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Judy Batalion, Les résistantes : l’histoire inédite des femmes juives dans les ghettos, traduit de l’anglais (États-Unis) par Omblage et Danielle Charron, Les Arènes, 24/03/2022, 24,90€

Judy Batalion est petite-fille de survivants de l’Holocauste. Elle est diplômée de Harvard en histoire des sciences et de l’Institut Courtauld (Londres) en histoire de l’art. En 2007, travaillant sur toutes les sources qui évoquaient la personnalité d’Hannah Senech, grande résistante juive, c’est dans les rayons de la British Library de Londres qu’elle découvre le récit écrit en yiddish de femmes juives qui avaient mené des actes de résistance incroyables face à la barbarie nazie. Ce livre Freuen in di Ghettos avait été publié à New York en 1946. Il était passé totalement inaperçu. Elle pensa le refermer en croyant qu’il s’agissait d’un traité talmudique. Mais en parcourant les pages elle fut suffoquée : « J’étais tombé sur un thriller. Je n’en croyais pas mes yeux. » L’homme n’est pas le maître absolu de sa destinée. Le hasard est comme le papillon qui volette sur mille objets, pour ne s’arrêter que sur un seul. En ce jour de 2007, la main du hasard avait guidé Judy Batalion vers ce texte que l’on croyait oublié à jamais. Le récit était centré autour d’une mystérieuse Renia K. La traduction du texte lui prit des années, tout comme les recherches sur ces femmes de l’ombre dont il existe peu d’équivalents dans les pays d’Europe sous occupation nazie. Qui a osé écrire que les juifs n’avaient pas résisté ? En 2017, Judy Batalion publia le fruit de dix ans de recherches et de témoignages inédits : The Light of Days : The Untold Story of Women Resistance Fighters in Hitler’s Ghettos. C’est la version française que publie cette année les éditions Les Arènes. À mes yeux, c’est le livre de l’année !

Elles s’appelaient Chaika, Chana, Frumka, Hantze, Hassadah, Leah, Mala, Renia, Rivka, Tosia, Vladka, Zivia… En tout vingt femmes. Elles étaient polonaises. Elles étaient juives, et parce qu’elles avaient beaucoup de facilité à dissimuler leur judéité, elles firent les tâches les plus dangereuses. Elles furent agentes de liaison, informatrices, espionnes, agents doubles, passeuses d’armes ou de nourritures, soldates, exécutrices. Elles furent les femmes juives qui osèrent défier les nazis. Toutes entraînées au suicide, elles se préparèrent à la mort comme à une exaltation de l’âme. Elles voulurent mourir avec dignité et le faire savoir. Elles furent la preuve que Hitler n’avait pas gagné. Elles furent Les résistantes.

Ce livre est une merveille. On en ressort fasciné. Ces résistantes ne sont plus qu’un vague souvenir. Sous la plume de Judy Batalion, elles incarnent désormais l’espoir. Les résistantes est la preuve que l’âme a besoin de peu. Ce qu’elle craint, c’est l’oubli plus que la mort.

On devrait tuer tous les Hébreux. Si Hitler ne réussit pas à le faire, nous finirons le travail !

On reproche à la France sa collaboration avec les nazis. Que penser d’une grande partie de la population polonaise qui se réjouissait de pouvoir piller les maisons et les biens juifs en déclarant : « Dommage que Hitler ne soit pas venu plus tôt » ? Bien sûr certains Polonais les hébergeaient ou aidaient gratuitement les juifs au péril de leur vie, mais d’autres extorquaient de l’argent, profitant de la situation pour être payés en nature. Il n’était pas rare que les Polonais remettent aux nazis des listes de juives célibataires qui étaient enlevées, violées, puis abattues. Car les Polonais savaient reconnaître les juifs bien mieux que les Allemands. Ils les traquaient dans les rues en exigeant de l’argent pour qu’ils ne soient pas dénoncés : « Il arrivait aussi que des gangs de Polonais s’attaquent aux Juifs, les dépouillent et vivent à leurs crochets à force de chantage. Parfois, ils prenaient leur argent, mais les livraient quand même à la Gestapo, qui offrait de petites récompenses pour chaque prise : un peu d’argent, deux livres de sucre ou une bouteille de whisky etc. » Combien de Polonais de souche ont perpétré des pogroms au sein desquels, des milliers de juifs furent massacrés ? Mais ce ne fut pas – bien sûr – une généralité. Des Polonais furent exécutés pour avoir aidé des juifs, et il arriva même qu’un village entier fût jeté en prison, pour le seul soupçon d’avoir été en contact avec un partisan. En février 2018, le Sénat polonais a adopté une loi qui punissait par des amendes ou des peines de prison ceux qui attribuaient à la nation ou à l’État polonais des crimes commis par les nazis en Pologne occupée. Sous la pression internationale, ce texte sera amendé en juin de la même année. C’est comme si elle tentait de rendre les juifs responsables de leur propre mort en laissant même entendre que c’était de la responsabilité des Allemands d’empêcher les pogroms ! La Pologne a du sang sur les mains, et un immense travail de mémoire à réaliser. Comme la France avec la rafle du Vel d’Hiv, ce pays est en prise avec son terrible héritage. La Pologne se complaît à déconstruire son Histoire et elle n’est pas exempte de reproche au sujet de la Shoah et des évènements qui se produisirent après la guerre, comme le pogrom de Kielce du 4 juillet 1946… Lorsqu’il y a quelques années, j’ai – en compagnie de mon épouse et de ma fille cadette – visité ce qui reste du ghetto de Varsovie, notre guide pleurait. C’était une femme. Elle n’était pas juive. Jamais je ne l’oublierai.

Le sol absorbe tout, sauf le secret de ce qui s’est passé.

Certains juifs collaboraient activement avec les Allemands. Les Judenrat dont nous connaissons vraiment l’existence depuis le procès Eichmann en 1962 (lisez Eichmann à Jérusalem d’Hannah Arendt, ouvrage qui n’est toutefois pas exempt de reproches) étaient reconnaissables à leur couvre-chef blanc. « Ils étaient sans pitié, écrit Renia. S’ils apprenaient qu’un juif cachait quelque chose, ils exigeaient de l’argent contre leur silence et ils distribuaient des amendes factices dont ils empochaient le paiement. » Ces milices juives à la solde des nazis – que l’on découvre également dans Le Pianiste de Roman Polanski – armés de matraques étaient en majorité des jeunes avocats, des universitaires ou des notables de la classe moyenne, facilement corruptibles et qui offraient aux nazis des juives pour éviter d’être eux-mêmes déportées : « Les Judenrat étaient des outils de répression des Juifs, mais la personnalité des individus qui les composaient variait selon les ghettos. C’étaient des groupes hétérogènes, où les héros côtoyaient les collabos. » Il y avait également des comités d’extermination : « Les comités d’extermination étaient composés de centaines d’Ukrainiens et d’hommes de la Gestapo, aidés par les membres de la milice juive, qui eux-mêmes furent exécutés plus tard. Des flaques de sang s’étalaient dans les rues du quartier juif de Vilnius. Les meurtriers rôdaient, en proie à une joie maniaque. Les rues, ruelles et immeubles étaient parsemés de cadavres. Partout, les gens criaient et geignaient comme des animaux sauvages ».

Mais il y eut des actes de Résistance de toute part. Tout le monde connaît Oscar Schindler. Un industriel allemand, Alfred Rossner qui avait refusé d’adhérer au parti nazi, faisant preuve d’humanité, embaucha des milliers de juifs pour les sauver de la déportation. Chacun avait un titre qui le protégeait, lui et ses parents, de la déportation. Il se mit de nombreuses fois en danger en avertissant des rafles à venir et allant même jusqu’à sauver des juifs avant qu’ils ne montent dans les trains. La communauté musulmane des Tatars de Varsovie fournissait également de faux papiers aux juifs pour justifier leur circoncision.

Si je dois mourir, je ne le ferai pas comme un mouton ignorant lorsqu’il est envoyé à l’abattoir.

Gloire à ces femmes juives, dont certaines qui avaient à peine dix ans et se maquillaient, se déguisaient pour paraître plus âgée. Elles étaient exploitées par des particuliers ou des entreprises polonaises : « On forçait les femmes à faire aussi bien de la couture que de la menuiserie, à démolir des maisons, à réparer des routes, à nettoyer les rues et à décharger des trains – de bombes qui parfois sautaient et les tuaient. Même si elles faisaient des kilomètres à pied pour aller casser des pierres, souvent dans la neige jusqu’au genou, affamées, les vêtements en lambeaux, elles recevaient une raclée pour avoir osé demander à se reposer. Elles souffraient d’engelures, avaient les os brisés à cause des passages à tabac, mais elles cachaient leurs blessures et finissaient par mourir des suites de leurs infections. »
Gloire à ces femmes juives qui disparaissent et étaient envoyées au front pour servir de prostituées. Aux abords des camps de travail, les nazis avaient mis en place des bordels. Près de 500 ans en Pologne. Lorsqu’elles contractaient des maladies vénériennes, elles étaient brûlées vives ou abattues. Mais certaines se révoltèrent, attaquant les nazis, s’emparant de leurs baïonnettes afin de leur arracher les yeux, puis se donnaient la mort en hurlant que : « jamais elles ne seraient des prostituées ». Les juives étaient majoritairement considérées comme des esclaves sexuelles. Les nazis choisissaient les plus belles d’entre elles, les faisaient servir nues lors de réceptions privées. À la fin du repas, elles étaient violées, puis tuées : « Chasia Bielcka raconte que, dans un camp près de Grodno, les Juives que le commandant trouvait jolies devaient enfiler des robes de soirée et participer à des fêtes allemandes. Chacune devait danser avec un Allemand devant tous les invités. Puis, au moment où on s’y attendait le moins, le commandant s’approchait et tuait la femme d’une balle dans la tête. »
Gloire à ces femmes juives qui fouillaient dans les ordures pour ne pas voir leurs enfants mourir de faim, obligées de se protéger des hommes qui ne s’étaient pas enfui et supportaient nettement moins bien la faim. Tapies dans les caves elles étouffaient les pleurs de leurs bébés pour se protéger de la déportation. Car la vie des enfants était primordiale. Les mères juives étaient les vraies représentantes de la résistance face à l’holocauste.
Gloire à ces femmes juives qui se suicidèrent en tuant leurs propres enfants pour leur épargner de tomber aux mains des Allemands lors des rafles, puis – dans les camps d’extermination – pouvant éviter la mort en travaillant, les accompagnaient dans les chambres à gaz, refusant de les laisser mourir seuls en les tenant dans leurs bras jusqu’au grand silence.
Gloire à ces femmes juives qui faisaient trembler les SS et les combattants les plus aguerris. Les plus jeunes étaient celles qui se battaient jusqu’au bout. Même les enfants, à l’aide de pierres ou de barres de fer tendaient des embuscades aux Allemands : « Elles n’étaient pas humaines, mais plutôt des diablesses ou des déesses. Calmes. Agiles comme des acrobates. Elles tiraient souvent à deux pistolets, un dans chaque main. Féroces au combat jusqu’au bout. Il était dangereux de les approcher. Un jour une combattante du mouvement He Chalutz que nous avions capturée semblait timide et complètement résignée. Mais quand nos hommes se sont trouvés à quelques pas d’elle, elle a sorti une grenade de sa jupe ou de sa culotte, l’a lancée sur nous en maudissant les SS jusqu’à la dixième génération. Nous en avions les cheveux dressés sur la tête ! Comme nous avons perdu des hommes dans ces situations, j’ai interdit de capturer les filles ou de s’en approcher. J’ai plutôt ordonné de les éliminer à la mitraillette, en maintenant une certaine distance. » (Jürgen Stroop, commandant nazi)

Gloire à ces femmes juives comme Niuta Teitelbaum, du groupe communiste Spartacus. À vingt-cinq ans, avec ses petites nattes blondes, elle en paraissait seize. Elle était surnommée par la Gestapo « La petite Wanda aux nattes ». Elle opérait depuis le ghetto de Varsovie. Sa spécialité : une incroyable et candide capacité à tuer. Sans éveiller la moindre méfiance, elle entra au siège de la Gestapo, abattit un haut gradé à sa table de travail. Puis elle tua un autre officier chez lui, dans son lit. Puis un autre en se faisant passer pour la petite amie enceinte d’un officier ; dans son bureau, elle le tua d’une balle dans la tête avec un pistolet muni d’un silencieux. Dans une autre opération, elle assassina deux agents de la Gestapo et en blessa un troisième, qui fut emmené à l’hôpital. Elle alla même jusqu’à se déguiser en médecin pour l’achever et tuer son garde : « Une autre fois, elle entra dans un quartier général allemand, vêtue en paysanne polonaise et coiffée d’un fichu. Conquis par ses yeux bleus et ses cheveux blonds, un soldat SS lui demanda s’il y avait d’autres Lorelei parmi son peuple, sous-entendu le peuple polonais. La petite Niuta lui sourit avant de l’abattre. » Cette héroïne aujourd’hui inconnue, qui figurait dans la liste des personnes les plus recherchées, survécut au soulèvement du ghetto de Varsovie, mais, fut traquée, torturée et exécutée.
Gloire à Hassadah Rosensaft, dentiste juive qui a volé de la nourriture, des vêtements et des médicaments pour des patients à Auschwitz. Gloire à Mala Zimetbaum, une Belge qui parlait six langues et servit d’interprète pour les SS d’Auschwitz. Grâce à son statut privilégié, elle put aider les autres déportés en leur fournissant des médicaments, des informations importantes, dissuadant les SS de procéder à des punitions collectives. Elle fut la première femme à pouvoir s’échapper du camp. Malheureusement rattrapée, elle se taillada les poignets avec une lame de rasoir dissimulée dans ses cheveux : « De sa main ensanglantée, elle gifla le SS qui l’agrippa et proclama : je mourrai en héroïne, mais vous crèverez comme un chien. » Des propos qui font écho à ceux de Etty Hillesum : « Si un S.S. me piétinait à mort, je jetterais un dernier regard sur son visage, et je me demanderais avec stupéfaction et un sursaut d’humanité : Mon Dieu, qu’est-ce que tu as pu vivre de terrible, mon garçon, pour faire une chose pareille. » Même si nous sommes tous les sujets de la mort, ce n’est pas la même égalité qui nous attend sous la terre…
Gloires à ces femmes juives, combattantes de l’oubli qui – ayant perdu toute leur famille – avaient rejoint la résistance polonaise faites de ruraux et d’illettrés, pour connaître un autre enfer, celui des agressions sexuelles : « Un jour, le commandant était entré dans la douche des femmes. Lorsque l’une d’elles lui a jeté un seau d’eau à la figure, il s’est mis à tirer dans le tas. » Les avortements, sans anesthésie, pratiqués dans les tranchées étaient légion. Combien de femmes perdirent la vie lors de ces opérations sauvages…
Gloire à ces petites filles juives à peine âgées de sept ans et qui, après avoir assisté à l’exécution de tous les membres de leurs familles, erraient seules dans les forêts, en se nourrissant de végétaux. À quinze ans, Mina Stern réussit à quitter le ghetto. Après avoir pu échapper à deux fermiers qui l’avaient capturée pour la dénoncer, elle se retrouva, dans la forêt et, au beau milieu de la nuit, face à trois Polonais qui la violèrent tout à tour : « Je ne savais pas ce qu’ils me faisaient, car j’ignorais tout des choses du sexe, raconte-t-elle. Mais au cours de cette terrifiante agression, ils se sont mis à me mordre comme des bêtes sauvages. Ils m’ont mordu les bras et m’ont arraché un mamelon. » Ils la laissèrent pour morte. Mais Mina finit par revenir à elle, en état de choc, meurtrie, incapable de se lever. Des années plus tard, alors qu’elle était enceinte, elle faillit mourir ; c’est uniquement à ce moment-là qu’elle comprit les dommages qu’ils avaient causés à ses organes. »

On pourrait multiplier ces anaphores à l’infini. Il est impossible de lire cet ouvrage sans qu’un chagrin secret vous consume. Des cœurs sensibles, il ne peut en sortir que des douleurs.

Nous étions libérés de la peur de la mort, mais pas de la peur de vivre...

Renia rapporte une scène qui la hanta pour le restant de ses jours. Un Allemand arracha un nourrisson des bras de sa mère, qui se mit à hurler. En le tenant par les pieds, il lui fracassa le crâne contre un mur de briques, faisant jaillir le sang qui se répandit sur le trottoir, avant de laisser tomber le cadavre par terre. Malheureusement, Renia n'était pas la seule à assister à de celles atrocités. C'était aussi le lot de jeunes enfants, à jamais traumatisés.

Renia avait à peine quinze ans lorsqu’elle est entrée en résistance contre les nazis, et à peine vingt lorsqu’elle écrivit ces lignes. Les indicibles horreurs vécues par ces êtres qui n’étaient que des enfants ont rendu le regret des survivants encore plus terribles, comme si leur douleur d’avoir le cœur à jamais brisé calomniait leur raison, comme si elles avaient la culpabilité de survivre, comme si leurs souvenirs pouvaient à jamais avoir raison d’elles. Une culpabilité avec laquelle les survivants de la Shoah durent se résoudre à composer leur vie entière : « Tout ce que j’ai fait, c’est essayer de mourir, mais j’ai survécu, avait l’habitude de dire Zivia. C’était mon destin, je n’ai pas eu le choix. » « Pourquoi ai-je survécu ? », était une question qui ne la quittait jamais, ajoute Judy Batalion.

Pensez-vous que ces femmes allaient être – au sein de leur communauté ou en Israël – accueillies en héroïnes ? Le dernier chapitre de l’ouvrage est tout aussi effrayant. Pouvait-on les croire ? La plupart des combattantes avaient été tuées, et celles qui pouvaient témoigner ont souvent été forcées de ne rien dire, censurées pour des raisons politiques ou simplement parce qu’elles étaient des femmes. On leur conseillait de se taire pour ne pas être traitées de menteuses ou de folles. La communauté juive était dubitative ou, pire, indifférence à leur sort. C’est ce qu’écrit Faye Schulman, qui avait procédé à des interventions chirurgicales, faisait sauter des trains, et avait passé toute la guerre dans le maquis : « Je me demandais si je trouverais ma place une fois la guerre terminée. Qui allait m’attendre à la gare, fêter la paix avec moi ? Il n’y aurait aucun défilé pour célébrer mon retour, et je ne pourrais même pas faire le deuil de mes proches. Où irais-je, à supposer que je sois toujours en vie ? Ma ville, ma maison et mes voisins avaient disparu. Je n’étais pas dans la même situation que mes camarades. J’étais juive et femme. »
Beaucoup de ces femmes qui firent leur Alya, résidèrent au sein de kibboutz dans des conditions proches de ce qu’elles avaient vécu dans le ghetto, en sombrant dans la dépression et la culpabilité… Comme l’écrit Maurice Maeterlinck : « N’oublions pas tous ceux qui ont vécu sans rien dire. Ils détenaient peut-être une partie du secret que nous cherchons encore. » Quinze ans après le soulèvement du ghetto de Varsovie, on retrouva Chajka Klinger pendue à un arbre du Kibboutz, non loin du jardin d’enfants où jouaient ses trois fils…

On ne peut pas se relever indemne d’un tel livre… J’ai peur que cet ouvrage soit passé presque inaperçu en France. Il est pourtant comme la souffrance : on ne peut pas l’oublier.

Prenons garde ! Le règne de la haine dévore déjà celui des successeurs du nazisme. Prenons garde, car tout est transitoire. La vie n’est qu’un cercle d’instants. L’homme n’est qu’un un abrégé du temps. Le monde qu’une simple page d’Histoire. Prenons garde ! Comme l’abîme appelle l’abîme, sans cesse l’horreur appelle l’horreur. Ce ne sont pas ces flots de sang injustement versés qui nous préserveront de la souveraineté de la haine. Prenons surtout garde à l’oubli dont la puissance est illimitée… C’est en ce sens que cet ouvrage de Judy Batalion, Les résistantes, est – à mes yeux – « Le » chef-d’œuvre intemporel.

Image de Chroniqueur : Jean-Jacques Bedu

Chroniqueur : Jean-Jacques Bedu

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