Lytta Basset, Paroles de feu. Quand la Bible nous scandalise, Albin Michel, 26/03/2025, 272 pages, 21,90€

Admettons-le. Si elle contient des trésors de sagesse et de méditation pour un grand nombre, la lecture de la Bible n’est pas chose aisée. À commencer par le long héritage historico-culturel, de plus de 2 500 ans qui nous séparent des divers écrits. Sans compter la variété des styles littéraires : livres historiques, des textes de lois, poésie, psaumes ou prophéties, susceptibles d’entretenir confusion et malentendu.
De sorte qu’un écrit apocalyptique de Daniel ou de Jean peut s’avérer autrement plus ardu que l’explication d’une parabole.
Autant de difficultés qui ne doivent en aucun cas servir de repoussoir. Car selon le verset de l’épître à Timothée, le Dieu qui a inspiré les Écritures « ouvrira votre esprit à la vérité et vous aidera à comprendre sa Parole. »
La force thérapeutique de la Bible
C’est sans doute ce que sous-entend Lytta Basset lorsqu’elle parle de la force thérapeutique de la Bible. Une bible qui nous touche au travers de l’expérience intime d’autrui et qui en ce sens continue à faire des petits.
Mais si ces Paroles de feu peuvent s’avérer aussi éclairantes que bienfaisantes, que dire de certaines d’entre elles qui nous désorientent comme elles peuvent nous révolter. C’est la raison d’être du sous-titre de l’ouvrage Quand la Bible nous scandalise, que l’autrice va expliciter à travers maints exemples.
Que ce soit « Tu enfanteras dans la douleur » ; « Si l’on te gifle sur la joue droite » ; ou encore « Ils seront jetés dans les ténèbres extérieures, là où sont les pleurs et les grincements de dents »… nous avons chacun en tête ces phrases terribles qui retiennent d’aller vers l’Ancien Testament ou les Évangiles, alors que ces récits étaient censés ressourcer l’homme dans une spiritualité structurante.
Autant de versets pouvant constituer des pierres d’achoppement mais qui, à bien y regarder, ne sont pas aussi hermétiques qu’on eut pu l’imaginer. C’est là qu’intervient toute la compétence de la théologienne qui, par son savoir d’exégète et sa longue expérience en accompagnement spirituel, décrypte ces passages délicats en déconstruisant les traductions approximatives ainsi que les interprétations moralisantes ou dogmatiques.
En témoignent nombre de paroles qui peuvent choquer pour devenir libératrices, à l’exemple de la recommandation faite par Jésus à un homme désireux de le suivre, évoquée dans Luc 9,60 et Mathieu 8,22 : Laisse les morts enterrer leurs morts, et toi, va-t’en annoncer le royaume de Dieu.
Paroles éclairantes
Le commentaire qu’en fait Lytta Basset est à cet égard édifiant.
Certes, on voit mal pourquoi l’urgence de suivre Jésus devrait nous empêcher d’honorer père et mère, mais ne peut-on y voir prioritairement, une question d’ouverture intérieure. Rester tournés vers la mort ou nous tourner vers la vie et les vivants qui appellent.
De même, l’autrice va s’attacher à commenter ce verset du psaume 139 « Je les hais d’une haine parfaite », passage si choquant que certaines Bibles préfèrent le mettent entre crochets. Mais c’est dans versets suivants que Lytta Basset nous invite à méditer.
À l’instant où le priant, plutôt que s’enfermer à double tour dans sa haine, se tourne vers Autre que lui en exprimant son désir de se mettre tout entier dans la lumière. « Sonde-moi, Dieu, pénètre mon cœur ! Vois si la route de l’idole est en moi. Mène-moi sur la route de toujours ! » Du coup le priant entrevoit maintenant une autre route, la possibilité de sortir de la haine. Mène-moi sur la route de l’éternité, en direction de cette vie invincible, qui, il le pressent, va le libérer de l’enfer de la haine.
Ainsi, au gré des chapitres et des parties de l’Ancien ou du Nouveau Testament qui peuvent faire scandale, la théologienne va en faire jaillir le sens profond, adapté à chaque situation et en conférer l’actualité. D’antidotes à la peur comme à savoir discerner ce qui nous paralyse, sa parole de feu pourra s’avérer éclairante et constructrice. Une remarquable analyse du texte biblique qui trouve peut-être son point d’orgue dans son ultime chapitre sur la possibilité ou non d’être sauvé.
La porte est ouverte pour tous. Qui va la franchir ? Le repas est servi pour tous. Qui va y goûter ? Être sauvé, ce n’est donc pas seulement retrouver la santé ou la paix, l’harmonie ou les bonnes relations. La joie ou la richesse. C’est nous aventurer toujours plus loin que ce que nous pensions connaître de nous, des autres, du Tout autre. Là s’enracine notre liberté la plus indomptable. Tel est sans doute, le message essentiel de l’Évangile et en même temps le plus inaudible.

Chroniqueur : Michel Bolasell
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