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Dans son essai, « Quand la Méditerranée nous submerge », publié en janvier 2017, Jean Viard nous fait naviguer sur cette mer Méditerranée civilisatrice, entre Nord et Sud, Occident et Orient, dominé et dominant, colonisateur et colonisé, oblitérée par les trois religions du Livre, sans oublier le nouveau Dieu dominant – ou plutôt déesse – la finance.
C’est une vision subjective et personnelle, la plus humaniste possible que je souhaiterais vous livrer.
« Que celui qui n’a jamais fauté me jette la première pierre. » Cette parole universelle (Jean, 8,7) est née sur le pourtour Méditerranéen. Plus que jamais, il nous appartient à nous, Européens, de nous l’approprier.
Lorsque cet ouvrage a été écrit, Donald Trump était Président des États-Unis. Sans vouloir prendre parti face à sa promesse de campagne de construire un mur frontalier entre le Mexique et les États-Unis, je note que de nombreux dirigeants de pays Européens, que nous avons librement élus, n’ont cessé de critiquer et même de vilipender le président Américain lorsqu’il a traduit ses paroles en actes.
Mais quel regard différencié pouvons-nous porter, entre ce mur américano-mexicain artificiel créé par l’homme et la Méditerranée, barrage naturel ?
La Méditerranée, comme le souligne Jean Viard, est devenue le plus grand cimetière marin de la planète. Et malheur aux bateaux des O.N.G. qui voudraient mettre un terme à cette tendance mortifère en venant au secours de ces êtres humains en quête d’une vie meilleure, au risque de la perdre, sur notre terre prétendument hospitalière. F.R.O.N.T.E.X (la police des frontières de l’espace Schengen) « veille au grain », donnant ainsi bonne conscience, par le biais de nos élus, aux citoyens que nous sommes.
Mentionnons aussi l’accord du 20 mars 2016 de l’Union Européenne avec la Turquie du président Erdogan relatif aux migrants « irréguliers » qui arrivent sur les îles grecques. Ces derniers doivent être refoulés vers la Turquie en contrepartie du versement à ce pays de 3 milliards d’Euros renouvelables. En ayant scellé cet accord, l’Union Européenne ne devient-elle pas comparable à ces « passeurs » qu’elle affirme pourtant combattre ? Ne devient-elle pas un acteur majeur de la traite des êtres humains ?
Qu’est-il donc advenu de cet idéal issu de l’époque des « Lumières du XVIIIe siècle » d’un monde libre partagé par l’Occident ?
Comment les anciennes Nations colonisatrices Européennes (Hollande, Belgique, Allemagne, Espagne, Portugal, Italie, France), membres de l’Union Européenne, ces pays qui ont inventé l’espace indéfini du marché sur mer comme sur terre, ces pays qui n’ont cessé de pousser l’Union Européenne à devenir rien d’autre qu’un vaste bazar boutiquier sous prétexte de « globalisation de l’économie » ont-elles pu en venir là ? Comment ont-elles pu oublier qu’elles prônaient aussi, et surtout, la liberté de circulation des personnes ?
Désormais ce sont les mêmes pays du nord de la Méditerranée qui, devant l’arrivée de quelques dizaines de milliers de réfugiés du sud, décident sur un coup de tête de se parjurer, en refusant la mondialisation concernant les êtres humains.
Jean Viard nous rappelle, fort opportunément, que si la France est européenne, elle est également de culture Méditerranéenne. Elle fut en effet gauloise, romaine, grecque, italienne mais aussi polonaise (par les mineurs), arménienne à suite du génocide, espagnole durant la guerre civile.
La France est ainsi, depuis la nuit des temps, un carrefour dont l’unité n’est pas uniquement géographique. Elle est devenue au fil des siècles un corps politique dont le vivre-ensemble est le fruit d’une volonté de faire Nation, depuis les Capétiens jusqu’aux Jacobins.

En conclusion, il apparaît que tout est un problème de dimension. La planète semblerait bien trop étroite et limitée pour la globalisation. Est-elle trop grande et trop complexe pour contenir dans les frontières des pays européens, la globalité des cultures mondiales ? Il apparaît que plus on se mondialise, plus on a l’impression d’avoir une vue limitée. Chacun de nous est prêt à sortir de son village, mais sûrement pas pour se voir imposer la vision « étriquée » d’une autre localité plus éloignée. Car sommes-nous prêts à remettre en question l’endroit où nous nous sentons protégés, rassurés par nos traditions, notre culture, notre identité ? Saurons-nous cultiver un jour une terre capable de contenir un idéal humain de progrès, d’émancipation et de développement humain alors que nous sentons le sol se dérober sous nos pas ? Ce sont toutes ces réflexions auxquelles Jean Viard nous invite, face à une crise migratoire qui se double désormais d’une crise sanitaire sans précédent.

Robert ABAT
contact@marenostrum.pm

Viard, Jean & Lenzini, José, « Quand la Méditerranée nous submerge : réfugiés, terrorisme, islam, quartiers, populisme… », Editions de l’Aube, « Méditerranées », 05/01/2017, 1 vol. (222 p.), 16,00€

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