0
100

Il y a dans le premier roman de Karim Kattan, jeune auteur franco-palestinien, un humour, une nonchalance qui font parfois penser aux dessins de Jean-Michel Folon, tant les phrases sont légères et se teintent des bleus du ciel de Palestine. Bleu du matin. Bleu encre de la nuit. Tout se passe entre trois lieux. Sur une colline, une grande villa appartenant à une famille de la haute bourgeoisie ; en face sur l’autre sommet le restaurant de Jihad et en bas dans la vallée, la maison de Joséphine, l’amoureuse de l’oncle Ayoub, que l’on dit sorcière. On est dans le domaine du rêve, de la fiction dans la fiction. Du pays fantasmé. Des feux follets et des grands incendies. Dans celui des spectres, de la lumière qui apparaît, disparaît dans les grandes pièces désertes au gré de l’envol des rideaux. On ne sait plus très bien qui parle, qui est vivant et qui est mort. Mais chaque phrase est un délice où Karim Kattan, tel un enfant, construit son propre palais avec du sable irisé.  

Autour de ce château suspendu dans le temps, les lucioles, le bougainvillier, les pommes de pin, l’odeur des arbres, les rossignols. De cette demeure autrefois vivante, les êtres aux prénoms parfois désuets s’absentent les uns après les autres comme dans la maison du film « Le Salon de musique » du grand Satyajit Ray.

Quelque chose de très doux, de très original et de très douloureux porte les mots de Karim Kattan, diffuse sur les vitres et les miroirs de la mémoire une fine buée blanche comme neige à Noël. L’auteur nous promène dans les pièces du château où résonnent les voix perdues. Mais s’il ne quitte pas l’enfance, l’humour, la tendresse et les clairs-obscurs du rêve, il regarde à force de détresse – avec beaucoup de dureté l’Autre – l’ennemi, l’Israélien, le colon.

On a envie qu’un autre auteur se lève, prenne la main de l’enfant dévasté comme ce pays qu’il raconte et l’amène à l’orée d’autres récits, d’une autre mémoire. Pour que le conte soit riche de tous les reflets. Et que tant de talent puisse ouvrir sur le dialogue.

 Je vis dans l’avenir, quand nos mondes seront réparés, quand le pays sera rendu à la pureté d’un matin qui palpite.

Karim Kattan.

Yasmine KHLAT
contact@marenostrum.pm

Kattan, Karim, « Le Palais des deux collines », Elyzad, 07/01/2021, 1 vol. (272 p.), 21,50€

Retrouvez cet ouvrage chez votre LIBRAIRE indépendant près de chez vous.

Soutenez notre cause - Soutenez notre cause - Soutenez notre cause

Pour que vive la critique littéraire indépendante.

Nos articles vous inspirent ou vous éclairent ? C’est notre mission quotidienne. Mare Nostrum est un média associatif qui a fait un choix radical : un accès entièrement libre, sans paywall, et sans aucune publicité. Nous préservons un espace où la culture reste accessible à tous.

Cette liberté a un coût. Nous ne dépendons ni de revenus publicitaires ni de grands mécènes :
nous ne dépendons que de vous.

Pour continuer à vous offrir des analyses de qualité, votre soutien est crucial. Il n’y a pas de petit don : même une contribution modeste – l’équivalent d’un livre de poche – est l’assurance de notre avenir.

Et si un roman pouvait faire vaciller un régime avant même d’avoir été écrit ?

Dans Amin, Samir Toumi signe une plongée hallucinée au cœur du pouvoir algérien. Dans une Alger saturée de secrets, un écrivain se laisse happer par l’invitation d’un homme de l’ombre : écrire un roman à partir de lui. Très vite, la fiction dépasse la réalité, et ce projet devient un fantasme collectif, un virus politique. Entre manipulation, surveillance et autocensure, Amin raconte l’Algérie du soupçon, où un mot peut déclencher une tempête. Un thriller littéraire, mais aussi une radiographie lucide d’un pays au bord du vertige.

Un roman sur la peur d’un roman – et c’est précisément ce qui le rend inoubliable.

À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE - À LA UNE
autres critiques
Days :
Hours :
Minutes :
Seconds