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Psychiatre, psychothérapeute reconnu, spécialiste de l’accompagnement de la fin de vie, déjà auteur de plusieurs ouvrages, Christophe Fauré signe là un livre essentiel sur la nature et le fonctionnement de la conscience. S’appuyant sur les nombreuses recherches faites dans les pays anglo-saxons, il met sur la table tous les termes d’un débat essentiel que le monde scientifique et intellectuel français se refuse depuis trop longtemps à ouvrir. Un livre de tous les possibles qui a bien des mérites.

Christophe Fauré signe là un livre courageux. En effet, notre société occidentale, et française en particulier, déteste regarder en face la question de la mort tant celle-ci est à l’origine de l’essentiel de ses peurs, de ses angoisses et de ses tabous. Mais voilà, le Docteur Fauré, riche de son expérience de praticien, n’en a cure et c’est bien dans l’intérêt des mourants, de leurs familles et de leurs proches qu’il ouvre un débat auquel se refuse encore aujourd’hui une trop grande partie de la communauté scientifique. Pourtant, depuis les années 1970 et les travaux précurseurs du docteur Raymond Moody, le monde scientifique accumule les études sérieuses et les témoignages, tant sur les expériences de mort imminente (EMI) que sur les expériences de fin de vie (EFV), et les vécus subjectifs de contact avec un défunt (VSCD). En résumant l’essentiel de ces études ayant déjà fait l’objet de communications dans les plus sérieuses revues scientifiques anglo-saxonnes, Christophe Fauré nous montre combien notre pays ne saurait plus longtemps se refuser à des interrogations aussi essentielles tant celles-ci bouleversent la conception scientifique qui laisse penser que notre conscience puisse être seulement le fruit de notre cerveau. Ce qui est frappant dans les centaines de milliers de témoignages désormais collectés et vérifiés selon des protocoles dont la valeur scientifique ne pourrait être remise en cause, puisque reposant tous sur l’épistémologie, c’est que la conscience ne s’arrête pas automatiquement lorsque les fonctions dites vitales cessent. Pour le dire autrement, ces témoignages ont en commun de montrer que la conscience continue d’être une réalité alors même que les fonctions physiques, y compris l’activité neuronale, ont elles-mêmes pris fin.

Ces recherches sur les expériences de mort imminente, déjà bien connues, ne sont peut-être rien à côté des expériences de fin de vie décrites avec le même soin que pour les EMI et dont le Docteur Fauré a pu lui-même aussi être le témoin dans le cadre de l’exercice de son activité. Là encore, les témoignages recensés, les points communs décrits entre tous ces événements vécus, viennent bousculer un ordre scientifique solidement établi et animé par cette conviction que toute chose procède uniquement de la matière. À la lecture de cette synthèse fournie d’études scientifiques, dont nous n’avons guère connaissance sur notre sol hexagonal, impossible de ne pas nous interroger sur la possibilité d’une conscience non localisée, ou de ne pas entrevoir la mort comme autre chose qu’une fin définitive.

Si le premier mérite de ce livre est d’ouvrir un débat auquel beaucoup, engoncés dans leurs certitudes se refusent obstinément, son second est de traiter ces questions fondamentales avec toute l’humilité qu’il se doit, et dans le seul intérêt des personnes directement confrontées à la mort. Car Christophe Fauré ne se trompe pas d’objectif. Pas question de donner dans le fantastique ou dans le surnaturel. L’urgence de ce livre, l’auteur sait parfaitement la définir : une meilleure connaissance de la conscience, une meilleure connaissance de ce qu’est la mort, doivent permettre à l’être humain de s’y préparer et de s’y confronter autrement qu’il ne peut le faire actuellement. C’est d’ailleurs là que l’auteur fait se rejoindre le champ de l’activité scientifique avec celui du monde de la spiritualité auquel il est loin d’être étranger, notamment par sa fréquentation du bouddhisme. Et le lecteur ne peut ainsi qu’être troublé, du moins interpellé par les points communs entre les conclusions des études scientifiques auxquelles le livre fait référence et le contenu du Livre des Morts tibétain.

Loin d’asséner des vérités nouvelles ou d’affirmer quelque dogme, Christophe Fauré interroge notre doxa scientifique autant que nos présupposés philosophiques qui ont en commun de se baser sur une conception matérialiste à laquelle il est désormais plus que difficile de s’opposer. L’auteur s’appuie sur des faits, sur des études sérieuses, sur des témoignages dont la véracité ne peut être sujette à question, pour interroger, questionner et ainsi ouvrir le champ des possibles susceptible de modifier considérablement notre approche de la mort et donc… de notre vie.

Car ne nous y trompons pas : l’existence d’une conscience non localisée, et donc indépendante de notre cerveau qui serait alors seulement un émetteur-récepteur, capable de se prolonger au-delà même de notre activité physique, matérielle, terrestre, a des conséquences majeures sur la façon dont notre société est amenée à prendre en charge les mourants, les personnes en état de coma, de préparer la personne et son entourage à la fin de vie, et donc d’envisager la question du traitement du deuil à court, moyen et long terme. Songeons ainsi au changement de paradigme que de telles découvertes scientifiques pourraient impliquer en termes de prises en charges en milieu médical, et dans l’ensemble des établissements où se trouvent des personnes en fin de vie.
Songeons également aux conséquences sur notre existence terrestre, si les phénomènes de vies antérieures ou de vécus subjectifs de contact avec un défunt auquel il fait également référence, en s’appuyant là encore sur des études sérieuses, étaient un jour démontrés par la science !

Impossible de sortir indemnes de ce nouveau livre de Christophe Fauré. Tout d’abord en raison de la force, mais aussi et surtout de la cohérence des témoignages accumulés à travers le monde par des équipes de médecins, de chercheurs, dont le sérieux de la démarche ne saurait être remis en cause. Impossible aussi d’être insensible à l’extrême difficulté de témoigner dont font part tant de femmes et d’hommes qui ont pourtant bel et bien vécu, d’une façon ou d’une autre, ces expériences qui ont radicalement bouleversé leur existence, et le sens que celles-ci a par la suite données à leurs vies. Parce que notre société a peur, parce qu’il est plus aisé de se figer dans sa certitude que de s’interroger face à l’inconnu, ces témoignages sont trop souvent méprisés, caricaturés, moqués ou rejetés. À l’issue de La vie et au-delà, impossible de faire autrement que de savoir les prendre en compte. Au risque, c’est vrai, d’en être soi-même bouleversé dans ses propres certitudes.

C’est donc avec sérieux et humilité que Christophe Fauré traite de la question première qui agite l’Homme depuis qu’il est sur terre. Car en posant ouvertement et clairement la problématique de la nature de la mort, nous abordons la question de la nature et du sens de la vie. Ce n’est pas un hasard si l’auteur mentionne avec justesse le premier témoignage rapportant une expérience de mort imminente : celui de Platon dans La République.
C’est donc, bien loin des oppositions entre les croyances et à mille lieues de tous les dogmes possibles et imaginables, à de nouvelles perspectives scientifiques, philosophiques et spirituelles que ce livre nous invite. Ce nouvel opus nous engage à tenter de comprendre ce que nous pensons si bien connaître pour changer de paradigme. En clair, d’oser briser un tabou pour regarder le possible en face.

Image de Chroniqueur : Stéphane-Ezra Babey

Chroniqueur : Stéphane-Ezra Babey

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