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Laurent Moisson est un businessman à l’éclectisme et à la créativité étonnants. C’est un entrepreneur très doué et visionnaire. Son troisième ouvrage est un essai intéressant à bien des égards. Si la thématique est très sérieuse, son traitement fourmille de formules imparables assaisonnées d’humour et de citations. Ne vous fiez pas au titre, il est là pour illustrer les techniques présentées au fil du temps et de l’Histoire, pour agir à la manière d’une provocation. Les comportements humains dans le but de prendre le pouvoir ou de le conserver, ou de séduire une clientèle, sont finement analysés et relèvent sensiblement des mêmes ressorts. Comment les moteurs du pouvoir et de la persuasion agissent sur nous, que ce soit dans un Royaume, une République ou dans le management en entreprise ? (De l’italien “maneggiare” qui veut dire : manipuler, manier, gérer). Comment susciter la peur, l’envie, le désir et la passion, (l’auteur cite La Rochefoucauld : “Les passions sont les seuls orateurs qui persuadent toujours… l’homme le plus simple qui a de la passion persuade mieux que le plus éloquent qui n’en a point”) ? L’impact des médias pour gouverner les masses est étudié ainsi que leur évolution, alors que nous restons ce que nous avons toujours été : simplement humains avec comme compagnon de toujours la misère ou la souffrance, voire les deux.
C’est surtout sur nos vies d’employés que l’auteur déploie avec brio son analyse, car “dans les sociétés occidentales, en tout cas, l’entreprise est probablement en train de devenir la principale géographie du pouvoir…”

Est étudiée l’influence et ses origines, sur quels éléments humains elle s’appuie et comment en sont utilisés les ressorts. Comment la peur et le désir sont utilisés comme des leviers par des leaders charismatiques qui s’appuient sur nos sens (d’abord la vue puis l’ouïe, le goût et enfin l’odorat) et nos émotions plutôt que de froides analyses.

Est traité le cas de l’Église romaine, vu par l’auteur comme le cas fondateur des techniques d’influence de masse à travers le césaropapisme, qui est une relation symbiotique entre “le roi et l’Église garante de la parole de Dieu source de toute légitimité morale. L’un protège l’autre qui veille à la transmission du trône…”
Puis vint l’apparition progressive des classes moyennes favorisée par la révolution industrielle qui transforma radicalement les sociétés occidentales avec un niveau de confort jamais vu. Le consumérisme devint un modèle de société. Alors que les techniques de marketing sont ignorées du grand public et que la publicité est omniprésente, peu ont conscience que celle-ci n’est qu’une forme raffinée de la propagande. La vente, qu’elle concerne un produit ou l’obtention de suffrages n’est qu’un processus de séduction et ce qui vaut pour les leaders politiques, vaut également pour les leaders économiques. Des études de psychologues comme Daniel Kahneman ont montré l’impact des répétitions fréquentes sur notre jugement en créant l’illusion de familiarité de laquelle découle la confiance, puis l’achat ou le vote. De même vint l’idée d’accoler aux marques une personnalité, un personnage pouvant la représenter, ce que nous appelons une égérie. Et l’égérie, c’est transformé en un autre personnage : l’influenceur.
L’influenceur peut être une vedette (l’auteur cite Ronaldo, Taylor Swift et… Kim Kardashian) ou bien des personnages sortis de nulle part, mais dont la capacité à capter l’attention est vite démontrée “dans une société où la vérité n’est qu’une opinion parmi d’autres”. C’est l’ère des réseaux sociaux et des blogueurs.

Est ensuite constaté devant la multiplication des “fonctions transversales” dans les grandes entreprises qu’on ne sait plus qui voir ni que faire pour trancher un problème ou prendre une décision, d’où la nécessité pour l’entrepreneur d’inventer un nouveau mode de leadership. Le statut ne suffit plus à légitimer le dirigeant. Pour Laurent Moisson, la bonne idée vient des Grecs anciens pour qui “la Cité devait être assez grande pour se défendre et assez petite pour que les citoyens se reconnaissent”. Donc une entreprise de la bonne taille où les gens sont formés à la prise d’initiative, avec un manager courageux et bienveillant, avec une gouvernance plus orientée vers la souplesse et la réactivité à la manière des corps d’armée de Napoléon, que sur le contrôle tous azimuts des procédures si chères à nous autres Français. Pour Laurent Moisson, il faut mettre l’humain au centre de tout et il nous explique comment faire pour y arriver avec une culture managériale qui inspire et influence plus qu’elle ne dirige : le manager de demain sera un “storyteller”. Suit un foisonnement d’idées et de mises en garde où l’auteur nous invite à la réflexion tout en donnant des clés pour déchiffrer notre époque et les dirigeants qu’elle doit se donner.

Je laisse l’auteur conclure :
“Si vous trouvez notre société de plus en plus fracturée et incompréhensible, si vous constatez que vous non plus, vous ne pouvez plus tomber d’accord sur rien avec votre propre voisin, ce livre est fait pour vous !”

Dominique VERRON
contact@marenostrum.pm

Moisson, Laurent, “De Jésus-Christ à Kim Kardashian : les techniques pour influencer les masses : clients, communautés, citoyens”, Dunod, 27/01/2021, 1 vol. (207 p.), 19,50€

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