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À travers les paysages du monde entier et de l’imaginaire le plus fécond, le premier recueil de nouvelles de Maxime Bolasell transporte le lecteur dans une étrange familiarité.
Le recueil à peine en main, me revenait la voix de mon enseignante de lettres au lycée lors d’un cours sur la nouvelle : contrairement au lectorat américain très friand de nouvelles, les Français, eux, préféraient la longueur du roman. Hormis la lecture de nombreuses nouvelles de Maupassant, il faut reconnaître que mon goût s’est plutôt conformé à cette assertion. Et pourtant, Le Pleur des Sakuras m’a ravi au-delà de mon appréhension, m’emportant au fil des pages dans un mélange délicat de poésie et d’ironie, un univers de finesse et de brutalité crue. Du Japon en Amérique, d’un cabinet de psy à un voyage en train, de la nouvelle réaliste à la science-fiction, Maxime Bolasell explore les cultures du monde, les genres et travaille à coups de serpe ses idées, son écriture, son imaginaire.
Il faut lire la première nouvelle (la meilleure ?) qui donne son titre au recueil, pour comprendre. Ï est une danseuse étoile reconnue ; Ô, un sumotori adulé et invaincu. Avec quelle poésie, avec quelle dentelle le narrateur raconte cette histoire d’amour ! La nouvelle aurait pu être simplement burlesque ou sordide ; quoique tragique, le nouvelliste s’en sort avec une plume légère, n’hésitant jamais à nommer les choses (la chose) sans tomber dans la facilité grasse. « Jusque-là, Ô avait appréhendé son corps comme une armure redoutable, capable de tout endurer. Tout à coup, sous les assauts graciles de la langue d’Ï, cette cuirasse se fissurait en de multiples endroits, et laissait passer à nouveau les caresses et l’amour. Ce fut comme le pré brûlé qui retrouve l’ondée, l’aveugle qui retrouve la vue, ou la gigolette sa boucle d’oreille. » Conte cruel, la romance était trop belle pour durer. Lorsque Ï surprend sur la scène d’un théâtre vide une amie danseuse dans l’intimité avec un technicien, elle exige la même chose. « Non, pas là-bas, prends-moi ici, sur le sol, je te veux sur moi ! », demande-t-elle au grand désarroi de Ô. Le bonheur ne dure jamais qu’un temps.
L’ensemble du recueil offre une galerie de portraits, doucement ironiques, parfois drôles, mais surtout bienveillants. Quand il change de genre, cela donne « … Out of the blue », une longue nouvelle en trois parties avec un sans-abri alcoolique et misanthrope, Max et ses chats, confronté pourtant à l’altérité extraterrestre.  » […] Quand on voulait faire preuve d’humour tiens, c’est Mistigri qui promène Max… Ha ha ! Il est toujours amusant de s’amuser d’un homme qui dort sur des cartons et trouve sa pitance dans les poubelles. / Pour montrer sa reconnaissance à l’humanité, Max n’adressait la parole à personne en dehors de ses chats, même lorsqu’on déposait une petite pièce dans la bouteille de plastique découpée qui faisait office de sébile.  » Toute une comédie humaine de dessine, nouvelle après nouvelle. Il y a le psychiatre joué par son patient ; le passager qui imagine sa vie si le bus l’oubliait lors d’un arrêt ; c’est ce jeune auteur dans « Avoir la paix » qui interroge le langage et le monde, jongle avec les mots, et joue avec notre impatience. « Comment cet “état de poésie” survient-il ? Tout de même pas ex nihilo. La chair est faible, je me serai encore rendu coupable d’un accès de tendresse envers le monde. On s’accroche vite au réel si l’on n’y prend garde, en le frôlant d’un peu trop près. « 
La poésie le cède volontiers au trivial, sans vulgarité ni jugement péremptoire. « Un regard amusé sur une scène saugrenue, une odeur d’enfance, on distingue à peine ces échardes minuscules qui s’immiscent sous la peau et s’enfoncent profondément. » On sent chez Maxime Bolasell la nécessité d’écrire, de donner vie à ses personnages, ainsi qu’une sensibilité touchante et une expérience du voyage, de la fuite, de l’autre. Il fait vivre une plume naissante, nourrie d’un vocabulaire riche, d’une culture étendue, d’anecdotes amusantes, d’une attention bienveillante ou cruelle pour la psyché humaine, et d’un art du conteur consommé qui font les bons écrivains. Concédons alors à ce cours sur la nouvelle, d’attendre avec envie et curiosité, de découvrir dans un genre plus long peut-être, toute l’ampleur de cette plume déjà affirmée, ce que promet peut-être une des dernières nouvelles, « Un personnage de roman ».

Marc DECOUDUN
articles@marenostrum.pm

Bolasell, Maxime, « Le pleur des sakuras », Balzac éditeur, « Autres rives », 04/07/2021, 1 vol. 18€

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