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Roman d’anticipation, « L’île de Bee » dévoile ce que serait le monde après ce que l’auteure appelle « La Grande Calamité », déclenchée le 6 août 2045. Entretemps des S.H.A, Super Humanoïdes Autonomes, auront été en charge de préparer une transition et, possiblement un avenir pour les quelques rescapés du naufrage, cinq oasis où la vie, mise en couveuse, porterait la promesse d’un avenir réenchanté. L’une de ces oasis est l’île de Bee au large d’un Portugal dévasté. Là vivent trois femmes dont Yumma Mudra va distiller les rapports complexes, les ensemencements respectifs, les rêves fragiles. Trois survivantes qui ont traversé ce bras de vie qui sépare l’ancien monde de cette aurore encore improbable.

Arya Bee, la Vieille Ravie, est porteuse d’une ancestrale sagesse. Elle est en charge d’un jardin botanique merveilleux qu’elle a créé et auquel elle consacre le meilleur de chacun de ses jours. « L’humilité de son caractère confirme sa compétence pour fonder une société. » Tria, un peu plus jeune, est terriblement meurtrie, détruite. Elle dit : « Je débarque sur une terre merveilleuse, mais je suis pleine de mort. » Cette île sublime est un peu le genre d’utopie dont elle avait pu rêver, autrefois. Avec sa fille Saphy qui « lèche ses plaies patiemment » et qui doit mettre demain au monde, ce nouveau monde, un enfant né d’un viol, elles sont des âmes désespérées qui n’ont plus besoin de fuir. « Comme une crêpe lancée du ciel, le paradis leur est tombé dessus. » Quand les ténèbres sont en vous, qu’elles ont envahi tout l’espace du dedans, comment faire grandir le jour, comment nourrir l’espérance ?

Nous sommes les filles Crusoé dans un monde à la dérive. Ma « Vendredi » est une vieille dame étrange. (…) J’ai un objectif : mériter le futur qui m’est octroyé auprès de ma fille.

Arya Bee explique la renaissance qu’elle a vécu pour être porteuse de cette lumière qui guide maintenant Tria et sa fille. L’homme fâché qui vivait en elle, l’éternel abuseur, le sempiternel violeur, a trouvé le moyen de s’apaiser, de se pacifier. Cette métamorphose masculine a inspiré sa danse qu’elle appelle sa chorésophie.

Je danse pour comprendre le monde. La danse peut tout, à condition de tout donner. La Danse crée la co-naissance, au sens littéral du terme : pendant que je danse, je sais.

Arya Bee s’est laissée inspirer par l’histoire de Yeshe Tsogyal, compagne de Padmasambhava (VIIIe siècle) dont le nom signifie en tibétain : « Reine d’un Océan de Sagesse ».  » Poète, guérisseuse, érudite, par le pouvoir de sa dévotion, elle transforme les obstacles ainsi que le plaisir en principe de l’éveil. »

Entrelacée aux journaux intimes d’Arya Bee et de Tria, l’histoire de l’île de Bee, île du monde d’après, est rapportée par deux S.H.A., les agents Chiron et Rafa qui sont censés, dans un avenir prochain, se saborder en se déconnectant, ne laissant que leurs gènes transmutés à travers les enfants hybrides. Dans un roman introspectif, méditatif et poétique d’une subtile facture, Yumma Mudra, née Myriam Szabo, créatrice de l’école « Danza Duende Network », école de philosophie par la danse, se demande si, pour éviter qu’Homo sapiens ne réitère ses nuisances dans le monde d’après, la transmission de la sagesse par les femmes n’ouvrirait pas à la possibilité d’une réconciliation.

Nous sommes loin d’une réconciliation sur notre belle planète, mais la force intrépide des femmes pourra faire tout basculer.

Jean-Philippe de TONNAC
articles@marenostrum.pm

Yumma Mudra, « L’île de Bee ou La béance des sens », Le souffle d’or, « Pierre de lune », 12/10/2021, 1 vol. (254 p.), 14,90€

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