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“Ma sœur et moi étions là l’une pour l’autre, union de deux forces distinctes mais liées. Nous étions les sœurs oiseaux, Lark et Robin, l’alouette et le rouge-gorge, l’une qui travaillait bien, l’autre qui chantait bien”.
Mieux qu’un long paragraphe de présentation, ces phrases évocatrices résument la nature des deux personnages principaux du roman d’Alix Ohlin, deux demi-sœurs aux vies et aux destins imbriqués comme des jumelles de sang qui se serrent l’une contre l’autre au fond d’un lit quand le monde extérieur est trop dur.
Si Lark la studieuse, la discrète est la narratrice de ces vies entrelacées, Robin, la cadette en permanente révolte, imprègne chacun des chapitres de sa présence électrique, même lorsqu’elle en est physiquement absente. Nées au Canada de pères différents mais d’une même mère distante et peu aimante, les deux sœurs vont grandir en binôme indissociable, unies bien que différentes. Très tôt Lark manifeste un sérieux et une appétence pour les savoirs, tandis que Robin se découvre un don pour la musique, qu’elle assouvit au piano attirant à elle les regards admiratifs. Fortes de leurs talents respectifs, les deux jeunes filles vont successivement prendre la route des États Unis, vivre à New York, se séparer et se rejoindre, s’oublier un peu sans jamais se perdre. Quand Robin le rouge-gorge voyage d’états en états, de pays en pays, de passions épousées en passions déçues, Lark l’alouette devient une monteuse cinématographie reconnue et mène une vie quasi monacale et discrètement heureuse, à peine entachée d’un désir inassouvi d’enfant qui va, dans une dernière circonvolution du récit, la rapprocher une nouvelle fois de sa demi-sœur.

“Copies non conformes” est un roman qui parle de sororité, de maternité, de la difficulté de faire famille, tout comme le caractère indissociable de ceux qui s’aiment, même maladroitement. La prose efficace et poétique d’Alix Ohlin scande cette histoire que l’on traverse sans s’en rendre compte aux côtés des deux héroïnes, en réalisant que les encore enfants du début, au fil des pages, sont devenues des femmes mûres. C’est aussi un road-trip au travers de l’Amérique du Nord dont l’auteur sait traduire les différentes atmosphères, les paysages changeants et parsemés d’une multitude de personnages de deuxième plan comme, seule, la littérature nord-américaine sait en produire. En lisant Alix Ohlin, on songe aux pages de Philip Roth ou de Paul Auster, et l’on admire le travail de composition littéraire qui se mêle ici étroitement à une écriture très cinématographique donnant souvent la sensation de regarder un film tout autant que de lire un roman. Le cinéma est d’ailleurs très présent dans “Copies non conformes”, grâce aux évocations érudites de Lark sur l’histoire et la technique du septième art ainsi que quelques scènes fortes, notamment celle d’introduction du livre que l’on retrouve à sa toute fin, et qui laisse ce magnifique roman imprégné en nous, bien après en avoir refermé la dernière page.

Alain LLENSE
contact@marenostrum.pm

Ohlin, Alix, “Copies non conformes”, Trad. de l’anglais (Canada) par Clément Baude, Gallimard, “Du monde entier”, 11/03/2021, 1 vol. (391 p.), 23,00€

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