Petitfils, Jean-Christian, Le Saint Suaire de Turin : témoin de la Passion du Christ, Tallandier, 25/08/2022, 1 vol. (461 p.-16 pl.), 26€.
Y a-t-il quelque chose dans l’univers religieux qui suscite autant de débats, voire de polémiques que le Saint Suaire de Turin ? Force est de répondre par la négative.
Depuis cent ans, en effet, des dizaines d’études scientifiques n’ont cessé d’être réalisées sur le sujet. Avec pour conséquence, un dialogue rompu sinon quasiment inexistant entre scientifiques partisans de l’authenticité et ceux qui s’ingénient à démontrer le contraire. Surtout depuis l’analyse au carbone 14 de 1988 dont la manipulation assignant cette célèbre toile de lin à une datation médiévale est aujourd’hui unanimement contestée par nombre de spécialistes.
Ce que dit l'histoire
En lieu et place d’une querelle sur l’argumentaire des diverses théories n’engendrant que défiance ou dispute, l’heure n’est-elle donc pas propice à plus de retenue et d’approfondissement ? C’est la raison d’être de la réflexion de Jean-Christian Petitfils à travers son « enquête définitive » sur le Saint Suaire de Turin.
Réflexion, parce qu’objet d’une référence constante à la source évangélique – qui en constitue la matrice originelle et enquête définitive –, car l’auteur met à contribution tout son savoir-faire d’historien pour l’étayer. À commencer par les tout premiers éléments, – négligés voire occultés par la longue cohorte de détracteurs — qui, de l’ensevelissement de Jésus en l’an 33, jusqu’à la découverte du document d’Edesse au troisième siècle et la révélation de la pèlerine Égérie cent ans plus tard, représentent un solide terreau d’éléments.
Creusant ensuite la chronologie d’événements à partir d’un long chapitre sur « que dit l’histoire », l’auteur va tour à tour évoquer l’épisode de la translation de Constantinople, celui de la construction de la Sainte Chapelle par Saint Louis ainsi que les ostensions de Geoffroy de Charny.
Plus d’un millénaire et demi de péripéties, incluant un long temps de silence, jusqu’à ce que du Proche Orient, via Paris, le linceul ne s’installe définitivement en Europe, à Genève en 1453 puis à Turin vingt-trois ans plus tard, à la chapelle de Guarini où il demeure depuis. Cependant, si cette approche historique, aussi fouillée fût-elle, témoigne d’une continuité indiscutable propre à interpeller les sceptiques, elle n’en démontrait pas pour autant son caractère d’authenticité.
Une nouvelle exploration scientifique
C’est à cette tâche que va s’atteler l’auteur dans une deuxième partie, dite « d’exploration scientifique », aussi technique qu’exhaustive. Une quête critique appelée à maintes hypothèses, dont l’origine fut la découverte d’inversion de l’image, qu’en fit un photographe amateur, le chevalier Secondo Pia en 1898.
Sur le linge jusqu’ici objet de dévotions, on ne distinguait presque rien, hormis quelques taches jaune paille et des plaques de sang rose. En permettant une lecture claire, saisissante de relief, la mise au jour de l’inversion de l’image par le procédé argentique s’avéra un phénomène stupéfiant, totalement imprévu qui suscita l’adhésion d’un grand nombre autant qu’elle stimula les controverses.
« Un flot de réactions irrationnelles, d’insinuations malveillantes de la part des positivistes et des rationalistes pour lesquels le Saint Suaire ne pouvait être, par définition, qu’un faux, forgé par quelque chrétien fanatique des temps obscurantistes », souligne J.C Petitfils.
Polémiques d’autant plus accentuées au gré des nombreuses avancées effectuées. Car, avec la naissance de la sindonologie — nouvelle branche de la science par l’étude croisée des données archéologiques, physiques et biochimiques —, que d’importants progrès avaient été réalisés. Qu’il s’agisse des découvertes en matière de pollens, dont treize d’entre eux émanant des zones proche-orientales recoupaient le passage du linceul de Jérusalem à Edesse puis Constantinople, Lirey, Chambéry et Turin ou de celle du tissage de lin datant du début de l’ère chrétienne et des acquis de la tridimensionnalité, combien d’avancées n’avaient-elles pas cautionné la véracité des faits ?
Tout un processus de recherche doctement légitimé qui allait cependant, tel un tsunami, être complètement bouleversé par les résultats des échantillons soumis au carbone 14 en octobre 1988. Aussi contestables aient-ils été l’objet tant par leur manipulation comme par leur déduction, les résultats relayés à grand renfort médiatique au British Museum, « une supercherie dévote découverte par la science ! », se répercutèrent en boule de neige auprès des anticléricaux de tout acabit.
Les recherches ne s’en poursuivirent pas moins, ne tardant pas à invalider les résultats. « Ni les calculs, partout entachés d’erreurs, ni les méthodes toutes critiquables du fait d’hypothèses fausses ou invérifiables, ne peuvent apporter la moindre crédibilité dans les conclusions présentées », affirma cinq ans plus tard le professeur Jouvenroux.
Ajoutés aux récents travaux de Castex et Bazelaire ainsi que les tests probants du professeur Fanti en matière de datation d’échantillons se situant entre 59 à 219 après J.C, l’ensemble des conclusions tendraient à conforter l’authenticité du Saint Suaire. Ce qui ne dissipe pas ce faisant le mystère lié à la passion et à la résurrection, tel que l’indique l’auteur en y consacrant les deux derniers chapitres.
Une image, ou une présence ?
Dans la nuit du tombeau, le Linceul a été le témoin privilégié, « le témoin muet mais étonnement éloquent » selon la formule du pape Jean-Paul II. Sans prouver la matérialité de la Résurrection, laquelle ne peut se comprendre que dans la plénitude de la Révélation, « cette relique permet toutefois de nous en approcher étrangement et singulièrement », souligne J.C Petitfils dans cet ouvrage d’une grande probité.
Constat sans faille que résumait à sa manière Paul Claudel dans un commentaire de 1935. « Ce Saint Suaire n’est pas simplement une pièce officielle, comme serait par exemple un procès-verbal. C’est un décalque, c’est une image portant avec elle sa propre caution. Plus qu’une image, c’est une présence ! »
Chroniqueur : Michel Bolasell
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