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« Je crois en l’athéisme ». Cette affirmation d’un apostat est presque un paradoxe. Peut-on croire au néant ? Ne pas croire en Dieu, est-ce ne pas croire en soi ? Comme le dit l’expression populaire – « Dieu merci » –, l’ouvrage n’est pas un traité de théologie, mais la confession sincère et émouvante de l’enfant d’une ancienne banlieue communiste, paradoxalement nourri par l’idée que le monde est la prunelle d’un Dieu unique et attentif. Emmanuel Pierrat a cheminé dans l’existence avec ses doutes qui lui ont toutefois permis de mener une brillante carrière d’avocat, d’homme de lettres, de père attentif au devoir de transmettre, et surtout de créer un égrégore autour de lui grâce à son engagement maçonnique. Et parce qu’il a commencé par douter, il a fini par croire, mais en l’athéisme ! Pour l’athée, c’est notre peur du néant qui nous a conduit à nous fabriquer les dieux. C’est pour cette raison que l’humanité progresse avec une telle lenteur. Nous aurions donc créé des dieux à notre image : exigeants, tyranniques, cruels et souvent injustes. Peut-être est-ce précisément pour cette raison qu’Emanuel Pierrat a embrassé la carrière d’avocat ?
Dans son métier, il s’est donné pour devoir de défendre certaines causes face à une justice dont il nous révèle qu’elle est une utopie, ce que nous ne pouvons pas ignorer, car elle vient de la raison. C’est l’équité qui vient du cœur.
Dans son parcours d’écrivain, Emmanuel Pierrat nous offre cet ouvrage qui s’avère un exercice délicat. En effet, démontrer son athéisme est, sur le plan ontologique, bien plus redoutable que de se s’affirmer agnostique, position bien plus confortable. L’auteur le fait avec beaucoup d’humilité, d’humanisme, et surtout de clairvoyance face à ses doutes et ses ambiguïtés. Le livre, en forme de confession, n’a pas l’extrémisme d’un Michel Onfray, affirmant dans son « Traité d’athéologie » que : « l’athéisme n’est pas une thérapie mais une santé mentale recouvrée ».
Et pourtant, cet ouvrage qu’il est impossible de lâcher une fois entamé, dévoile une problématique. Pourquoi, malgré son athéisme, l’auteur persiste-t-il à visiter tous les lieux sacrés aux quatre coins du monde ? Pourquoi accomplit-il les rituels familiers au catholicisme quand les aléas de l’existence le conduisent à nouveau dans des églises ? Pourquoi a-t-il fait baptiser ses enfants ?
D’aucuns pourraient lui reprocher qu’il exprime une relation manquée avec le Grand Architecte de l’Univers, ou qu’il souffre éventuellement du « blues de l’athée ». Cette coexistence qu’Emmanuel Pierrat entretient avec le sacré nous fait penser à l’empereur moghol Akbar qui entrait indifféremment pour prier dans les églises, les mosquées ou les temples. Il tenta d’unifier les religions et il pensait que le vrai Dieu est en nous. Le poète Maurice Magre lui a consacré de belles pages, concluant ainsi : « Comme l’empereur Akbar je me suis assis dans le temple intérieur de l’âme. Là il n’y a ni livre, ni colonnes, ni statues, ni feu sacré, ni harmonie de cloches. Aucune fenêtre ne s’ouvre sur le monde des hommes et cependant j’ai été illuminé par la pure lumière de la vérité. » (Le Livre des lotus entrouverts, 1926)
Par essence, un franc-maçon est en proie au doute. Emmanuel Pierrat ne cache pas son appartenance à cette école de philosophie. Ce n’est pas pour justifier son athéisme, mais pour délivrer une mise au point très réussie sur la laïcité, cette spécification française que nous tentons de sauver. Oui, bien sûr, Emmanuel est croyant en l’athéisme. Il ne croit pas dans un Dieu unique et révélé, mais – nous semble-t-il – dans une Tradition primordiale si chère à René Guénon, ce métaphysicien dont il n’ignore pas l’existence. Oui il croit, mais dans les révélations morales des philosophes qui ont été faites bien avant la venue du Christ. Oui il croit, mais dans la puissance des esprits et dans l’animisme, sinon comment expliquer l’incroyable passion qu’il entretient avec l’art africain, dont le continent est le berceau de l’humanité et de nos civilisations.

Être athée, c’est nier l’existence de Dieu. Pour autant, ce n’est pas éluder les grandes questions métaphysiques. Bien qu’il s’en défende, Emmanuel Pierrat n’a pas achevé son parcours avec Dieu. Jusqu’à ce qu’il rejoigne son « Orient éternel » il sera avec lui. En effet – en hébreu – son prénom signifie : « Dieu est avec nous », et nous le fêtons le 25 décembre… N’est-ce pas symbolique ?

Jean-Jacques BEDU
contact@marenostrum.pm

Pierrat, Emmanuel, « Je crois en l’athéisme », Le Cerf, 02/07/2020, 1 vol. (198 p., 22,00€.

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