Michel Cool, François l’anticonformiste. 1936-2025. Éditions Salvator, Paris 29/04/2025, 192 pages, 14,90€
Après le décès du Pape François (21 avril 2025), Michel Cool, journaliste et spécialiste du Vatican, publie en mai 2025 ce portrait du Pape François. Ce n’est pas une biographie mais un livre qui vient présenter les axes majeurs de l’action de l’ancien Archevêque de Buenos Aires comme évêque de Rome. Publié à chaud, l’auteur présente durant la vacance du siège apostolique davantage un « instantané » qu’une évaluation complète, carrée et définitive. Sa volonté est de préciser l’action de ce Pape venue de l’hémisphère Sud au caractère trempé, et a souvent pris à contrepied la Curie romaine, l’Église catholique, et le monde en général. Michel Cool dresse un portrait synthétique de douze années de pontificat.
Le livre esquisse trois profils possibles de successeur, explorant les orientations futures de l’Église, et un retour plus conservateur. On remet la balle au centre. On sait aujourd’hui avec l’élection du Pape Léon XIV, que ce n’est pas le cas.
Un Pape incompris
Ne se faisant pas que des amis, il s’est rapproché des plus lointains et donna dans les premiers mois et les premières années la quintessence de ce qui sera un Pontificat majeur pour la période contemporaine. Un Pape incompris et/ou anticonformiste qui va là où on ne l’attend pas, et qui dit tout haut ce que d’autres n’auraient pas dit… ou énoncé à missa voce… Il a bousculé les codes du Vatican. Tel était ce Pape venu du bout du monde, un Jésuite et amoureux de la geste franciscaine.
Michel Cool analyse des questions transversales que le Pape Bergolio avait mises au cœur de son pontificat telles que l’accueil des homosexuels, moralisme, dialogue interreligieux, diplomatie de la paix). Chaque thème est illustré par une anecdote marquante, rendant la lecture vivante. Les 15 chapitres qui composent ce livre sont centrés chacun sur un thème clé : place des femmes, la lutte contre les abus, réforme de la Curie, migrants, écologie, synodalité, la conversion écologique… Chaque chapitre analyse un moment important du pontificat se terminant par des « Verbatim » du Pape ou à son sujet. Le Pape François y apparaît comme un homme de liberté intérieure, refusant les codes du Vatican pour rapprocher l’Église du peuple.
Le portrait d’un Pape libre et dérangeant
L’admiration pour François est palpable et peut donner une impression de ton laudatif, même si l’auteur relève des contradictions, comme une communication parfois contreproductive ou une diplomatie hésitante, un idéalisme face aux conflits. On peut regretter néanmoins un manque d’analyses théologiques ou géopolitiques plus fouillées tout en considérant que le projet du journaliste n’était pas celui-ci.
Le portrait d’un Pape libre et dérangeant que brosse l’auteur apparaît au fil des pages. Il le présente comme un homme d’une grande liberté intérieure, refusant les convenances et invitant les catholiques à une foi plus ouverte. Une proximité avec les fidèles, une audace face aux questions sociales et un refus marqué pour les polarisations. Pape de rupture et d’ouverture qui se rend à Lampedusa auprès des migrants pour son premier déplacement, qui ouvre les portes du Vatican aux réfugiés et exilés du Proche-Orient, qui envoie son Aumônier exercer la diaconie de l’Église auprès de ces populations meurtries, circulant dans une petite voiture ou allant à pied, refusant de loger au Palais apostolique… Le journaliste tient également à souligner l’importance d’une voix morale dans un monde « fragmenté », et questionne le rôle du prochain Pape : artisan de paix, diplomate du cœur, ou réformateur prudent. « Tutti fratelli » et « Laudato si » sont sans aucun doute pour l’Église et pour le monde deux textes majeurs qui font déjà date.
L’héritage du pontificat du Pape argentin d’origine italienne
L’auteur s’attarde aussi sur l’héritage de ce pontificat et esquisse trois profils possibles pour son successeur, afin de réfléchir aux orientations futures de l’Église. Le dernier chapitre, rédigé avant le conclave, imagine l’après-François et offre un éclairage stimulant sur l’avenir de la papauté. Il célèbre un Pape qui a fait souffler un vent de liberté sur l’Église, tout en posant la question de l’héritage : que restera-t-il de cette audace une fois le successeur élu ?
Au centre du récit se trouve la liberté intérieure du Pape argentin. Son anticonformisme n’est pas un caprice mais l’expression d’un choix spirituel : refuser les convenances du Vatican pour inviter les catholiques à « être plus libres dans leur manière de croire ». De nombreux gestes, du refus de la pompe pontificale à l’amour du tango, symbole d’un Pape enraciné dans la culture populaire. Ces traits brossés dévoilent une personnalité complexe. Le livre « François l’anticonformiste » est pertinent et percutant. Il permet de comprendre l’esprit du Pontificat de François et les défis de sa succession. De ce fait, il contribue à nourrir le débat sur l’héritage de François et sur l’avenir du catholicisme au travers d’une lecture documentée de l’action de cet anticonformiste assumé. L’anticonformisme de François n’est pas seulement un style, mais un acte pastoral et politique, qui vise à ouvrir une Église parfois étouffée par ses propres traditions. François, un Pape de liberté et de rupture qui a eu à assumer de nombreux défis qu’il n’a pas eu le temps de résoudre.
L’héritage du pontificat du Pape argentin d’origine italienne
Cette musique populaire, qu’on ne cesse d’entendre s’échapper des fenêtres en se promenant dans les rues de Buenos Aires, est comme le marque-page de son pontificat. Durant les douze années où il essaya à sa façon d’être le successeur de Pierre, le premier pape argentin de l’histoire a voulu faire danser l’Église au souffle du vent de la Pampa. Un vent, dit-on, tonique et même vigoureux. Au fond, le tango, aux accents tantôt caressants tantôt rudoyants, aura été la « colonne sonore » de l’anticonformisme de François. Son style de vie libre, sans apprêt, sans masque, lui aura gagné la faveur des gens simples. Alors, quelle soit la suite de l’histoire, quels que soient son successeur et l’orientation qu’il fera prendre à l’Église catholique, on peut d’ores et déjà faire ce pari : vu l’émotion universelle, profonde mais sans débordement, provoquée par sa disparition et par ses funérailles, la musique du tango argentin résonnera longtemps encore dans les oreilles et la mémoire des contemporains de François l’anticonformiste. Ils l’entendront comme un air plein de nostalgie… et en même temps d’espérance
Une manière d’être au monde, d’être prêtre et évêque, évêque de Rome et successeur de Pierre sur le Siège apostolique est un chemin d’ouverture. Son humour parfois décapant, son sens de la répartie, son goût du décalage toujours capable de bousculer les traditions pour faire respirer une institution en quête de renouveau. Relire le Pontificat du Pape François à travers ses gestes les plus audacieux, l’ouverture aux marges, nous permet de comprendre les défis contemporains de l’Église. La figure de ce Pape anticonformiste continue à faire son chemin, et semble être dans l’ombre de son successeur. Un américain du Nord fils d’immigrés succède à un Américain du Sud, lui-même fils de l’immigration italienne. Une parenté spirituelle, une proximité de regard sur le monde et sur les marges continuent à interroger le monde et l’Église dans un autre style, mais dont l’orientation est claire puisqu’elle situe déjà dans la continuité d’un Pape à la fois aimé et souvent incompris… Chacun se fera une opinion. Là est l’art de Michel Cool de nous faire réfléchir en nous présentant sur un air de tango celui qui est resté attaché à sa terre, mais si largement ouvert au monde…

Chroniqueur : Patrice Sabater
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