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Quentin Biasiolo, L'amour s'accorde avec la nuit,

Quentin Biasiolo, L’amour s’accorde avec la nuit, L’Harmattan, 22/02/2024, 1 vol. (182 p.), 18€.

L‘amour s’accorde avec la nuit de Quentin Biasiolo est un roman d’apprentissage qui nous plonge dans les affres d’une passion adolescente aussi brûlante que destructrice. À travers le destin tourmenté de son narrateur, l’auteur explore les méandres de l’amour et les questionnements existentiels qui en découlent. Servi par une écriture incandescente oscillant entre lyrisme et crudité, ce récit initiatique nous entraîne dans une quête identitaire fiévreuse aux accents métaphysiques. Quentin Biasiolo signe ici un premier roman qui sonde les abîmes de la passion et les tourments de l’âme humaine.

 

Un amour adolescent brûlant d'un feu noir

Au cœur de ce roman, se consume la liaison tourmentée entre le narrateur et Salema, une jeune fille à la beauté ténébreuse et envoûtante. “Découvrant ce spectacle, mes mains manquèrent de lâcher le rebord de la fenêtre“, confie-t-il, subjugué par la sensualité de celle qui deviendra son obsession. Leur amour s’embrase dans le secret des alcôves, défiant les interdits familiaux et religieux :

Salema ôta ses chaussures et chemina pieds nus sur la mince plage de galets, avec cette démarche mi-légère mi-drôle de celle dont la grâce se trouve à la fois compromise et relevée par ces quelques cailloux contraignant ses orteils.

Mais cette passion dévorante se heurte à des obstacles infranchissables. Les amants sont condamnés à vivre un amour de l’ombre, rattrapés par le poids des traditions et le carcan social. “À quoi ressemblera notre vie quotidienne, se verra-t-on encore, et de quelle manière et à quelle fréquence ?”, s’inquiète le narrateur, pressentant l’inéluctable délitement de leur idylle. Leur histoire, tel un “immense désert qui s’ouvrait devant nous“, sera vouée à une lente agonie.

Une quête identitaire aux accents métaphysiques

Au-delà de la simple histoire d’amour, “L’amour s’accorde avec la nuit” se présente comme une quête identitaire où le narrateur, en proie au désir et au doute, tente de se construire et de donner un sens à son existence. Tiraillé entre l’injonction parentale et l’appel de la chair, il vivra son idylle avec Salema comme une transgression nécessaire, une étape cruciale de son développement. 

Sa liaison sulfureuse sera l’occasion d’une plongée introspective aux accents métaphysiques. La question du libre-arbitre et du poids du destin hantera ses pensées : “Car lorsque j’y songeais avec un peu de sérieux, il ne me semblait en effet nullement légitime de décider de quoi que ce soit en fonction d’un penchant ou d’un profit“, admet-il lors de sa conversion religieuse, acte désespéré pour sauver son amour. Les tourments du narrateur font écho à l’universelle difficulté d’être soi et de s’affranchir des déterminismes.

Un style entre lyrisme et crudité

Outre la justesse de son propos, c’est par son écriture envoûtante que Quentin Biasiolo tire son épingle du jeu. Sa plume fiévreuse, tour à tour poétique et crue, épouse les soubresauts de la passion avec une virtuosité remarquable. Les scènes érotiques se parent d’une aura mystique :

Je te vis très droite et les mains à l'arrière de la tête, les mains noyées en tes cheveux comme cette femme nue allongée chez Goya. Les bras entrecroisés à l'arrière de ta nuque et le bas du corps disparu sous les draps, tu fus soudain semblable à cette femme à la vague inventée par Courbet.

L’auteur convoque de nombreuses références picturales et mythologiques qui viennent sublimer son récit, lui conférant une dimension universelle et intemporelle. Salema devient tour à tour une “déesse d’Égypte ou d’Arabie”, une nouvelle Nout dont la sensualité se confond avec les forces cosmiques. La puissance évocatrice des descriptions, la beauté des métaphores concourent à faire de ce roman un objet littéraire aussi précieux qu’envoûtant.

Une œuvre qui sonde les abîmes de la passion

L’amour s’accorde avec la nuit est un roman aussi brûlant qu’une nuit d’été, aussi noir qu’une âme en peine. Quentin Biasiolo y explore la mécanique implacable des passions avec une virtuosité impressionnante, donnant à voir les rouages d’un amour total et destructeur. Par la grâce de son écriture, il transmute la noirceur de son récit en une œuvre vibrante d’humanité, qui questionne le sens de nos existences et la possibilité du bonheur.
C’est un texte exigeant qui ne se livre pas d’emblée, mais qui récompense le lecteur patient en l’entraînant dans une expérience de lecture intense et mémorable. Gageons que Quentin Biasiolo, avec ce premier roman aussi maîtrisé que prometteur, s’impose d’ores et déjà comme un écrivain à suivre de près.

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Chroniqueur : Jean-Jacques Bedu

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