant de succès, que l’on doit à Jean-Luc Barré, qui est également l’éditeur de “la Chambre aux secrets”.
Depuis sa renaissance littéraire dans les années 1980, un inédit en langue française de Stéphan Zweig est toujours un évènement. “La Chambre aux secrets” – le titre est énigmatique – ne fait pas exception. Il est servi par une lumineuse préface de Bertrand Dermoncourt qui suscite l’envie de relire l’incontournable biographie de Zweig par Dominique Bona, à laquelle il fait souvent référence. En 1952, Henry Miller avait publié “les Livres de ma vie” et on n’avait été étonné de la place qu’il avait accordée aux écrivains français. C’est encore plus flagrant avec Stéphan Zweig, viennois de naissance mais français d’adoption. Comme l’a souligné Dominique Bona, il n’écrit jamais “contre” , mais “pour”, dans ce style qui lui est propre, et il convient également de rendre hommage à la traduction de David Sanson. Dans ses “Mémoires d’outre-tombe”, Chateaubriand écrit : “le style, et il y en a de mille sortes, ne s’apprend pas ; c’est le don du ciel, c’est le talent”.
Alors pourquoi lire “La Chambre aux secrets” qui est une simple compilation d’articles de journaux, de revues, de préface et une conférence ? Qu’apprendrons-nous de plus sur Baudelaire, Balzac, Jean Jaurès, Flaubert, Rimbaud et Verlaine, Ernest Renan, Stendhal, Sainte-Beuve, Pierre Bonchamps alias Philippe Daudet, Romain Rolland, Marcel Proust ou encore Roger Martin du Gard ? D’aucuns diront, “rien de nouveau”. Le mérite de l’ouvrage est justement d’être une porte d’entrée sur le monde de Zweig, à l’aide de tous ces écrivains qui l’ont fasciné et façonné. Qu’importent certaines imprécisions ; son Rimbaud et son Verlaine demeurent deux monuments de poésie et d’analyses psychologiques d’une grande finesse. L’immense popularité dont Zweig jouit désormais serait – selon certains – “une sorte de talent hollywoodien fait pour plaire à la bourgeoisie inculte” (Michael Hofmann, “Magazine Books” n°42, avril 2013). J’assume volontiers d’être un bourgeois inculte, et mon inculture m’a donc fait aimer “La Chambre aux secrets”. Je le recommande aux jeunes lecteurs et, à toutes celles et ceux, qui ignorent certains détails contenus dans les portraits. Le talent de Zweig c’est d’avoir été le témoin privilégié d’un monde “fin de siècle”, un monde disparu, une “Belle Époque” comme l’appellent les historiens.
“La Chambre aux secrets” est dès lors une évidence : dans chaque article Zweig se dévoile toujours plus. À mots couverts, Il parle en réalité de lui. Le portrait qu’il fait de Balzac – “le Napoléon des lettres françaises”  –, qui deviendra son œuvre inachevée, laisse augurer la tragédie qui se profile. Dans son portrait de Baudelaire, il rappelle la phrase de Mallarmé : “Le monde est fait pour aboutir à un beau livre”. Parce que dès les années 1930, Zweig a refusé de choisir entre le nazisme et le communisme qui lui paraissaient sans issue, parce qu’il était l’ami du “vénéré” Romain Rolland – l’auteur d’“Au-dessus de la mêlée” – parce qu’exilé et honni par la plupart de ses confrères qui le considéraient comme un écrivain de “seconde zone” et un Rastignac, il lui était donc impossible d’aboutir à ce dernier “beau livre”. Stéphan Zweig n’avait donc pas le choix. Il est mort en héros balzacien.

Jean-Jacques BEDU
contact@marenostrum.pm

Zweig, Stefan, « La chambre aux secrets », traduit de l’allemand par David Sanson, édition établie et présentée par Bertrand Dermoncourt, R. Laffont, 08/10/2020, Disponible, 1 vol. (298 p.), 19€

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Une lecture qui rappelle que la vérité perd toujours contre le désir d’illusion.

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