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Kamal Lakhdar-Chaouche, Kamel & Linda Soummam, Algérie, la guerre des clans : à bas l’ancienne bande, vive la nouvelle ! VA Editions, 05/01/2023, 1 vol. (233 p.), 20€.

Après son livre L’armée appartient-elle au peuple ou est-ce le peuple qui appartient à l’armée ? qui couvrait toute la période post-indépendance de l’Algérie jusqu’au Hirak, Kamel Lakhdar Chaouche revient, en collaboration avec la juriste Linda Soumman sur la période plus récente, celle du remplacement du président Bouteflika à la suite de la « révolution du sourire ».
Comme dans son précédent livre, il raconte les faits, en apportant une série de témoignages : des avocats, des juristes, des magistrats, des universitaires, mais aussi des anciens responsables politiques, des officiers de l’armée retraités, des membres d’ONG qui ont accepté de dire ce qu’ils avaient vu ou quelle était leur opinion des évènements.
Le recueil de tous ces témoignages constitue un travail considérable qui sera, à coup sûr, une source utile pour les générations futures qui s’intéresseront à l’histoire de leur pays, à charge pour elles de se documenter pour analyser des points de vue différents, car il s’agit d’un livre engagé, celui d’un journaliste militant.
Nous devons préciser que les propos contenus dans ce livre engagent la seule responsabilité de leurs auteurs, notre association Mare Nostrum n’ayant pas vocation à prendre parti dans les affaires internes d’un pays.
Le mouvement populaire pacifique appelé Hirak est décrit : l’évolution de la situation depuis le début du réveil politique algérien, mais aussi les louvoiements du Hirak avec des tentatives de manipulation, puis sa quasi-extinction face à l’offensive autoritaire du pouvoir. Les répercussions du Hirak sont analysées. Les changements politico-militaires en rapport avec celui-ci sont importants.
Le livre nous décrit le rôle du chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Salah, ce pilier du système Bouteflika, qui a compris que le peuple n’en pouvait plus et qui fait alors mine d’adhérer à ce rejet. Pour se dédouaner il fait arrêter les membres de la « bande », les soutiens du président déchu sont arrêtés, et c’est lui qui choisit le successeur, Abdelmadjid Tebboune.
Alors que le peuple souhaite une nouvelle constitution démocratiquement élaborée, Salah veut imposer une élection présidentielle, une constitution et un nouveau parlement à sa botte.
Mais le peuple ne se contente pas de ces changements à la tête du système et revendique une profonde modification du mode de gouvernance. Cela provoque une réaction et une répression de la part des autorités. Celle-ci s’exerce particulièrement à l’égard de la Kabylie. Les incendies criminels qui ont dévasté cette région font-ils partie des mesures de répression ?
Les auteurs analysent le rôle de la diaspora algérienne dont la maturité politique la rend difficilement manipulable par le pouvoir. Ils nous expliquent comment le devenir du Hirak a été influencé à la fois par la réaction des gouvernants et par la survenue de la pandémie due au Covid. Ils dénoncent la gestion, selon eux calamiteuse, de l’épidémie par les autorités. La tentative des islamistes pour infiltrer le mouvement de protestation est mise à jour. Après des mois de manifestations pacifiques, le Hirak, mal structuré, se trouve en panne de perspectives, mais on peut comprendre pourquoi :

Comment espérer qu’une société habituée à la violence puisse un jour pacifiquement construire un État démocratique et social en l’absence d’une organisation préalable. De nombreux observateurs politiques se posent à juste titre cette question. D’autant plus que le syndrome libyen est là pour rappeler que la chute d’un régime ne signifie pas toujours la victoire de la révolution. De plus, les enjeux régionaux sont trop importants pour qu’un peuple puisse aussi facilement se débarrasser du joug de la dictature et prendre en main ses destinées, sans tenir compte des intérêts des puissances mondiales.

Tout au long de son ouvrage, les auteurs dénoncent une série de faits qui participent à la corruption qui, selon eux, gangrène les institutions avec un népotisme qui prévaut à tous les niveaux. Ils nous racontent comment le pouvoir et les ressources du pays ont été confisqués par un clan composé des cadres de l’armée, et comment cela se poursuit dans la période récente. Cela passe aussi par l’utilisation de la presse pour détourner les fonds publics à coups de subventions abusives et de financement de journaux sans lecteurs. La méthode de diviser pour régner est appliquée à l’encontre de la Kabylie, dont la culture est étouffée, l’un des exemples est l’interdiction du drapeau amazigh. Les assassinats de responsables militaires font partie des moyens de garder le pouvoir.
Kamel Lakhdar Chaouche et Linda Soumman nous livrent leur vérité. Celle-ci semble être partagée par la multitude de manifestants pacifiques qui ont occupé les rues partout dans le pays chaque vendredi. Comme l’écrit dans la préface, Mohamed Lakhdar Maougal, Professeur à l’École supérieure du journalisme à Alger, et ex-vice-président du Conseil scientifique de l’Académie des langues africaines :

Cet ouvrage montre un scénario qui se répète depuis l’indépendance, l’histoire se faisant par la violence et la force, chaque époque accouchant de ses monstres. Il est gravé dans la mémoire nationale que le système militaire algérien fonctionne selon l’alternance clanique alors que le politique est rabaissé au rang de faire-valoir. Aussi, en Algérie, dans n’importe quel domaine, il ne suffit pas d’être compétent pour réussir. Il faut avoir un parrain militaire qui sert de protecteur.

Image de Chroniqueur : Robert Mazziotta

Chroniqueur : Robert Mazziotta

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