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Grace, une jeune architecte américaine, apprend qu’elle vient d’hériter d’une librairie dans la ville de Dachau. Sa grand-mère Matilda la lui a léguée avant de mourir. La nouvelle s’avère d’autant plus surprenante pour la jeune femme que sa mère a passé sa vie à rechercher sa famille biologique, avant d’être emportée par un cancer. C’est pour accomplir le vœu de sa mère que Grace accepte l’héritage et se rend en Allemagne, où elle découvrira l’histoire tragique de ses grands-parents.

Un roman feel good dans un contexte sombre

Le livre de Shari J. Ryan pourrait être le croisement entre la vogue de romans feel good mettant en scène une héroïne, insatisfaite de sa vie, qu’une circonstance oblige à rompre avec sa vie présente (pas tout à fait satisfaisante) et se reconvertir dans un métier différent du sien (libraire, boulangère) et les romans historiques dont l’action se déroule durant la guerre, de préférence dans les camps de concentration (La bibliothécaire d’Auschwitz, Antonio G. Iturbe, Le tatoueur d’Auschwitz, Heather Morris), à la différence que ces deux autres ouvrages, plus réalistes, s’inspirent d’histoires vraies.
Le livre repose sur un jeu d’alternance entre passé et présent, lorsque Grace est amenée à lire le journal de Matilda. La découverte des épreuves subies par son aïeule aura un impact sur sa vie et ses choix. Désormais, rien ne sera comme avant.

Une héroïne forte et son entourage

Plus encore que sur celle de Grace, présentée comme un témoin de faits passés, c’est la figure de Matilda qui renoue avec les héroïnes fortes et courageuses qui peuplent les livres de Shari J. Ryan. Elle ne partage pas la lâcheté de ses parents, s’indigne envers sa mère qui prépare une tarte aux pommes aux voisins nazis, et protège son ami Hans, d’origine juive, en le cachant dans leur grenier, jusqu’à ce qu’il soit dénoncé et déporté. Elle entreprend alors un périple pour les retrouver.
Aux côtés de Matilda gravite toute une galaxie de personnages. Ses parents, des Allemands ordinaires qui ne remettent pas en question le régime nazi. La famille de Hans et Danya, son attachante petite sœur. L’accueillante Galina, qui l’accueille dans sa librairie avant de l’héberger. Erich, son fils, d’abord séduit par un travail au sein du camp, puis pris de remords et désireux d’expier. Danner, le survivant des camps. L’absence de sa fille Runa a creusé un vide terrible chez Matilda, qu’elle s’efforce de combler. Shari J. Ryan décrit les conséquences physiques de cet arrachement, comme les montées douloureuses de lait, l’enfant n’étant pas sevrée quand on l’a enlevée à sa mère. Mais la jeune femme côtoie aussi des animaux familiers, un mulot qu’elle offre à Hans comme animal de compagnie, ou les oiseaux qu’elle nourrit avec beaucoup de tendresse.

Critique du nazisme et de l’antisémitisme

Le livre critique le totalitarisme, l’antisémitisme et la barbarie. Matilda défend ses voisins devant ses parents, qui se laissent endoctriner par la propagande du régime. Elle s’efforce de sauver Hans, mais sans y parvenir. La vision des camps demeure assez sommaire. Il n’entre pas dans le propos de l’auteur d’en donner une description détaillée. Elle lui préfère la stylisation, et se borne à quelques descriptions faites par des personnages du roman, évoque la faim, les coups, et le four crématoire d’où émane une fumée nauséabonde. Son livre ne décrit pas de véritables méchants, mais plutôt la « banalisation du mal ». Les parents de Matilda craignent pour leur famille. Erich s’est fourvoyé. Seules Galina et sa protégée osent exprimer une opinion. À l’école, pour Matilda. Face à son fils, pour la libraire.

L’amour contrarié

Si la peinture des camps apparaît suffisamment discrète, c’est parce que l’écrivaine privilégie l’histoire d’amour entre Hans et Matilda, exacerbée par le danger et la séparation. Ce sont les circonstances qui font de celle-ci une femme, puis une mère, en très peu de temps. Le contexte troublé et le confinement forcé de Hans précipitent la passion amoureuse.
De lecture aisée, La libraire de Dachau présente tous les ingrédients d’un best-seller : un récit romanesque, d’une écriture facile, mettant en scène une héroïne féminine tenace et courageuse, une toile de fond historique, des obstacles, des péripéties et une intrigue dans laquelle l’amour, qui joue le premier rôle, triomphe de la haine. L’auteur, qui a reçu divers prix littéraires pour ses précédents romans, concocte à nouveau la recette d’un cocktail efficace : une bonne lecture de vacances, assez prévisible, qui emportera l’adhésion de lectrices en quête d’amour et d’évasion.

Ryan, Shari J., La libraire de Dachau, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Fanny Montas, City, 23/03/2022, 1 vol. (363 p.), 20,90€.

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