Flamme rebelle brûlant dans l’obscurité, ses cheveux roussis par le henné éclataient dans le vent du soir. Ses yeux étaient clos mais son visage ouvert, lumineux et serein, tout habillé de marques païennes turquoises, autant de portes menant au monde des esprits.

C’est en ces mots qu’Aurélien Simon dresse le portrait de la reine berbère du VIIe siècle Dihya, dite La Kahina. L’image correspond bien à celle représentée sur la couverture du livre par le peintre tunisien Ilyes Messaoudi. Ce dernier a réalisé des illustrations, aux couleurs vives, qui scandent le récit mythique de La Kahina à travers la technique de la peinture sur verre. Cet ouvrage présente en douze chapitres l’épopée de cette reine guerrière, originaire du massif des Aurès, contre les Omeyyades. À travers sa geste, c’est donc la grande histoire des conquêtes arabes dans le nord de l’Afrique qui nous est contée. Depuis le Moyen-Âge, la vie de La Kahina est en effet un entremêlement de légendes et de faits historiques. En Algérie ou bien en Tunisie, sa mémoire est encore vivace parmi la population, comme en témoigne l’érection d’une statue à son effigie à Baghaï (Algérie). Devenue une figure féministe, des auteurs comme Gisèle Halimi lui ont consacré des ouvrages afin de mettre en avant cette figure de résistance.

Sur un ton épique, Aurélien Simon raconte l’histoire mythique de cette héroïne à qui les contemporains prêtaient des dons magiques. D’après certaines sources, le surnom de Kahina signifiant « prophétesse » lui fut en effet donné par ses adversaires. Au fil des pages, le lecteur découvre les exploits militaires de Dihya, secondée par ses fils, qui parvient à unifier les tribus berbères contre les envahisseurs venus de l’Orient.

Un duel sans relâche s’engage entre cette guerrière intrépide et Hassan, le général et gouverneur d’Ifriqiya, au service du sultan. La Kahina échouera mais avant sa défaite, elle prend conscience de l’importance de l’harmonie nécessaire entre les peuples. Elle qui fit preuve de clémence à l’égard de prisonniers ennemis, lance un message de paix à ses trois fils qui symbolisent justement le syncrétisme des civilisations méditerranéennes (Ifran pour l’Afrique, Lasdian pour l’Europe et Khaled, le fils adopté, pour l’Arabie). C’est ce message aussi que le prologue de La Kahina nous rappelle : le pourtour méditerranéen est depuis longtemps un carrefour majeur de cultures.
La mer Agrakal (Méditerranée) avait toujours charrié par vagues successives, une myriade d’hommes et tout autant de bouleversements en Tamazgha (Grand Maghreb), le vaste pays des hommes libres, les Amazighs, premiers hôtes de ces terres.
Messaoudi, Ilyes & Simon, Aurélien, La Kahina, Orients éditions, 04/02/2022, (95 p.), 20,00 €