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Christine Pedotti & Anne |Soupa, Espérez ! : manifeste pour la renaissance du christianisme, Albin Michel, 28/09/2022, 15,90€.

L’intitulé de leur premier livre écrit à deux mains, dix ans auparavant, ne saurait mieux résumer l’engagement de ces deux auteures. Dans Les pieds dans le bénitier, vibrante critique de la hiérarchie d’une église, « vieille, mâle et autoritaire », Christine Pedotti et Anne Soupa avaient mis en commun une grogne qu’elles allaient ensuite développer individuellement.
Qu’il s’agisse de Qu’avez-vous fait de Jésus ? ou Faut-il faire Vatican III ? pour la première et Dieu aime-t-il les femmes ? suivi de François, la divine surprise, à l’actif de la seconde, leurs combats pour une institution plus ouverte et moins machiste n’a cessé de s’intensifier. Au point de créer ensemble le Comité de la Jupe (en réaction à l’attitude misogyne de l’archevêque de Paris) et quelque temps après la Conférence catholique des baptisé.e.s francophones, dont la dénomination faisait pendant à la Conférence des évêques de France.
Cela pour leur curriculum progressiste, pourrait-on dire, bien dans l’esprit de Vatican II et conforme au lectorat de Témoignage chrétien dont Christine Pedotti est l’actuelle directrice. Mais si elles unissent à nouveau leurs voix aujourd’hui, sans occulter pour autant leurs légitimes revendications, c’est dans une tout autre visée. Comme si, face aux diverses crises qui plongent nos sociétés dans une forme de langueur et de dépression, il n’était pas prioritaire de revenir à ce qui fonde l’essence même du christianisme, à savoir l’espérance.
« Espérez ! » tel qu’elles titrent leur ouvrage, car si l’univers chrétien est en proie aux discrédits comme aux abus, la curiosité sinon la confiance qui demeure autour de la personne de Jésus s’apparente à un désir de transcendance, de style d’existence désirable qu’il devient urgent de privilégier.
Quand bien même l’institution chrétienne dans son ensemble – catholicisme, orthodoxie, protestantisme – ait été un moyen de contrainte et d’asservissement par ceux qui ont cru pouvoir parler au nom de Dieu, leurs convictions sont assurées. Elles soulignent dans la préface :

Nous affirmons que le christianisme est une proposition pertinente pour vivre ensemble, une proposition de bonheur et un art de vivre profondément humain, profondément humanisant, qui répond non seulement à notre désir de vivre de façon sage, heureuse et fraternelle mais aussi à cette étrange aspiration qui habite tout être humain, le désir d’une vie de l’âme, d’une transcendance.

Telle est la raison d’être de ce manifeste, poursuivent-elles, « car c’est dans la promesse ultime du christianisme, celle de la victoire assurée, finale et définitive sur le mal, que prend source l’espérance ».
Pour étayer cette conviction, les deux auteures vont dès lors l’argumenter en divers chapitres. Sept questions au total, certes largement abordées précédemment, mais qui demandent chacune à être revisitées et approfondies.
Qui est Dieu ? Sommes-nous libres ? Comment appréhender le mal ? Quel est le rapport à notre temps ?
Autant d’interrogations que les dérèglements en tous genres imposent de poser avec acuité et auxquelles les deux essayistes répondent sans détour. En revenant d’abord à la source jaillissante du christianisme qu’est Jésus, cet homme du saisissement « offrant l’art le plus abouti de la présence, celle qui va au-delà de toutes les ruptures, au-delà de toutes les souffrances. »
Un attachement dont on peut ressentir le bien-fondé, non pas dans une méditation individuelle, autocentrée mais dans une dimension communautaire. C’est-à-dire en réaccédant à un christianisme libérateur, qui de l’errance incite l’humain à se mettre en marche, à renverser les puissants de leur trône et à élever les humbles selon la prière du Magnificat. Et ce quelles que soient les circonstances, comme en attestent-elles.

Certes, les phénomènes migratoires actuels nous inquiètent et il est sage de jauger ce que chaque société peut accueillir de façon raisonnable et digne ; certes l’étranger qui arrive est d’abord en charge, mais il est surtout une chance. Il apporte une autre vision de l’être humain et du monde. La Bible n’aborde-t-elle pas cette question sans détour : Garde-toi d’oublier que tu as été étranger au pays d’Égypte.

Une notion de fraternité que bien des représentants d’un christianisme d’apparat ont à l’évidence foulée aux pieds de nos jours. « Car ce souci de l’autre, du démuni comme de l’étranger est plus qu’un programme, une vocation, c’est l’ADN inoculé à l’être humain par le Créateur » souligne Christine Pedotti.
Après avoir incité à affirmer la dignité de l’être humain comme son devoir de lutter pied à pied contre un mal qui ronge nos sociétés, les deux autrices vont alors étayer la finalité de leur ouvrage. Tout miser sur cette petite flamme espérance comme l’appelait Péguy qui, « à l’image de la résurrection de Jésus constitue la pierre d’attente d’une promesse ultime, celle d’un monde réconcilié, dans lequel ni le mal ni la mort n’auront le dernier mot. »
De façon à ce que ce feu de l’esprit, lieu de liberté, d’échange et d’évangélisation transforme un paysage aujourd’hui morose en une maison de renaissance.

Image de Chroniqueur : Michel Bolasell

Chroniqueur : Michel Bolasell

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