Une jeune femme revient – par contrainte – à Naples, sa ville d’origine, après une longue absence volontaire. Ce retour ne sera pas aussi pénible qu’elle l’imagine.
Serena Giuliano Laktaf, quant à elle, est née à Salerne et a nourri son imaginaire des paysages somptueux de la côte amalfitaine. À douze ans, elle fut une petite élève allophone déracinée. Actuellement, elle vit à Metz. Mère de famille, blogueuse très suivie sur les réseaux sociaux, pigiste, autrice, elle écrit en français. Mais ses trois romans, « Ciao Bella » (2019), « Mamma Maria » (2020) et « Luna » témoignent de son profond attachement à son Italie natale.
Tous trois sont de beaux succès de librairie.
Luna, son héroïne éponyme, est aussi la narratrice. Très vite, on comprend qu’elle partage avec son autrice bien des traits de caractère, en tout cas une solide détermination, de l’humour et un sens du devoir plus fort que la rancune.
Le roman se présente en une série de courts chapitres (cinquante plus un bref épilogue) qui sont autant de scènes de vie avec parfois un passage en caractères italiques, daté. Autant d’analepses plus ou moins lointaines qui renvoient le lecteur au passé de cette jeune femme artiste qui vit à Milan. Elles explicitent son comportement retenu et ses diverses réticences à l’égard de son père comme de la ville.
On pourrait résumer l’action du livre à ce difficile retour auprès de cet homme, âgé, cloué par une opération au cerveau, sur un lit de l’Ospedale del Mare. À ce père qui avait acquis le confort de sa famille en s’affiliant à la Camorra, Luna ne peut pardonner. Toutefois, si elle a fait le deuil du « papa » aimant et aimé de son enfance, elle se doit d’accompagner vers la guérison celui qui lui reste.
Mais cette lecture factuelle serait réductrice car le livre est aussi une belle galerie de portraits féminins. Parmi eux, dans le palazzo Donn’Anna, où habite le père, Filoména, « la voisine du dessus », bourgeoise « au port de tête aristocratique » se révèle une femme engagée, à l’infinie générosité.
Gina, la cousine « cagole » inséparable des souvenirs de l’enfance, mais négligée depuis, car trop « flashy », trop bruyante, bref vulgaire, rayonne la joie de vivre entre ses enfants, son petit intérieur bien tenu, et ses bains du matin entre deux séances de ménage chez les autres. Son accueil témoigne de sa grande délicatesse de cœur et de sa fidélité à la famille.
« Luna », c’est aussi une découverte de Naples, du quartier chic de Posillipo aux quartiers lépreux du cœur de la ville, « odeur des immondices d’un côté, et d’un autre, celle du linge propre qui sèche aux fenêtres ».
C’est la certosa di san Martino qui « abrite entre autres merveilles un jardin suspendu sublime, et une terrasse avec une des plus belles vues sur le Vésuve et la ville ».
C’est encore le centre historique, où Luna guide ses trois amies, venues la rejoindre un week-end après conversations WhatsApp et SMS. Et surtout ce si spectaculaire palazzo Donn’Anna, planté sur un rocher, lieu longtemps abandonné et chargé de légendes avant d’être vendu en copropriété. Il est à lui seul le décor d’une grande partie de l’action.
« Luna », c’est enfin une promenade des odeurs et des saveurs d’une cuisine du soleil, celle de la demeure familiale ou trattoria du coin de la rue.
Entre amalfitano et scialatielli, entre la parmigiana di melanzane mijotés par Gina et la pizza frita dévorée dans la rue qui vous laisse les doigts graisseux, le texte de Serena Giuliano nous convie à une sympathique virée gourmande qui ravit nos papilles à distance !
Grâces soient rendues à l’autrice d’avoir ajouté un subtil lexique qui nous révèle la recette de l’inoubliable spogliatella des dimanches d’enfance de Luna.
Écrit dans un style très alerte, avec une abondance de dialogues bien menés, non dépourvus parfois d’une pointe de trivialité, et riche en proverbes napolitains, le livre se clôt par une pirouette romanesque, dans l’air du temps, que nous laisserons découvrir.
Mais pour nous, il est d’abord une invitation à la découverte et au voyage !
Nous ne dirons pas : « Vedi Napoli e poi muori » mais plutôt : « Voir Naples et en remplir nos yeux et notre imaginaire ».
Quant à Serena Giuliano, sa vitalité personnelle et ses origines la ramènent inlassablement vers ses racines. Tout en les partageant, elle pose sur le monde qui l’entoure un regard empreint d’une joie de vivre et d’une bienveillance communicatives.
Elle a déjà son public fidèle et nous le comprenons !
Christiane SISTAC
contact@marenostrum.pm
Giuliano Laktaf, Serena, « Luna », Robert Laffont, « Romans », 18/03/2021, 1 vol. (217 p.), 17,50€
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