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Adi revoit le cours de sa vie dans un récit qui le mène à travers le temps et les lieux, à la recherche de ses racines pour se trouver lui-même, principalement entre le pays d’adoption de ses parents, la France, et celui de ses ancêtres, l’Algérie.
Tout au long de ce voyage, dans sa quête du passé, il jette un regard lucide sur le présent. Avec pudeur et retenue, Adi raconte les drames qui ont marqué l’Algérie, les souffrances de ce peuple.
D’abord la colonisation et son cortège de malheurs ; La mort du grand-père et de l’oncle paternels lors de la guerre d’Algérie, la perte des grands-parents maternels, enlevés par les soldats français et disparus.
Il évoque le parcours de son père, émigré dans le pays de ceux qui avaient massacré les siens. Il avait travaillé durement dans une usine pour élever sa famille.
Adi a grandi dans ce contexte, avec ses parents qui ne possédaient pas les codes du pays, avec une amitié qu’il devait cacher, car David était juif, et une proximité avec un vieux commerçant pied-noir qui ressentait le lien subtil et indéfinissable qui unit tous les enfants de cette terre si tourmentée.

J’apprenais à concilier mes deux identités avec quelques difficultés dans ce pays de mon enfance où le bien commun était la liberté de croire et de douter.

Comment vivre entre deux rives, entre deux pays, entre deux cultures ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que les deux parties ont été en conflit et que des actes terribles ont été infligés aux uns et aux autres, par les uns et par les autres.
Dans ses propos, il n’y a pas de haine, pas de rancune. À l’évidence, Adi a compris la complexité de l’histoire. Il éprouve de l’empathie, peut-être même de la sympathie pour Albert Camus :

Dans sa naissance comme dans sa mort, il a contenté les deux rives de la Méditerranée. Il a porté l’Algérie dans son cœur, il y était né, elle a fait partie de lui, indéfectiblement, profondément, définitivement et cet amour lui a valu bien des imprécations et des incompréhensions.

Adi évoque aussi d’autres périodes, la décennie noire pendant laquelle tant d’êtres innocents ont été massacrés par des assassins au nom d’un dieu monstrueux. Il connaît la compromission du monde politique, la corruption qui sévit en Algérie, empêchant toute forme de progrès bénéfique au peuple.
Lorsque enfant il revient au pays de son père pour les vacances, il retrouve la façon de vivre de ses ancêtres. S’il est parfois
choqué, comme le jour de l’égorgement du mouton auquel il s’était attaché, il fait preuve de sérénité et n’est pas un étranger. Il aime la chaleur de l’air, le soleil, la couleur du ciel, la beauté de la mer, les habitants de ces contrées rudes.
Il aime les déplacements en avion qu’il pilote lui-même et cela nous vaut un long développement sur sa vie dans le Sud algérien. Magie du désert. Il a aussi ses failles, du côté de sa vie sentimentale. Peur de s’engager, peur de l’amour. Mais là n’est pas l’essentiel de sa quête.
Et quand Adi retrouve le document écrit par son oncle, des années auparavant, sorte de testament philosophique et véritable leçon d’humanisme, on ne peut s’empêcher d’évoquer le poème de Rudyard Kipling : “Tu seras un homme mon fils.”

Ce récit est un magnifique conte initiatique, avec un personnage à la recherche de son identité profonde, témoin lucide et apaisé des évènements de la vie et du monde. Sa tentative manifestement réussie de concilier les deux faces de sa double culture est un message d’espoir pour tous ceux qui pensent qu’il s’agit là d’une richesse qui profite au plus grand nombre.

Toujours les chemins les plus éloignés nous mènent à l’intérieur de nous-même, comme une lueur.
Une lueur dirigée sur l’énigme d’être soi.
Voilà ce qu’était ce trésor mystérieux.
Une lumière, comme un phare au milieu de l’océan.
Voilà ce qu’était l’héritage de mes ancêtres. Une illumination au milieu de l’obscurité.

Adi est ce qu’il est. Il est.

Robert MAZZIOTTA
articles@marenostrum.pm

Zammit, Nasser, Un été à Alger, Complicités, 15/07/2021, 1 vol. (156 p.), 16€

Nasser Zammit est écrivain et essayiste. Spécialiste en relations internationales et en science politique, il est également spécialiste en études stratégiques et politiques de défense. Après une activité de pilote de ligne, il s’est tourné vers une carrière internationale. Il est l’auteur de nombreux essais.

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