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Avec en toile de fond la question du racisme et de la difficile intégration des ouvriers italiens à la société française, un roman poétique et sensible sur l’art et l’amour qui transcendent le quotidien.
Le cinquième roman de Vincent Jolit, né en 1978 à Hyères dans le Var est un magnifique hommage aux couleurs et paysages de sa région natale. Dans un texte aussi dense que fascinant, il entraîne le lecteur à la découverte d’une lignée d’immigrés piémontais dont l’aïeul a franchi les Alpes avec femme et enfant à la fin du XIXe siècle. La langue est ample, enveloppante avec de très longues phrases qui ne sont pas sans évoquer le style du Prix Nobel de Littérature Claude Simon. Sans aucune indication temporelle précise, le roman offre une succession de vignettes que l’on admire l’une après l’autre comme des tableaux sur les cimaises d’un musée de la mémoire. L’exploration d’un arbre généalogique, dont les branches ont cherché à s’épanouir malgré les embûches semées par l’Histoire.
À l’origine donc, un modeste paysan qui, le premier, choisit d’aller au-delà des montagnes pour trouver le soleil au bord d’une Méditerranée fantasmée. Il fait fi des mises en garde des siens “si quelqu’un a mis des montagnes à cet endroit, c’est bien pour empêcher les hommes de passer” et emprunte le chemin de l’exil. Embauché dans les salins, il affronte la xénophobie des ouvriers français, survit au massacre des travailleurs italiens à Aigues-Mortes en 1893 avant de reprendre la route pour la Côte d’Azur. Son fils unique, ouvrier comme lui dans les salins, sera tué par un obus au cours de la Grande Guerre, laissant un orphelin qui deviendra artisan boucher, marquant une rupture dans cette lignée de fils uniques, promotion symbolique de l’extraction du condiment qui conserve à la préparation de la viande qui nourrit. La quatrième génération voit naître un dernier garçon, dont le parcours et les pensées occupent le cœur du roman. Le lecteur ne connaît pas son nom, de même que celui de ses aïeux a été passé sous silence. Il est artiste mais ne pouvant vivre de sa peinture, est contraint de revenir aux racines familiales en travaillant lui aussi comme ouvrier dans les salins.
L’écriture très picturale de Vincent Jolit prend son souffle dans de magnifiques descriptions évoquant la faune et la flore de la jungle indochinoise où le jeune homme est envoyé combattre, les pinèdes entourant les salins et surtout la “camelle”, cette montagne de sel faisant face à la mer dont la représentation deviendra une véritable obsession tout au long de la vie du peintre ouvrier.
Mais “Transalpin” est aussi une ode à une femme, Aimée, au nom si bien choisi, sublimée par l’artiste qui en a fait son épouse et sa muse. Le corps féminin est décrit comme un paysage vivant et sensuel, obsessionnel aussi et sans cesse représenté, comme si l’immortalité de l’art était le seul moyen de vaincre la mort.

Jean-Philippe GUIRADO
contact@marenostrum.pm

Jolit, Vincent, « Transalpin », Fayard, « Littérature française », 26/02/2020, Disponible, 1 vol. (156 p.), 16,00€.

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