Jan Harlan, Barry Lyndon – Stanley Kubrick Editions Simeio, 29/10/2024, 172 pages, 59€
Offrir Barry Lyndon à un cinéphile ou un amateur d’art, c’est leur proposer une expérience immersive dans un XVIIIe siècle où le réel et le simulacre, l’ascension et la chute, se mêlent à travers le regard critique de Stanley Kubrick et la plume acerbe de William Makepeace Thackeray. Publié en 1844, sous le titre complet The Memoirs of Barry Lyndon, le roman de Thackeray offre une satire acerbe de la société britannique de l’époque géorgienne et retrace l’ascension sociale du personnage principal, Redmond Barry, avec un humour cinglant et une ironie mordante. Le film doit beaucoup à Jan Harlan, beau-frère de Stanley Kubrick, qui a joué un rôle crucial en tant que producteur exécutif. Il a été déterminant dans la réalisation de cette adaptation, soutenant Stanley Kubrick dans ses choix artistiques et logistiques, notamment en ce qui concerne la recherche de lieux de tournage et le financement du projet. Ce chef-d’œuvre des Éditions Simeio, en revisitant le roman picaresque et les codes du film historique, déploie un univers d’une beauté formelle saisissante et d’une profondeur narrative qui n’a d’égal que sa puissance troublante. Voilà le livre de cette extraordinaire aventure. Un cadeau parfait, autant pour la richesse visuelle, sa rareté, et la réflexion humaine et sociale qu’il inspire.
Entre peinture et cinéma, une œuvre éternelle
En 1975, Stanley Kubrick donnait vie à l’œuvre de William Makepeace Thackeray avec son adaptation de The Memoirs of Barry Lyndon, un roman picaresque publié en 1844. Le film, un des plus audacieux visuellement de Stanley Kubrick, reste unique en raison de son éclairage naturel – grâce aux fameux objectifs Zeiss f/0.7, conçus par la NASA pour les missions Apollo, qui permirent de filmer certaines scènes à la seule lumière des chandelles. La recherche obsessionnelle de réalisme de Kubrick crée un paradoxe captivant : ce qui semble authentique est en fait savamment mis en scène pour déconstruire tout sentiment de vérité – illustrant à merveille l’ambivalence du personnage de Barry et de son parcours.
Lors de sa sortie, Barry Lyndon a reçu un accueil mitigé de la part des critiques. Certains ont salué la beauté visuelle et la précision historique du film, tandis que d’autres ont reproché sa lenteur et son détachement émotionnel. En effet, les critiques de l’époque, notamment Pauline Kael du New Yorker, ont qualifié le film de « superbe mais distant », soulignant un manque de connexion émotionnelle avec les personnages. Ce n’est qu’après plusieurs années que le film a commencé à être réévalué. Grâce à des rétrospectives et à des analyses plus approfondies, il a été reconnu pour sa maîtrise technique et sa profondeur philosophique. Des cinéastes et historiens du cinéma, tels que Martin Scorsese, ont contribué à revaloriser Barry Lyndon, le considérant comme un exemple unique de fusion entre le cinéma et la peinture. Aujourd’hui, le film est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de Stanley Kubrick, une œuvre qui transcende le genre du film historique pour offrir une méditation sur les illusions humaines, sur la quête de grandeur et la fragilité des ambitions.
Barry Lyndon explore avec intensité la tension entre la vérité historique et l’artifice narratif, le réalisme social et la stylisation esthétique. Thackeray et Kubrick, chacun à leur façon, interrogent notre vision de l’ascension sociale et de la chute, du désir et de la désobéissance, de la liberté et de l’illusion. Cette fresque cinématographique est autant une critique cinglante des apparences qu’une réflexion sur la décadence humaine. Il fallait donc un livre exceptionnel à la hauteur de ces deux chefs-d’œuvre.
Une fresque picturale d’une richesse inégalée
L’esthétique picturale : Kubrick et les maîtres du XVIIIe siècle
Stanley Kubrick emprunte largement aux peintres du XVIIIe siècle, et chaque plan de Barry Lyndon semble issu d’un tableau de William William Hogarth, Thomas Thomas Gainsborough ou Joshua Joshua Reynolds. L’utilisation de la lumière naturelle et des décors historiques confère à chaque scène une profondeur qui va au-delà de la simple reproduction : c’est une véritable relecture artistique. Kubrick déploie cette esthétique picturale en filmant des paysages qui rappellent les toiles de John John Constable, tandis que les scènes intérieures sont à l’évidence inspirées des compositions de Jean-Baptiste-Siméon Chardin.
Dans une scène particulièrement évocatrice, Lady Lyndon, interprétée par Marisa Berenson, traverse la loggia éclairée par une lumière froide, presque surnaturelle, tandis que le Trio Opus 100 de Franz Franz Schubert accompagne ses mouvements. Comme décrit dans le livre : « Toute de retenue et bercée par la musique hypnotique de Schubert, la scène du baiser entre Barry et Lady Lyndon est probablement l’une des plus belles de l’histoire du cinéma« . Cette scène, mêlant élégance et mise en scène théâtrale, illustre à quel point Kubrick est capable de rendre hommage à l’art pictural tout en le transcendant par le mouvement.
La peinture comme dispositif narratif
La peinture n’est pas qu’un simple élément esthétique dans Barry Lyndon ; elle devient un outil narratif. Kubrick intègre des références picturales directes qui servent à illustrer les émotions des personnages et les événements du récit. Dans les scènes de jeu de cartes, on retrouve des échos directs des gravures de Thomas Rowlandson, où les visages des joueurs, déformés par la cupidité, révèlent la vacuité de leur existence. Dans le roman, Thackeray décrit également ces scènes de jeu avec une ironie cinglante, dépeignant les personnages comme des âmes si consumées par le désir de richesse qu’elles en perdaient toute humanité. Cette approche trouve une traduction visuelle parfaite chez Kubrick, qui souligne la vanité et la décadence de cette société.
Les décors eux-mêmes sont souvent inspirés de peintures du XVIIIe siècle : le soin porté aux costumes, aux meubles, aux paysages permet de donner au film une dimension presque palpable de vérité. On pense notamment à la scène où Barry contemple le domaine de Lady Lyndon, qui semble tout droit sorti d’un paysage de John Constable. Cependant, ce véritable travail de recréation picturale est constamment contrebalancé par des touches d’artifice, révélant l’étrangeté et l’artificialité des ambitions humaines. Par exemple, le mariage de Barry et Lady Lyndon est décrit dans le livre comme une cérémonie grandiose mais fondamentalement vide, un contraste que Kubrick accentue par une mise en scène cérémonieuse, avec des plans larges et une musique solennelle, soulignant l’absence de réelle émotion entre les protagonistes.
Entre vérité historique et simulacre
Une authenticité paradoxale
Stanley Kubrick s’attache à recréer le XVIIIe siècle dans les moindres détails, accumulant les recherches iconographiques et historiques afin de donner vie à un monde qui semble réel. Cependant, cette authenticité est souvent contredite par les ruptures narratives et stylistiques qui empêchent le spectateur de se plonger pleinement dans le récit.
Kubrick manipule ainsi l’authenticité pour subvertir la réalité, créant un paradoxe fascinant. L’attention méticuleuse portée aux détails historiques, tels que les costumes, les décors et les lieux de tournage, sert à établir une atmosphère de vérité indiscutable. Cependant, ces éléments sont mis au service d’une narration qui dénonce la futilité des aspirations humaines, donnant au film une dimension critique. La voix off, omniprésente et d’une ironie mordante, rappelle que ce que nous voyons n’est qu’une représentation. Elle est un dispositif de distanciation qui, tout en racontant l’histoire de Barry, détruit toute illusion de vérité. Kubrick ne cherche pas à représenter une vérité historique, mais plutôt à créer une illusion si parfaite qu’elle en devient une vérité alternative, un récit volontairement stylisé qui reflète la vacuité de l’ambition humaine.
Ce paradoxe est central dans la narration de Barry Lyndon : la quête d’authenticité ne vise pas à immerger le spectateur dans une reconstitution fidèle, mais plutôt à souligner le caractère artificiel et construit des ambitions de Barry. La beauté des images contraste avec la vacuité morale des personnages, renforçant l’idée que, même entouré de splendeur, Barry reste incapable de transcender les limites de sa condition. En manipulant ainsi les codes de l’authenticité, Kubrick subvertit le genre historique et transforme le film en une réflexion sur la vanité des quêtes humaines, créant une œuvre d’une richesse et d’une profondeur uniques.
Dans le roman, Thackeray se moque souvent de Barry en le présentant comme un personnage dont les aspirations sont démesurées par rapport à ses capacités réelles. Par exemple, il écrit : « Barry n’était qu’un imposteur en quête de reconnaissance, un homme plus attaché à l’apparence de la noblesse qu’à ses valeurs ». Kubrick traduit cette notion en visuel en montrant Barry entouré de richesses, mais toujours isolé et vide d’un véritable lien humain. La voix off renforce cette distanciation, rappelant constamment que la grandeur de Barry est une construction fragile, fondée sur des illusions.
Dans le texte de Thackeray, Barry est souvent décrit comme un « homme déterminé à gravir les échelons de la société, quel qu’en soit le prix ». Stanley Kubrick transpose ce désir en une quête de reconnaissance visuelle : chaque détail du film semble participer à l’illusion de grandeur que Barry veut créer autour de lui.
Un regard sur notre époque contemporaine
Dans une société saturée par les images et les apparences, Barry Lyndon résonne particulièrement. Le personnage de Barry, prêt à tout pour s’élever, n’est pas sans rappeler les figures contemporaines qui cherchent à manipuler leur image pour atteindre le pouvoir. La relation de Barry avec Lady Lyndon, marquée par la manipulation et l’instrumentalisation, évoque une critique acerbe de la superficialité des relations humaines fondées sur l’intérêt et le paraître.
Comme l’écrit William Makepeace Thackeray : « Barry n’avait pas de grands talents, mais il savait donner l’illusion d’en avoir, et cela suffisait souvent ». Kubrick, en reprenant cette idée, développe une esthétique du mensonge et de l’illusion, qui trouve une étrange résonance avec notre société médiatique.
Cette exploration de l’ambition, de la quête de statut et de la chute est également explorée de manière différente dans des œuvres littéraires comme Gatsby le Magnifique de F. Scott Fitzgerald. Jay Gatsby, par exemple, est prêt à tout pour rejoindre l’aristocratie de Long Island, mais ses efforts, tout comme ceux de Barry, sont voués à l’échec, car il ne pourra jamais vraiment appartenir à ce monde qui le considère comme un outsider. La tragédie de Gatsby est d’autant plus poignante qu’elle est liée à son amour pour Daisy, une quête romantique qui contraste avec la froide ambition de Barry.
Des films postérieurs comme There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson ou The Favourite de Yorgos Lanthimos montrent une influence évidente de Stanley Kubrick, tant dans la recherche visuelle que dans la critique sociale. Ces réalisateurs, tout comme Kubrick, utilisent une esthétique soignée et des personnages complexes pour explorer la vanité humaine et les illusions de grandeur.
La déconstruction du roman d’apprentissage
Redmond Barry, protagoniste du roman de William Makepeace Thackeray, est un anti-héros par excellence. Contrairement aux héros traditionnels des romans d’apprentissage, Barry ne progresse ni moralement ni spirituellement. Ses ambitions sont purement matérielles, et ses actions sont motivées par l’égoïsme et la cupidité.
Stanley Kubrick renforce cet aspect en mettant en scène un personnage dont les expressions sont souvent impassibles, même dans les moments d’émotion intense. Par exemple, lors de la mort de son fils Bryan, Barry reste étonnamment stoïque, et c’est la musique grandiloquente de George Frédéric Haendel qui vient combler l’absence d’émotion apparente. La musique joue ici un rôle crucial, accentuant la déconnexion émotionnelle du personnage. Cependant, il est important de noter que certaines scènes sont empreintes d’une intensité émotionnelle remarquable, où Kubrick insuffle une réelle profondeur aux personnages. Par exemple, la mort de Bryan est suivie par une scène où Barry, en état de choc, laisse transparaître sa douleur à travers des gestes maladroits et silencieux, illustrant son incapacité à exprimer pleinement ses émotions. Un autre exemple frappant est la scène de duel entre Barry et Lord Bullingdon, où la tension est accentuée par le silence dramatique, seulement interrompu par des notes graves et solennelles qui soulignent la fatalité du moment. Ici, l’angoisse palpable de Barry, face à la vengeance de son beau-fils, révèle sa vulnérabilité. De même, la scène du bal, accompagnée du Trio Opus 100 de Franz Schubert, magnifie la superficialité des interactions sociales, créant un contraste saisissant entre la beauté de la musique et la vacuité des échanges humains. Le livre évoque cette scène comme un « tournant irrémédiable qui conduit Barry à la décadence ». Stanley Kubrick traduit cette idée par une juxtaposition entre la beauté formelle de l’image et la vacuité émotionnelle du personnage, tout en montrant les conséquences émotionnelles, parfois désespérées, de ses choix.
Une structure narrative éclatée
Le film, tout comme le roman, ne suit pas une progression linéaire. La structure éclatée, marquée par des ellipses et des ruptures brutales, reflète l’instabilité de l’existence de Barry. Kubrick utilise la voix off, issue du roman, pour insérer des commentaires ironiques qui déconstruisent constamment l’illusion narrative.
Le parcours de réévaluation de Barry Lyndon reflète également cette complexité. Après une réception initiale mitigée, le film a progressivement été redécouvert par les critiques et les spectateurs, qui ont reconnu sa richesse stylistique et narrative. Ainsi, après la scène du mariage de Barry avec Lady Lyndon, la voix off affirme : « To make a long story short, six hours after they met, Her Ladyship was in love » (« Pour faire court, six heures après leur rencontre, Sa Seigneurie était amoureuse« ). Cette phrase, cynique et abruptement présentée, révèle la vacuité des émotions et des relations humaines dans l’univers de Barry. Ce type de narration, d’abord critiqué pour sa froideur, est aujourd’hui considéré comme une approche novatrice qui ajoute des couches de signification, reflétant l’ironie des ambitions humaines et la fragilité des relations sociales.
Apparences, illusions et critique sociale
La superficialité des apparences
Les costumes somptueux, les décors fastueux et les gestes codifiés des personnages soulignent l’obsession du XVIIIe siècle pour le paraître. Cependant, la conception des costumes a été un véritable défi lors du tournage. Stanley Kubrick a exigé une authenticité historique extrême, allant jusqu’à utiliser des matériaux d’époque et des techniques de fabrication traditionnelles pour recréer fidèlement les vêtements du XVIIIe siècle. Cette démarche était novatrice pour l’époque, car peu de films avaient alors atteint un tel niveau de détail et de recherche dans la reconstitution des costumes. Kubrick utilise ces éléments pour en faire des instruments de critique sociale. Barry, qui a tout sacrifié pour accéder à la richesse et au pouvoir, se retrouve finalement piégé dans un univers de trompe-l’œil, où chaque relation est marquée par l’intérêt et la manipulation.
Dans le livre, Thackeray écrit : « Barry était comme un acteur jouant un rôle, portant des costumes qui ne lui appartenaient pas, dans une pièce où il n’avait jamais été invité ». Cette idée de décalage entre l’être et la réalité est au cœur de l’approche de Kubrick, qui fait de Barry un personnage évoluant dans un univers esthétiquement parfait mais fondamentalement creux.
Une critique universelle et intemporelle
Le film s’achève sur une leçon d’égalité : « Bons ou mauvais, riches ou pauvres, ils sont tous égaux maintenant« . Cette conclusion, inscrite dans l’ironie narrative de Stanley Kubrick et William Makepeace Thackeray, transcende l’époque géorgienne pour interpeller le spectateur contemporain. Barry n’a jamais réussi à franchir réellement les barrières sociales, malgré ses efforts pour imiter l’aristocratie. Cette défaite résonne encore aujourd’hui, dans une société où les divisions sociales restent prégnantes, et où l’illusion de l’ascension sociale se heurte souvent à une réalité plus complexe.
On retrouve à nouveau cette ascension sociale accompagnée d’une irrémadiable chute dans le personnage d’Heathcliff dans Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë. Il incarne une trajectoire similaire : un homme qui, par ses efforts et sa quête de reconnaissance, tente de s’intégrer à une société qui le rejette en raison de ses origines, menant finalement à sa destruction. De même, Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Marie-Henri Beyle (Stendhal) est un autre exemple de personnage prêt à tout pour s’élever socialement, mais qui finit par être trahi par ses propres ambitions. Ces personnages, tout comme Barry Lyndon, montrent combien l’aspiration à la grandeur est souvent entravée par la rigidité des structures sociales.
Sur le plan historique, on peut également penser à des figures réelles comme Thomas Cromwell, ministre de Henry VIII, qui, malgré son ascension fulgurante, finit par être exécuté, victime des mêmes forces politiques qu’il avait manipulées pour s’élever. Ces exemples soulignent combien le film Barry Lyndon est proche d’une certaine réalité, où les ambitions humaines se heurtent inévitablement à des obstacles insurmontables.
La beauté trompeuse de l’iconographie
Une esthétique sublimée, un contenu troublant
Barry Lyndon est un film visuellement somptueux. La lumière naturelle, les mouvements de caméra lents et les cadrages inspirés des peintres comme Joseph Wright of Derby magnifient chaque scène. L’utilisation de la Sarabande de Haendel, jouée de manière répétée tout au long du film, souligne la grandeur tragique et l’inexorabilité du destin de Lyndon Barry.
Pourtant, cette beauté formelle contraste avec la vacuité morale des personnages. Lady Lyndon, par exemple, est souvent présentée dans des compositions élégantes, mais sa passivité apparente et son manque de caractère renforcent l’idée d’un être piégé dans les conventions sociales. Cependant, il est important de nuancer cette description en reconnaissant la complexité de son rôle dans les rapports de pouvoir avec Barry Lyndon. Lady Lyndon possède une forme d’influence subtile qui se manifeste dans ses réactions et ses choix, notamment lorsqu’elle se retire émotionnellement de son mari et se tourne vers son fils, Lord Bullingdon, qui finit par incarner la résistance à l’autorité de Barry. Cette dynamique suggère que, même dans son apparente passivité, Lady Lyndon exerce une forme de résistance indirecte, illustrant la complexité psychologique de son personnage et la lutte silencieuse, mais tenace face aux manipulations de Barry. On retrouve des personnages similaires dans la littérature, tels qu’Anna Karenine de Léon Tolstoï ou Emma Bovary de Gustave Flaubert, toutes deux enfermées dans des attentes sociales rigides qui les conduisent à la tragédie. Ces exemples soulignent l’universalité du thème de la passivité et de l’enfermement, et montrent comment Kubrick explore cette dynamique à travers Lady Lyndon.
Une esthétique sublimée, un contenu troublant
Dans le film, les objets jouent un rôle crucial pour exprimer les dynamiques de pouvoir et de manipulation. La pipe que Barry fume devant Lady Lyndon dans le carrosse devient une métaphore de sa domination émergente et de son irrespect envers elle. Le crayon, que Bryan vole à Lord Bullingdon, devient un élément de tension qui déclenche une scène de violence paternelle.
Ces objets, inspirés des peintures de Jean-Baptiste-Siméon Chardin ou des caricatures de Thomas Rowlandson, servent à établir des parallèles entre la beauté visuelle et la laideur des émotions humaines, participant ainsi à la critique sous-jacente de la superficialité des apparences.
Une réflexion moderne sur la décadence humaine
En mêlant une esthétique d’une beauté inouïe à une critique acerbe des ambitions humaines, Stanley Kubrick et William Makepeace Thackeray livrent une œuvre intemporelle qui questionne notre rapport aux apparences, à la vérité et à la décadence sociale. Barry Lyndon, par-delà sa perfection formelle, révèle la vacuité des relations humaines et des ambitions sociales. Une leçon qui, aujourd’hui encore, résonne avec une force singulière, rappelant que la beauté des apparences n’est souvent qu’un voile dissimulant l’échec et l’impuissance.
À l’approche des fêtes de fin d’année, Barry Lyndon est bien plus qu’un simple ouvrage à offrir : c’est une invitation à une réflexion profonde sur la nature humaine, par le prisme d’une œuvre visuelle et littéraire d’une richesse exceptionnelle. Il existe par ailleurs une édition numéroté à 150 exemplaires qui ravira les bibliophiles. Il n’y a pas de plus beau cadeau que d’offrir une plongée dans l’univers de Stanley Kubrick, où la beauté trompeuse des apparences est questionnée avec une acuité rare. C’est également l’occasion de redécouvrir le film sous un angle nouveau, de se laisser happer par sa portée philosophique, par sa mise en scène magistrale, et par la façon dont il explore la vanité des ambitions humaines. Pour les bibliophiles, amateurs de cinéma et de littérature, c’est le plus beau cadeau que l’on puisse imaginer : celui qui allie la profondeur d’une réflexion philosophique à la magie d’une expérience esthétique incomparable.
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