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En ce qui concerne le Moyen-Orient, l’Occident dispose d’une formule magique : la « solution à deux États ».
Sans réalité palpable, elle est le préambule obligatoire à toute déclaration, sans laquelle nul homme politique ne peut être pris au sérieux. Mais à quoi ressemblera le troisième État arabe de Palestine et quelles conséquences cela aura-t-il sur Israël, qui est le seul et unique État juif au monde ?

Sur le territoire de la Palestine mandataire (100 000km2), il y a déjà trois États

Le premier État peuplé par les Arabes de Palestine (ainsi appelait-on les habitants non juifs de la Palestine mandataire, car les « Palestiniens » étaient les Juifs) est l’État Hachémite de Jordanie. Hachémite parce que les membres de cette tribu descendent du chérif Hussein ben Ali, lui-même descendant du prophète. C’est au bénéfice de cette famille que les Britanniques ont soustrait 80% du territoire sur lequel ils avaient mandat de « favoriser la création d’un Foyer national juif »[1]. Un État arabe avait été promis à Hussein par les Britanniques en 1914, pour le convaincre de rallier les Arabes contre les Turcs, alliés de l’Allemagne. Si vous n’avez pas vu le film Lawrence d’Arabie, désolée de vous spoiler la fin, mais il a réussi, les Alliés ont gagné la guerre et Abdallah a reçu son cadeau en 1922, avec le titre d’émir de Transjordanie, qui a été réévalué en roi du Royaume hachémite de Transjordanie à l’indépendance, en 1946.
Le deuxième État est Israël, colonie anglaise qui a déclaré son indépendance le 15 mai 1948.
La nuit suivante, la Syrie et le Liban au nord, l’Égypte au sud, la Transjordanie à l’est et l’Irak, à l’est de la Transjordanie, l’ont attaqué. La Transjordanie a conquis un morceau de son territoire, séparé du sien par le Jourdain. Jérusalem faisait partie du butin. Le roi Abdallah l’a annexé et a appelé l’ensemble « Royaume Hachémite de Jordanie ».
En 1967, la guerre des Six-jours a permis à Israël de prendre à la Jordanie cette portion, à l’ouest du Jourdain, qu’Abdallah avait annexée en 1948. C’est pourquoi en anglais, la Judée et Samarie (en V.O. depuis 1050 avant Jésus-Christ) se nomme « West Bank », rive ouest.
La même guerre a eu les mêmes effets sur la Bande de Gaza que l’Égypte avait conquise en 1948, mais sans l’annexer.
En septembre 1967, le Premier ministre israélien a proposé, à la tribune de l’ONU, de rendre la Bande de Gaza à l’Égypte et la rive ouest à la Jordanie en échange de la paix. La réponse a été élaborée par la Ligue arabe, à Khartoum : « Non à la paix avec Israël, non aux négociations avec Israël, non à la reconnaissance d’Israël« . Ce sont les « trois NON de Khartoum »[2], qui ont de facto installé Israël en position d’occupant d’un territoire sans statut, peuplé d’Égyptiens et d’un territoire jordanien peuplé d’Arabes de Palestine.
Lorsqu’Israël a fait la paix avec l’Égypte en 1979, Anouar el-Sadate a refusé de reprendre Gaza. Lorsqu’il a signé la paix avec la Jordanie, en 1994, cela faisait six ans qu’Hussein de Jordanie (petit-fils du contemporain de Lawrence) avait renoncé à la patate chaude en forme de rive ouest au profit du mouvement de Yasser Arafat, l’OLP.
En 1993, les accords d’Oslo ont été signés entre Israël et Arafat, représentant les Palestiniens d’origine égyptienne et jordanienne. Ces accords devaient mener à une autonomie progressive des « Territoires de l’Autorité palestinienne », puis à un État palestinien dont les frontières seraient décidées par la négociation.
Deux conditions étaient à remplir, du côté palestinien, reconnaître le droit à l’existence d’Israël et renoncer à la violence contre lui. D’après la veuve d’Arafat, celui-ci était déjà en train de préparer la deuxième Intifada[3] (qui a éclaté le 30 septembre 2001).
Côté mer (Méditerranée), les Israéliens ont quitté Gaza en juillet 2005. Gaza est Judenrein depuis lors. Le Hamas a gagné, en 2006, les élections législatives contre l’Autorité palestinienne, présidée depuis l’année précédente, pour un mandat de quatre ans par Mahmoud Abbas. Gaza est le deuxième État arabe de Palestine et le troisième sur le territoire de la Palestine du mandat britannique. En 2007, le Hamas y a renversé le gouvernement d’Abbas (200 morts !) et instauré la Terreur version charia.
En 2023, ses dirigeants ont déclaré tout haut ce que tout le monde (surtout les Gazaouis) constatait tout bas depuis 2005 : ce qui leur importait était de détruire Israël, pas de s’occuper des citoyens de Gaza « Les tunnels de Gaza ont été construits pour protéger les combattants du Hamas, pas les civils. La protection des civils de Gaza relève de la responsabilité des Nations unies et d’Israël.[4]« En Judée-Samarie-Rive-Ouest-Cisjordanie, Mahmoud Abbas règne sans partage et sans élection depuis 2005. C’est, au monde, le seul mandat de quatre ans qui dure depuis 19 ans !

La question du style du 3e État palestinien se pose avec acuité

Malgré les démonstrations offertes par les États palestiniens déjà en place, personne ne se pose la question de la nature d’un troisième exemplaire, surtout pas ceux qui affirment haut et fort que son instauration signera la paix universelle.
Les Solution-à-deux-Étatistes font semblant de se l’imaginer comme un paradis démocratique où couleront le lait et le miel. Les palestinolâtres occidentaux, qui défilent pour une Palestine « libérée du fleuve à la mer », n’en doutent pas un instant.
En janvier 2024, le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, a déclaré qu’il était « Très important pour le peuple palestinien qu’il ait une gouvernance qui puisse… répondre à ses attentes. » La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock a expliqué que « Tous ceux qui disent qu’ils ne veulent pas entendre parler d’une telle solution (à deux États) n’ont pas apporté d’alternative[5]«  donc alea Deux États est.
Bonne nouvelle, l’homologue de Baerbock à l’étage de l’Europe, Josep Borrell, pense. Mais cela ne veut pas dire qu’il a une pensée originale : « Je pense que nous ne devrions plus parler du processus de paix au Moyen-Orient. Nous devrions commencer à parler spécifiquement du processus de mise en œuvre de la solution à deux États.[6] » Le ministre de la défense britannique est sur la même longueur d’onde : « Je ne pense pas que nous parviendrons à une solution si nous n’avons pas de solution à deux États.[7]« 
Eliot Abrams, lui, est chercheur senior pour les études sur le Moyen-Orient au Council on Foreign Relations, après avoir été conseiller adjoint à la sécurité nationale des États-Unis, où il a supervisé la politique de la Maison Blanche sur le Moyen-Orient. Il observe le réel et doute que le mantra universel puisse apporter la paix où que ce soit.

Le jour où un État palestinien sera déclaré, l'Iran intensifiera ses efforts pour faire de la Cisjordanie ce que Gaza est devenue au cours de la dernière décennie : un labyrinthe d'arsenaux, de centres d'entraînement, de tunnels, de sites de lancement et de bases pour les attaques terroristes. Cette fois-ci, la géographie sera différente, car les collines de Judée et de Samarie surplombent l'aéroport Ben-Gourion, Jérusalem et la plaine côtière où se trouve la majeure partie de l'économie israélienne, son plus grand port et sa plus grande ville. La création d'un État palestinien ne mettra pas fin au conflit israélo-palestinien, car elle ne mettra pas fin au rêve palestinien et iranien d'éliminer l'État d'Israël. Au contraire, il pourra servir de rampe de lancement pour de nouvelles attaques contre Israël et sera certainement perçu comme tel par les ennemis les plus acharnés de l'État juif. Un État palestinien pacifique qui ne représente aucune menace pour Israël est un mirage.[8]

La réponse réaliste ne convient pas. Restons sur celle qui préfigure une Shoah.3

On aimerait comprendre ce qui peut se passer entre les oreilles des dignitaires promoteurs de Solution-à-deux-États : l’Égypte a refusé de récupérer Gaza qu’elle administrait avant la guerre des Six-jours. Personne ne se demande pourquoi ? Ni pourquoi le blocus entre Gaza et l’Égypte est plus imperméable que celui du côté israélien ?
Le roi Hussein de Jordanie a préféré se débarrasser du territoire annexé en 1949 et que lui avaient soufflé les Israéliens, après avoir expulsé de son royaume tous les Palestiniens qu’il n’avait pas tués en 1970, lors de Septembre noir (3000 morts et 10 000 blessés[9]). Personne n’a envie de savoir pourquoi ?
Les Israéliens sont partis de Gaza en 2005 avec armes, mais sans bagages : des milliardaires juifs américains, amoureux de la solution à deux États avaient racheté toutes les infrastructures et tout le matériel agricole pour l’offrir aux Palestiniens, persuadés que cela permettrait à leurs récipiendaires d’instaurer un Singapour sur Méditerranée. Tout le matériel a été détruit aussitôt. On sait ce qu’est devenue Gaza sous Hamas : cela a plus de rapport avec Hiroshima qu’avec Singapour.
La solution-à-deux-États est une manœuvre de politique intérieure des pays qui en font leur mantra : elle vise, depuis 1967, à apaiser l’indignation de l’extrême gauche anti-israélienne. Cette fois-ci, comme en 2014, le prétexte est la guerre de représailles contre Gaza.
Puisqu’on exige d’eux qu’ils « fassent quelque chose », contre Israël comme contre le réchauffement climatique, ils cachent leur impuissance en disant n’importe quoi, mais un n’importe quoi qui doit démontrer leur impeccable moralité. Tous, les Palestinolâtres comme leurs dirigeants, se fichent des peuples palestiniens (égyptien à Gaza et jordanien en Judée-Samarie-Cisjordanie), sinon ils se préoccuperaient de le débarrasser de ses gouvernants corrompus et malfaisants.
Comme le note Nidra Poller, « la solution-à-deux-États est une arme par destination contre l’État juif, engagé dans un âpre combat existentiel. »

La paix ne dépend pas de la destruction d'Israel

L’exigence planétaire que l’armée israélienne se retire de Rafah et offre au Hamas un cessez-le-feu assez long pour qu’il renouvelle son arsenal, procède de la même indifférence vis-à-vis des Palestiniens et de la même aversion vis-à-vis des Israéliens. Comme pour le démontrer, Tsahal a libéré, le 12 février 2024, deux otages israéliens qui étaient prisonniers à Rafah.
La destruction de l’État juif n’empêchera pas les guerres au sein des cultures du conflit. Ainsi, le 4 janvier dernier, l’État islamique (Daech) a revendiqué une attaque terroriste qui a tué cent personnes, à Kerman (Iran). L’enregistrement audio avait pour titre la sourate 9:5 « Et tuez-les où que vous les trouviez » et commençait par l’éloge du jihad et l’importance d’al-wala’ wa’l-bara’ (amour des musulmans et haine des non-musulmans). Les Chiites y étaient décrits comme « aussi néfastes que les croisés et les juifs ».
Conseils de Daech aux vrais croyants : 

Poursuivez vos proies, qu'elles soient juives, chrétiennes ou leurs alliés, dans les rues et sur les routes d'Amérique, d'Europe et du monde. Pénétrez dans leurs maisons, tuez-les et volez leur tranquillité d'esprit par tous les moyens à votre disposition. … faites sauter des explosifs, brûlez-les avec des grenades … tirez-leur dessus avec des balles, égorgez-les avec des couteaux tranchants et écrasez-les avec des véhicules..... Cherchez exprès des cibles faciles avant les cibles difficiles, des cibles civiles avant les cibles militaires, des cibles religieuses comme les synagogues et les églises avant les autres... [10]

Ce que les dirigeants du monde entier prouvent, avec leur refrain vide de sens, c’est qu’Einstein avait raison : « la folie, c’est de refaire indéfiniment la même chose en espérant obtenir un résultat différent. »
Einstein était juif, Israël est l’État juif, donc Israël a raison de refuser qu’arrive à sa porte Est la même chose qu’à sa frontière Ouest.

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Chroniqueuse : Liliane Messika

Liliane Messika est essayiste, conférencière, traductrice. Elle a publié plus de 40 ouvrages : essais, biographies, romans.

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