Adrien Candiart, Maman voudrait que je croie en Dieu, Éditions du Cerf, 06/03/2025, 142 pages, 14€
Plus que le sujet, c’est le public visé, les adolescents en l’occurrence et leur rapport à la foi, qui a incité Adrien Candiard a bifurqué vers le roman, indique ce Dominicain de la province du Caire.
Après avoir relaté dans ces mêmes colonnes, ces deux derniers essais : Sur la montagne. L’aspérité et la grâce ou encore, Veilleur où en est la nuit ? c’est donc, un nouveau volet de son écriture qu’il nous est donné de découvrir.
Un autre courant fictionnel qui, bien que s’écartant du concept analytique, ouvre à une même dimension d’intériorité. Car, c’est bien en faisant sourdre un chemin de libération, progressivement délié de toute entrave, que ce prédicateur va évoquer la vie de Guillaume dans sa quête intransigeante de vérité et de liberté.
Soucieux d’explorer les tensions entre la foi et le doute à travers le regard d’un garçon de quinze ans, l’auteur fait démarrer son récit par un désaccord avec sa mère. Une dissension portant sur l’obligation de participer à une retraite de confirmation en l’occurrence, que Guillaume effectuera contraint et forcé.
Une mère, certes, aimante et attentive au demeurant, qui respecte la vie privée de son ado, frappe à la porte avant d’entrer dans sa chambre et le laisse dormir librement chez son ami Sami. Mais une mère active dans l’Église et jugée trop envahissante pour ce qui touche aux choses de la foi au regard de son fils.
Alors, quand à cette emprise maternelle s’ajoutent dès le début de la retraite, les recommandations du père Simon de lâcher le portable, Guillaume va se rebeller.
Hiatus intergénérationnel
Je ne supporte plus ce reproche qu’on nous fait constamment d’être dépendants de notre téléphone. Que cette obsession ne nous rend pas heureux, je le sais, nous ne le savons tous très bien. Mais est-ce une raison de recevoir des leçons de morale de la part d’adultes qui ne sont pas plus libres que nous ? Le père Simon lui-même, est-ce qu’il ne passe son temps à répondre à des messages ?
Un raisonnement censé au demeurant, mettant en exergue le sempiternel hiatus intergénérationnel, qui vaut aussi pour les diverses injonctions colportées par des années de catéchèse, du style « soit obéissant » ou « poursuis la paix, recherche-là », prescription que Guillaume avait d’ailleurs tiré au sort dès son arrivée.
Se calmer donc, oublier sa colère, multiplier les sourires, être bien sage, ne jamais rien dire. Ce sont toutes ces consignes, inlassablement répétées, qui l’irritent chaque jour davantage.
Quand bien même se reproche-t-il des erreurs, cette façon de faire l’indispose. C’est peut-être cela qui me met le plus en colère : cette prétention des adultes à faire comme s’ils avaient des réponses et des solutions, comme si tout était sous contrôle, comme si tout allait bien, alors qu’en fait, ils sont aussi perdus que moi. Je déteste leur manière de nous mentir, tout le temps, à répéter des slogans creux
« Et soudain, un sentiment, une certitude… »
Passé le temps du dépit et des jugements hâtifs, Guillaume va toutefois accepter de s’insérer au sein du monastère qui accueille le groupe ; devisant avec intérêt avec sœur Magali et plus encore avec l’ami Arthur, qui lui avouera « aimer Jésus jusqu’à le suivre au bout du monde… » Des conversations profondes quelquefois, lorsque Guillaume écoutera Alice parler de sa perception chrétienne.
« La foi pour moi, c’est croire alors qu’on ne sait pas, qu’on ne voit rien. C’est essayer de faire confiance, alors qu’on n’a aucune certitude. »
Paroles inspirantes s’il en est, que ne renieraient pas nombre de Pères de l’Église, et qui dans la tête de Guillaume vont faire leur chemin.
C’est ce qui va progressivement susciter son évolution spirituelle, la notion du pêché et du pardon notamment, que le frère dominicain explorera judicieusement par l’importance de la confession.
Jusqu’à l’avant-dernier chapitre, Guillaume restera cependant réticent.
Pardonner, mais pourquoi ? Ne serait-ce pas d’abord à son père qui a abandonné la famille de le faire ? À sa mère qui lui a imposé cette retraite ? À quelques participants qui se moquent de lui ? Tout un tas de griefs ressassés, jusqu’à ce qu’isolé devant la chapelle, l’inattendu se produise.
Et soudain autre chose. Plus de douleur, plutôt une chaleur délicieuse m’envahit. Un sentiment, une certitude, celle d’être aimé, aimé à l’extrême. Quelque chose a lâché en moi, comme si cette tension accumulée depuis tant d’années disparaissait d’un coup. Je ne sais pas ce que je viens de vivre, mais il faut que je parle à quelqu’un. Je me lève et regarde les deux prêtres. Je vais aller me confesser.
Tout à la fois apprentissage d’une vie sociale et cheminement d’un parcours chrétien, cette fiction explorant divers questionnements existentiels qui recoupe les diverses étapes de la recherche de soi dans l’univers religieux, s’avère aussi instructif qu’apte à intéresser un large public.

Chroniqueur : Michel Bolasell
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