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Le soufisme, avec son réseau de transmissions, reste pour beaucoup d’entre nous un mystère. Mysticisme, quête de vérité et de connaissance, société initiatique, dévotion divine, qu’en est-il vraiment ? Le soufisme est l’aspect ésotérique de l’Islam, bâtin (« intérieur » en arabe), par opposition au zâhir (« extérieur »), son aspect exotérique. Contrairement à ce que beaucoup ont pu affirmer, le soufisme se trouve donc au cœur de l’islam et ne lui est nullement étranger. Faouzi Skali, dans « Jésus dans la tradition soufie » le décrit comme la « voie dont le seul but est la connaissance de Dieu qui est reçue dans l’expérience spirituelle et qui engage l’être humain dans sa totalité, jusqu’au plus profond de lui-même ». Mais en réalité, le soufisme ne peut être exprimé par des mots, il faut en faire l’expérience. Cette expérience passe par une transmission, de maître à élève, de cheikh à murid. Ces chaînes initiatiques sont systématisées par tariqas, les confréries soufies, et la tradition veut que chacune remonte sans interruption jusqu’au prophète.

Mais que signifie le mot « soufi » ? En ce qui concerne l’étymologie du mot, de nombreux spécialistes, comme Louis Massignon, s’accordent sur le mot arabe « tasawwuf » qui signifie « vêtement de laine ». Ceci impliquerait que les soufis sont ceux qui portent de la laine, tissu associé à l’ascétisme et à la piété. D’autres, comme Éric Geoffroy, pensent que le soufisme dérive du terme « sufiya » qui signifie « celui qui a été purifié ». Il a également été suggéré que le soufisme venait du mot grec « Sophos » qui signifie « un sage ». Ces multiples étymologies ont été à l’origine de nombreux débats sur l’origine du soufisme. C’est ainsi qu’en 1922, Louis Massignon publiait son « Essai sur les Origines du Lexique Technique de la Mystique Musulmane » dans l’espoir de vulgariser et populariser l’étude du Soufisme en occident. En écrivant ce manuel de vocabulaire soufi, Louis Massignon n’avait pas pour but de publier un simple répertoire, mais l’islamologue y développe également sa théorie selon laquelle le soufisme est un mysticisme coranique, ce qu’il prouve grâce à une étude du langage. Mais l’essai de Massignon n’est pas destiné au grand public ou à l’islamologue débutant. C’est ainsi que Clara Murner, avec son « Petit Lexique Pour Comprendre le Soufisme », nous offre les clés pour nous immerger dans cet univers de mystique, d’initiations et de connaissances.

Divisé en trois parties, le petit dictionnaire définit avec simplicité les principales notions du soufisme. L’auteure y aborde le tawhid, concept de l’unicité divine ou encore l’Haqiqa, vérité ultime. Au-delà de ces concepts théologiques abstraits, elle définit également des réalités plus pragmatiques et matérielles telles que les mots cheikh, dhikr ou chath, qui font partie du quotidien des initiés soufis.
Comme il a été dit précédemment, le soufisme passe avant tout par l’expérience. Mais cette expérience n’est pas unanime pour chaque apprenti, chaque voie est différente. Le poète Rûmi, aujourd’hui poète le plus populaire des États-Unis, l’expérimenta à travers l’amour, celui pour Chams de Tabriz, son mentor, qui n’était qu’une façade pour l’amour qu’il portait au divin. Mansur Al-Hallaj, exécuté en 922 après J-C, le vécut comme une négation du soi. Il s’abandonna à Dieu, le laissant prendre contrôle de son corps, et surtout de sa voix. Ibn Arabi, le maître des maîtres, fut initié par une femme, Fatima de Cordoue. Le soufisme fut pour lui un chemin vers la connaissance, un cercle de la vie dont il fallait emprunter l’arc d’ascension afin d’aspirer à l’initiation ultime, celle de la sainteté. En addition de ces maîtres soufis iconiques, Clara Murner se réfère également aux soufis occidentaux, ces intellectuels séduits par l’Islam tels que René Guénon, Frithjof Schuon ou encore Michel Vâlsan.

Dans un petit ouvrage de 140 pages, Clara Murner nous donne toutes les clés pour comprendre le soufisme sans en révéler les mystères qui sont réservés aux seuls initiés. Un livre indispensable pour le passionné de mystique et d’union divine. Certains islamologues ont affirmé que le soufisme n’était pas islamique, qu’il était chrétien, aryen, ou encore hindou. Cet ouvrage nous prouve, renforçant la thèse de Massignon, que le lexique soufi est profondément arabe et musulman, trouvant ses racines dans le centre de la religion islamique : le Coran.

Éliane BEDU
articles@marenostrum.pm

Murner, Clara, « Petit lexique pour comprendre le soufisme », Éditions Erick Bonnier, « Encre d’Orient », 25/11/2021, »1 vol, 9€.

Retrouvez cet ouvrage chez votre LIBRAIRE indépendant et sur le site de L’ÉDITEUR

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