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Tom Noti – Juste pour Dara

Tom Noti, Juste pour Dara, Éditions La Trace, 10/10/2023, 1 vol. (158 p.), 18€.

Créée en 2018, par Florence Franc et Jean-Philippe Lafont la maison d’édition La Trace fonctionne aux coups de cœur pour des auteurs peu ou pas connus, leur donnant une chance dans le temps de trouver leur public et d’épanouir les facettes de leur talent. Elle leur offre aussi ces premières de couverture esthétiques, si originales qui font d’un livre un bel objet. Parmi les auteurs suivis par La Trace, nous trouvons Tom Noti.
En 2019, il lui a confié Elles m’attendaient ; en 2020 Nos silences ne sont pas de chansons d’amour. En 2022 ce sera Témoin de rien et en 2023, Juste pour Dara. C’est en fait le septième roman de cet écrivain grenoblois, issu d’une famille ouvrière italienne, venu à l’écriture dès 2012, alors qu’il menait une carrière d’enseignant.

Précisément, la première de couverture attire le regard. L’ombre semble envahir le paysage flamboyant et solaire ; les silhouettes stylisées des hauts cyprès laissent planer une menace. Et quel sens donner dans le titre à cet adjectif épicène « juste », exact, légitime, insuffisant… ? Le champ lexical est celui de tous les possibles ! Et si c’était un nom ? Voire un prénom ?
Elle paraît bien mystérieuse cette jeune Dara aux longues nattes dans les rues de cette ville ouvrière de la banlieue de Florence. Et les premières pages de ce récit à la première personne pourraient nous orienter vers une intrigue policière.

Empêtrée dans des difficultés conjugales liées à son infertilité, Dara a brusquement quitté son époux et la Suisse pour retourner en Toscane où elle a grandi. On est dans les années 1960 et Boris Cyrulnik n’a pas encore démocratisé le concept de résilience. Mais Dara, en pleine quête identitaire, sait intuitivement qu’elle a besoin, pour aller mieux, d’éclairer la part d’ombre de sa propre histoire.

Son expédition hasardeuse va la mener à de belles rencontres : un prêtre bienveillant et œcuménique ; Sylvia, sa logeuse, chaleureuse et intrusive, sa cousine Carméla au verbe haut, à la culture littéraire inépuisable, si maternelle à sa manière. Et enfin, celui pour qui elle est venue, et qu’elle voudrait tant voir remercié pour ce qu’il a été. Mais il ne suffit pas de la volonté d’une jeune femme pour convaincre celui qui fut sportif de haut niveau et résistant sous le fascisme. Un parcours exemplaire, une humilité sans faille, une foi naïve et sincère caractérisent ce Juste là.

Lui, qui a connu la gloire des podiums, refuse qu’on expose à la face du monde ses actions les plus téméraires, les plus héroïques. Dans leurs échanges, comme dans l’histoire de Sylvia et Carméla, d’origine sicilienne, toutes deux victimes du poids ancestral des traditions qui asservissent et condamnent les femmes, lorsque l’honneur l’emporte sur la notion de famille, Dara va puiser des forces nouvelles. Elle y perdra ses nattes si sages, mais pourra assumer sa judaïté, son passé, et espérer en un avenir peut-être plus lumineux…

Sans connaître Tom Noti, on peut sans peine l’imaginer, bienveillant, accueillant, généreux, cet auteur du sud qui aime la montagne et la musique… Il ne s’en cache pas, le deuil et la douleur ont fracassé sa propre enfance. Enfant, il a trouvé comment survivre grâce aux écrits des autres. Et tard venu à l’écriture, par elle, il a réussi à transcender avec le passé ses propres fragilités. Il crée des œuvres de fiction qui puisent dans ses expériences personnelles, et pour ce dernier opus, dans véridique histoire d’un célébrissime champion cycliste.

Ses personnages connaissent les tourments des êtres dont les premières années ont été indélébilement marquées par l’absence, la maltraitance ou toute autre forme de souffrance. Mais certains, comme Dara, trouvent la force, en allant à la rencontre des autres, d’infléchir le sens de leur vie. Ils sont touchants, et comme leur auteur, profondément humains.

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Rarement un roman ne donne l’impression d’entrer à la fois dans une maison, un village et une mémoire comme Kaïssa, chronique d’une absence.

Dans les hauteurs de Kabylie, on suit Kaïssa, enfant puis femme, qui grandit avec un père parti  en France et une mère tisseuse dont le métier devient le vrai cœur battant de la maison. Autour d’elles, un village entier : les voix des femmes, les histoires murmurées, les départs sans retour, la rumeur politique qui gronde en sourdine. L’autrice tisse magistralement l’intime et le collectif, la douleur de l’absence et la force de celles qui restent, jusqu’à faire de l’écriture elle-même un geste de survie et de transmission.

Si vous cherchez un roman qui vous serre le cœur, vous fait voir autrement l’exil, la filiation et la parole des femmes, ne passez pas à côté de Kaïssa.

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